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Je repris conscience, le goût du sel sur mes lèvres et une douleur lancinante parcourant tout mon corps. Le pont sous moi semblait encore trembler, non plus sous la furie des vagues, mais sous l'impact répété du vent et de la mer qui nous frappaient sans relâche. L'obscurité était totale, seulement percée par la lueur vacillante des lanternes. Mes oreilles bourdonnaient encore des hurlements et des coups sourds de la tempête.
Je voulais bouger, mais la douleur me clouait au sol. Mon esprit, encore engourdi, essayait de retrouver ses repères. Le bleu ! Où était-il ? Mon regard balaya le pont à la recherche de sa silhouette.
Là, à quelques mètres de moi, il était affalé sur le bois mouillé, son bras plié sous un angle improbable. Un faible gémissement m'indiqua qu'il était toujours en vie, mais souffrant terriblement. La corde que j’avais attachée à sa cheville nous maintenait encore ensemble, tendue et secouée par chaque assaut des vagues. Le navire, lui, gémissait sous la violence de la mer, comme une bête blessée, à deux doigts de céder.
Je me forçai à me redresser, ignorant la douleur qui irradiait de mes genoux et de mon dos. Chaque mouvement me tirait un peu plus vers la réalité brutale de notre situation. La tempête n’avait rien perdu de sa rage. Le vent soufflait en bourrasques hurlantes, et les vagues, aussi hautes que des montagnes, semblaient vouloir nous engloutir à chaque instant. Le navire craquait de toutes parts.
Les ordres du capitaine résonnaient encore dans l'air, perdus dans le vacarme, mais toujours présents, marquant l’urgence. Le chaos régnait sur le pont, des hommes s’accrochant comme ils pouvaient aux cordages, tentant de maintenir le navire à flot contre des forces qui les dépassaient.
Je jetai un coup d’œil à l’avant. Le mât, miraculeusement, tenait encore. La voile, hissée juste à temps, avait évité la catastrophe, mais pour combien de temps ? Une nouvelle vague s’approchait, massive, prête à nous broyer.
Je serrai les dents et rampai vers le bleu. Ses yeux étaient fermés, et ses gémissements plus faibles. Il fallait le mettre en sécurité avant que cette vague ne nous frappe à nouveau. Je lui saisis le bras valide et l’attirai contre moi, nous rapprochant d'un des points d'attache les plus proches. Le bois du navire glissait sous mes doigts, mais je parvins à attraper un cordage et à l'attacher autour de nous, nous sécurisant tant bien que mal contre le mât.
La prochaine vague arriva avec un fracas assourdissant.
L’eau s’abattit sur nous comme un mur, froide et implacable. Tout devint chaos. Mon corps fut plaqué violemment contre le bois, ma respiration coupée par la pression de l’eau qui m’engloutissait. Pendant un instant, je crus que c’était la fin, que nous serions balayés par la mer. Le souffle me manquait, mes poumons brûlaient sous l’effort de résister à la vague.
Mais le navire tint bon.
Quand l’eau se retira enfin, je pris une grande inspiration, cherchant désespérément de l’air. Autour de moi, des morceaux de bois brisé et des cordages déchirés gisaient sur le pont. Quelques hommes, secoués mais toujours debout, tentaient de reprendre leurs postes.
Je jetai un coup d’œil au bleu. Il respirait encore, haletant, mais conscient. Son bras était dans un sale état, mais au moins il était en vie.
— Tiens bon, lui murmurai-je, on va s'en sortir.
Je devais y croire. Il le fallait. Mais au fond de moi, le doute grandissait. La tempête ne faiblissait pas, et chaque nouvelle vague menaçait de nous engloutir.
D’un geste automatique, je vérifiai le nœud autour de nous, m’assurant qu’il tenait encore. Puis, je relevai la tête, cherchant le capitaine. Il était là, droit, sur le gaillard d’arrière, hurlant des ordres, une main fermement agrippée à la barre.
— Tenez bon ! Hissez tout ce que vous pouvez ! hurla-t-il au-dessus du vacarme de la tempête.
Je savais ce que cela signifiait : la tempête allait durer. Et nous devions être prêts à tenir encore, coûte que coûte.
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