Marquée par les Écailles

— Grand-mère ? Que fais-tu ici ? balbutia Amélia, la main toujours posée sur la poignée de la porte.

La silhouette de sa grand-mère se dessina dans l'encadrement, plus petite et plus frêle qu'elle ne l'avait jamais vue, mais ses yeux, d'habitude si chaleureux et pétillants, glissaient maintenant d'un objet à l'autre, évitant le contact direct.

— Il fallait que je te voie, ma chérie. Il y a des choses que nous devons discuter, et vite, dit-elle d'une voix qui se voulait ferme, mais qui trahissait une certaine urgence.

Amélia recula d'un pas, laissant entrer sa grand-mère. Elle ne pouvait s'empêcher de remarquer comment la lumière du matin faisait danser les ombres sur le visage ridé de la vieille dame, lui donnant un air presque éthéré. Mais il y avait quelque chose d'off dans son comportement, quelque chose qu'elle ne pouvait pas tout à fait saisir.

— Tu as l'air fatiguée, mamie, remarqua Amélia, tentant de percer le mystère de ce regard fuyant.

— Oh, tu sais, les années ne me rajeunissent pas. Et puis, il y a eu cette affaire avec le dragon, dit-elle, sa voix s'élevant à peine au-dessus d'un murmure.

Amélia fronça les sourcils, se rappelant la conversation téléphonique étrange de la veille. Elle se dirigea vers la cuisine, invitant sa grand-mère à s'asseoir. Pendant qu'elle préparait du thé, elle jeta des coups d'œil inquiets vers la vieille femme qui semblait perdue dans ses pensées, son regard fuyant une fois de plus la fenêtre.

— Tu as dit un dragon, mamie ? Tu veux dire, comme celui-ci ? demanda Amélia en désignant le tatouage qui serpentait sur sa peau.

Sa grand-mère gardait la tête résolument baissée, c'était si étrange.

— Oui, exactement comme celui-là. C'est pour cela que je suis ici. Il y a des choses que tu dois savoir sur notre famille, des secrets qui ne peuvent plus rester cachés.

Amélia s'assit en face de sa grand-mère, le cœur battant. Elle sentait que sa vie était sur le point de changer à jamais.

— Quels secrets ? demanda-t-elle, la voix tremblante.

La vieille dame prit une profonde inspiration, son visage se relevant avec une lenteur anormale.

— Nous venons d'une longue lignée de... protecteurs, commença la grand-mère. Notre mission est de veiller sur les créatures comme celle qui t'a marquée. Mais il y a un prix à payer pour ce pouvoir.

Amélia écoutait, fascinée et horrifiée à la fois. Elle ne savait pas si elle devait croire ce conte fantastique, mais la marque sur sa peau était bien réelle, et elle ne pouvait nier l'évidence de sa propre expérience.

— Et quel est ce prix ? demanda-t-elle d'une voix éteinte.

— Le sacrifice, répondit simplement sa grand-mère.

Le mot résonna dans la pièce, lourd de conséquences inconnues.

Amélia se leva, sentant le besoin de bouger, de respirer. Elle se dirigea vers le miroir du salon, sa grand-mère la suivant du regard. Et c'est là, dans le reflet, qu'elle vit ce qui avait échappé à sa vision jusqu'à présent. Les pupilles de sa grand-mère n'étaient plus rondes, mais fendues, verticales, comme celles d'un reptile.

Elle se figea, un frisson lui parcourant l'échine. Tout prenait un sens nouveau, terrifiant. Sa grand-mère n'était pas celle qu'elle avait toujours connue. Ou peut-être que si, mais il y avait une partie d'elle, une partie ancienne et sauvage, qui s'éveillait.

— Mamie ? murmura-t-elle, se retournant lentement pour faire face à la révélation vivante devant elle.

La vieille dame se leva, un sourire énigmatique aux lèvres.

— Il est temps que tu apprennes la vérité, Amélia. Il est temps que tu acceptes ton héritage.