Rêve létal

Pendue à l’escalier d’accès à notre bureau d’architectes, visage déformé par la corde qui enserre son cou, regard en colère mais mort. Premier arrivé vers 8 heures, je trouve Hila, une lettre fixée à sa combinaison blanc immaculé, 10 mots uniquement : « Ma chérie, va au bout de tes rêves : réveilles-toi ».

Notre collègue Sofia arrive 15 minutes plus tard, les pompiers et la police sont déjà là.

• Telo, nous aurions dû nous apercevoir qu’elle n’allait pas bien et nous occuper d’elle !
• Penses-tu donner l’air d’aller bien cette semaine ?
• C’est vrai, ça ne va pas fort mais je ne vais pas me suicider !
• Comment en être sûr ! Tu vois, prédire l’avenir est ardu.
• Quelle est le sens de sa lettre ?
• C’est une phrase lâchée par son conjoint avant-hier. Elle m’a confié ce qu’elle avait sur le cœur.
• Il a voulu dire quoi ?
• En bon professeur de philosophie, que les espoirs dont la réalisation ne dépend pas de nous sont un poison, qu’il s’agit d’agir plus et d’espérer moins. Il a insinué que « les gens se suicident en majorité parce que le réel, qui ne correspond pas à leur rêve, les déçoit. »
• Tu crois qu’il l’a poussé au suicide ?
• Non, il tentait de l’aider en lui conseillant d’abandonner son rêve mais ça l’a fait se sentir seule, incomprise, découragée.
• Quel rêve craignait-elle de ne pouvoir réaliser ?
• J’ai remarqué qu’à la pause de midi, elle s’isolait pour consulter un dossier vert avant de l’enfermer à clef dans le tiroir du bas.
• On l’ouvre ?
• Tu veux réaliser son rêve à sa place ? Les conséquences pour elle, se sont avérées létales…