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Je me levais comme tous les matins à 7h, mangeais comme tous les matins deux tartines de pains avec de la pâte à tartiner, m’habillais comme tous les matins, c’est quand je pris mes clés (pour une fois rangées dans la boîte à clés) que je le sentis, un mauvais pressentiment. Je savais que quelque chose de grave, de mauvais allait arriver sans pouvoir mettre le doigt dessus. Je descendis les escaliers et rejoigna Armande sur le palier. Elle était au téléphone, le teint livide elle posa ses yeux en amande sur moi. Elle raccrocha et ses lèvres bougèrent. Le son arriva à mes oreilles avec un décalage. “Ils sont tous morts” avait-elle dit. Qui étaient morts ? Je ne demandais pas. Nous fîmes le trajet jusqu’au chantier en silence. Jusqu’au chantier et non jusqu’aux bureaux. La scène qui s'étendait devant moi était surréaliste. Six corps en tout. Aucune trace de sang. Ils étaient disposés sur la chape de béton encore fraîche, face contre terre, ce qui était invraisemblable c’était justement leurs disposition : ils formaient une pyramide, trois corps pour socle, puis deux, puis un formant la pointe. J'entendis les sirènes de polices et des pompiers, ce qui me sortit de ma torpeur. Que s'était-t-il passé? Qui était responsable? Je n’aurais des informations que bien des semaines plus tard.
“Un suicide collectif en guise de protestation” avaient annoncé les journeaux. Je m’étais faite à l’idée que le monde ne tournait pas rond. J’aurai aimé me contenter de cette version des faits. J’aurais aimé pouvoir l’ignorer. Malheureusement, je ne pouvais me résoudre à m’en séparer, pas quand chaque jour, chaque heure, chaque seconde je sentais sa puissance se déverser dans mes veines. J’en étais ivre.
J’observais Viola en pleine admiration du micro-onde. Elle portait une robe de l’époque victorienne, je m'étais renseignée sur le sujet. Ses cheveux châtains étaient relevés en une queue de cheval qui embellissait ses boucles naturelles. Elle avait de grands yeux bleus sombres semblables à deux abysses océaniques.
Elle m'etait apparue la première fois au retour de la découverte des corps du chantier. J’avais rapidement compris que j’étais la seule à la voir. J’ai d’abord pensé que j’étais devenue complètement chocos-pépitos mais c'était à ce moment que ça avait commencé. La première manifestation de mes “aptitudes” (comme les avaient nommées Viola) fut par la maîtrise du feu. Et par “maîtrise” j’entendais “passer sa mais sur la gazinière allumée, ne pas s’en rendre compte, puis voir sa main en feu (paniquer complètement), la passer sous l’eau et contempler l’absence de blessure”. Viola avait commencé à me porter de l'intérêt depuis lors. Une maîtresse du feu étant plutôt rare dans les rangs des “sorcières”. J’aimais cependant pas trop ce terme, il était moyenâgeux et n’avait pas de sens pour moi aujourd’hui. A l’époque de Viola, on appelait “sorcière” toute femme ayant un tant soit peu de connaissance (peu importe le domaine). Il se trouve que le domaine de Viola était l'alchimie; et ce que Viola appelait “alchimie” nous l’appelions aujourd’hui “ physique quantique”. Viola, et donc moi par extension, pouvait manipuler les probabilités au niveau quantique. Chaque chose, chaque évènement avait une probabilité non nulle de se réaliser. Si on lançait une balle sur un mur, il existait une chance sur une infinité que les atomes s’organisent correctement afin de laisser passer la balle à travers le mur. Ce que nous pouvions faire, c’est modéliser cette probabilité, l’inciter à se produire. Comment etait-ce possible, ça je n’en n’avais aucune putain d’idée. Je savais juste que j’étais devenue “l’hôte” de Viola en touchant la perle de mon nouveau porte-clé. J’avais donc l’immense honneur de me coltiner une pseudo-sorcière aigrie qui n'avait qu’un seul hobby : critiquer toutes les personnes qu’elle croisait. Manque de bolle, je la croisais tous les jours vu qu’elle vivait en moi. J’ajouterais un point à ma liste d'inconvénients à être l’hôte de la perle, rien n'était gratuit dans ce monde. Le prix à payer en contrepartie de ce pouvoir s'alourdissait de jours en jours, d’heure en heure, de seconde en seconde; quand j'insitais de l'ordre dans des évènements, le cahos se créait à son coté : l'entropie ne pouvant qu'augmenter.
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