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Il y a des jours où je me demande à quel moment tout a basculé. À quel moment, exactement, j’ai cessé d’être quelqu’un de bien. Peut-être que je ne l’ai jamais été, au fond. Peut-être que le mal, ou ce qu’on appelle comme ça, n’est pas une destination mais un état latent. Une graine, juste là, sous la peau, attendant qu’on cesse de prétendre qu’on peut être meilleur.
Je ne suis pas un héros. Je n’ai jamais voulu l’être.
Il y avait ce jour, je m’en souviens encore, où le soleil brillait d’une manière insupportable, comme pour narguer les gens comme moi. Les éclats de lumière rebondissaient sur les vitres, les sourires, les vies parfaites que je n’aurais jamais. Je portais une veste trop grande, une paire de chaussures usées jusqu’à la corde, et un plan qui tenait à peine sur trois bouts de papier froissés.
Je n’avais pas grandi avec des rêves d’enfant. Pas de cape, pas de masque, pas d’idéal. Seulement cette colère, toujours là, grondante et implacable, comme une bête sauvage prête à bondir. Je voulais qu’ils paient. Tous. Les chanceux, les beaux parleurs, ceux qui s’élevaient au-dessus des autres sans jamais regarder en bas. Mais le pire, c’est que je ne savais pas vraiment comment. Ce n’était pas une grande destinée, une ambition transcendante. Juste l’envie de tout briser, pour que, peut-être, dans les ruines, on me voie enfin.
Vous voulez savoir qui je suis ? Ce n’est pas si important. Mon nom change selon les endroits. Parfois, je suis un simple comptable, effacé, insignifiant. D’autres fois, un client impatient dans une file d’attente, un voisin que l’on évite. Mais dans ma tête, je suis autre chose. Une force en mouvement. Une ombre qui étend ses doigts pour griffer le vernis de la normalité.
Mon plan ? J’en ai un. Enfin, je crois. Ce n’est pas une grande machination diabolique. Juste un enchaînement d’actions simples, presque banales, mais qui, une fois assemblées, créeront quelque chose de plus grand. Je ne veux pas régner, je ne veux pas conquérir. Je veux déranger. Perturber cet équilibre hypocrite qu’on appelle le bien. Chaque mot que je prononce, chaque acte que je pose, est une petite fissure dans leur monde parfait.
Et peut-être que, dans ce chaos, quelqu’un comme moi trouvera enfin sa place.
Vous pensez que je suis le méchant ? Peut-être. Mais qui décide, au fond, de ce qui est bien ou mal ? Qui déclare qu’un héros est celui qui sauve les faibles, et non celui qui leur montre qu’ils peuvent se défendre eux-mêmes ? Qui décide que ma colère est une menace, et non une vérité qu’ils refusent de voir ?
Alors oui, je suis l’ombre dans leur lumière. Je suis le bruit dans leur silence. Je suis la raison pour laquelle ils ne dorment pas sur leurs deux oreilles.
Mais je ne suis pas désolé.
Parce que les ombres ne s’excusent pas.