Débutes ton histoire, proposes un nouveau défi, ou rédiges les consignes d'un exercice d'écriture !
Le point de départ de toutes les histoires, défis, exercices et concours.
Visualise toutes les histoires et leurs ramifications.
Tous les chapitres en fonction de leur genre ou des tags spécifiés par les auteur.rice.s.
Le livre de The Root Book issu du concours de 2023
Conseils d'écriture, annonces des concours et nouvelles du site, et bien plus encore.
L'association TRB à but non lucratif qui gère le site pour le maintenir gratuit pour tous.
Les plus impliqué.e.s de notre communauté.
Les derniers chapitres, défis, exercices d'écriture et concours sur le site.
Les chapitres les plus appréciés.
Le classement des contributeurs les plus influents depuis le début du site.
Les réponses aux questions fréquemment posées.
L'explication du site en détail.
Les règles fondamentales en commençant par le chapitre 1.
Contacte-nous pour toute question ou suggestion !
Les informations légales et les conditions d'utilisation.
Rejoins notre Discord afin d'échanger avec la communauté !
356 lectures, 0 votes1 suite, 3 ramifications0 commentaires
Attention, ce chapitre appartient à une ancienne branche !
Les participations à ce concours ne sont plus prises en compte.
Les marches se succèdent, grinçantes. Vingt-deux, vingt-trois… Le souffle d’Armenn se fait court mais elle continue à gravir cet escalier sans fin. Le vent s’engouffre dans la tour.
- - Approche, semble-t-il lui murmurer.
Trente-quatre, trente-cinq… Surtout, ne pas penser à ce qui l’attend en haut. Quarante, quarante et une… Cette fenêtre mythique qui l’attire autant qu’un aimant. Quarante-huit, quarante-neuf… Surtout, ne pas se rappeler la raison qui l’a menée là. Les multiples raisons. Son cœur finira par éclater mais Armenn n’est pas sûre que les escaliers en soient la seule cause. Surtout, oublier ce sentiment de vide. Cinquante-trois, cinquante-quatre… Enfin, elle atteint le palier. Ça la surprend, toute cette pierre. Les marches étaient en bois, elles vivaient. Maintenant, tout est gris, tout est froid. Armenn aussi semble grise et froide. Non, non. Surtout, ne pas y penser.
La limite entre les murs et le sol pavé est floue. La raison qui l’a finalement poussée à gravir cette tour aussi. Une mousse verte a envahi les arcades de pierre. Armenn ignore comment de telles voûtes peuvent s’élever aussi haut, pourtant, elles tiennent debout, fières. Contrairement à Armenn, qui s’est écroulée pierre après pierre pour n’être plus que ruines. En face de la cage d’escalier se trouve cette légendaire fenêtre ; de la lumière se déverse du verre opaque. Elle est imposante mais semble familière à Armenn. Des éclats de vitraux colorés parsèment la vitre blanche dans son renfoncement sculpté.
Devant la fenêtre, un autel de pierre se découpe dans la semi-obscurité. La jeune femme s’approche, un pas après l’autre. Plus la distance se réduit, moins Armenn contrôle son corps et ses pensées. Cette fenêtre l’attire et la répugne à la fois, tout comme sa présence en ce lieu la séduit et l’effraie. Elle aimerait tant se trouver ailleurs, pourtant Armenn n’a pu s’empêcher de finalement pénétrer dans la Tour légendaire. La jeune femme s’apprête même à entrer dans cette légende. S’approchant encore, elle distingue des mots gravés dans la pierre : « L’Arbre du rêve ne surgit pas à la fenêtre du cauchemar. » Que signifient-ils ? Leur sens échappe à Armenn, et de toute évidence, ils n’auront bientôt plus aucune importance pour elle.
- - Ce n’est qu’une vieille légende, déclare la jeune adulte, comme si on pouvait l’entendre.
Ça fait longtemps que plus personne ne l’écoute. Combien de temps, exactement ? Non, non. Armenn s’est promis d’oublier. Sans vraiment en avoir conscience, elle s’assied sur l’autel, les jambes pendantes. Cette grande enfant devine la fenêtre dans son dos, et derrière, le vide. Elle ne voit pas son ombre, comme si elle était déjà… Ne pas y penser, se rassérène Armenn. Elle opère un demi-tour et se retrouve nez à nez avec son reflet. Par réflexe, ses yeux se ferment pour éviter de se confronter à elle-même.
- - Mais c’est la dernière fois, murmure-t-elle.
Alors Armenn entrouvre ses paupières et contemple sa pâle figure. Ses traits émaciés autrefois vivants et espiègles. Son visage fin, ses lèvres fendues d’avoir été si souvent mordillées. Son nez discret, ses sourcils dessinés. Puis Armenn remonte jusqu’à ses yeux. Avant, la jeune femme pouvait déceler une lueur pétillante qui l’accompagnait sans cesse. Son regard s’est éteint depuis bien longtemps maintenant. Trop longtemps. Tout en elle respire la douleur et la lassitude, de la pointe fourchue de ses cheveux aux ecchymoses qui décorent son corps.
Armenn ne peut plus fermer les yeux, ni reculer. Alors elle observe celle qu’elle est devenue. Vraiment, cette fois. Cette dernière fois. La jeune femme pose son regard bleu dans leur reflet. Du gris qui n’existait pas auparavant entoure ses iris : des paillettes ternies par les coups. D’une main tremblotante, elle découvre sa clavicule ; une cicatrice encore rougeoyante est entourée de violet. Armenn a toute une collection d’hématomes plus ou moins étendus qui ornent sa peau. En revanche, elle ne possède qu’une blessure, si elle ne compte pas toutes celles infligées à son âme. La jeune femme de vingt ans revoit encore la lame du couteau, qui s’approche, dangereuse. Les centimètres entre elle et l’arme blanche qui disparaissent avec célérité, sa peur qui la paralyse puis éclate en un cri tonitruant.
Son cœur tambourine dans sa poitrine, mais Armenn s’oblige à regarder la vérité en face, cette réalité qu’elle préférerait oublier. L’homme qui semblait attentif et prévenant, et qui l’a tellement blessée. Cet homme qu’elle a rencontré dans une soirée, qu’elle a aimé. Cet homme avec qui elle a partagé son lit. Qu’elle ne pouvait fuir. Qui la battait. Et qui, à de nombreuses reprises, l’a contrainte à assouvir son désir. Armenn se souvient de ses cris, de ses larmes. Alors qu’elle voulait s’enfuir, qu’il la maintenait prisonnière. Chaque instant, elle se demande ce qui aurait pu être différent. Un simple changement qui l’aurait préservée de la légende de cette fenêtre.
- - Debout, debout, lève-toi maintenant ! hurle sa mère par la porte de sa chambre.
Le garçon ouvre un œil et se dépêche de crier :
- - J’arrive, Maman !
Il bondit hors de son lit et enfile un vieux pantalon et un T-shirt qui commencent à se délier à force d’être portés. Kélio descend un étage et se met à table pour manger le seul bout de pain rassis qu’il leur reste.
- -Essaie de ne pas être en retard à ton emploi, mon chéri, lui conseille sa mère.
- - T’inquiète pas, Maman.
Après un coup d’œil à l’horloge, le jeune homme se lève, prend son sac et part ; il disparaît comme tous les matins, triste, perdu. Kélio marche dans la vieille ville, la tête basse. Un bruit attire soudain son regard : ce sont deux silhouettes qui viennent dans sa direction. Il plisse les yeux et reconnaît alors ses collègues de travail. Aussitôt, Kélio se cache entre deux ruelles et attend qu’ils passent puis repart, heureux d’avoir évité ses harceleurs.
Pendant qu’il marche, l’ouvrier repense au nombre de fois où il a fini en sang sur le sol froid qui malgré tout réchauffait sa peau glacée. Des cauchemars le hantent encore, et cela ne s’arrange pas de jour en jour. Kélio continue sa route jusqu’au grand dépôt où il se change, puis se met à son poste et commence à trier de petits bouts de métal dans différents bacs. Le jeune homme regarde les petites pièces avec un regard perdu. « Voilà la vie des jeunes de nos jours. », se dit-il.
La jeune femme s’y intéresse depuis le lendemain de cet acte qui a tout fait basculer. Elle en a déjà entendu parler avant, bien sûr. Qui ne connaît pas, dans la région, ce mythe qu’on raconte autour d’un feu de camp ? Armenn se souvient encore de sa première soirée d’Halloween, au pied de la Tour. Sa porte était fermée.
- - La légende raconte qu’il y a très longtemps, une belle demoiselle tenta d’échapper à la mort. Elle avait pactisé avec le diable, et avait rompu sa promesse. Alors, celui-ci, rougeoyant de fureur, le bout de sa queue enflammé, fit appel à son amie la Mort. A l’aide de sa fourche, elle poursuivit la demoiselle. Pendant trois jours et deux nuits, la belle courut aussi vite que possible, sans jamais s’arrêter. La Mort n’était jamais très loin, mais ne pouvait capturer la jeune fille. Pourtant celle-ci, épuisée, alla finalement se réfugier en haut de la Tour.
- - Quelle tour ? a demandé l’idiot de la bande.
- - A ton avis ? a rétorqué le conteur.
Puis il a pris une voix mystérieuse qui faisait frissonner, et a terminé sa tirade en chuchotant :
- - La belle demoiselle gravit les escaliers de bois, espérant quelques minutes de répit, mais très vite, la Mort la retrouva. Acculée, elle s’échappa par la fenêtre… et se jeta dans les bras de la mortelle déesse.
Cette légende n’a jamais réellement quitté l’esprit d’Armenn, car les personnes désirant la mort viennent fréquemment se jeter du haut de cette tour de pierre. Cela devient de plus en plus étrange, car jamais les corps ne sont retrouvés.
Voilà pourquoi ç’a été la première pensée à jaillir de son esprit alors que l’homme l’immobilisait. Cette échappatoire impossible. Cette impasse remplie d’ombres où ce prétendu peintre l’a emmenée. Ses hurlements quand elle a compris. La peau froide et rugueuse sur son corps, une main pour l’immobiliser, l’autre pour… Armenn est incapable de repenser à cet instant où elle a cru mourir.
Elle préfère oublier, même si c’est la dernière fois qu’elle pourra y penser. Peut-être la jeune femme était déjà fragile avant que cet homme n’abuse d’elle puis cherche à l’assassiner. Mais peu importe, à présent ; elle s’apprête à disparaître de la même façon que ces cadavres perdus à jamais.
Dès sa plus jeune enfance, Armenn a effacé par réflexe toutes traces de ses émotions sur son visage. Ce n’est pas par hasard que son prénom signifie la pierre dans une langue oubliée. La jeune femme s’est polie au fil des années et a toujours gardé ses sentiments cachés. Pourtant, Armenn ne ressent plus rien, aussi lisse qu’une pierre au-dedans comme au-dehors. Rien que le vide, et un gouffre duquel elle ne parvient plus à remonter. C’est tellement insoutenable que la jeune femme a décidé, au bout d’un petit mois, de mettre fin à ses jours.
Un retentissant coup de cloche annonce la pause de midi ; tout le monde se lève et se disperse pour aller manger un morceau de pain, ou ce qu’il a réussi à gagner avec son misérable salaire. Voilà un an que Kélio travaille dans cette usine de pièces de ferraille, depuis ses dix-huit ans. Ce jour même, par pure coïncidence, une femme a disparu de la circulation en s’évaporant comme par magie.
Le jeune homme sort de l’usine et se rend dans le parc pour déjeuner. Alors qu’il observe les gamins sur la balançoire, quelqu’un vient lui tapoter l’épaule et le soulève par le col de son sweat ; les images du paysage volent devant le garçon.
- - Alors, comment ça va, morveux ? lui lance l’homme d’une voix traînante.
Ce début d’après-midi d’automne n’aurait pas pu être pire. Kélio espère que les enfants ne l’ont pas remarqué ; ils ne méritent pas d’être témoins de ce sordide spectacle.
- - Tu me veux quoi ?
- - Ton repas, idiot ! Je n’ai plus rien à manger et mon estomac crie famine, alors donne, petit con.
- - Laisse tomber, répond-il en se relevant.
Une droite part se loger dans la mâchoire de Kélio.
- - Alors tu me le donnes ?
- - Non !
Kélio lui fait face et fait semblant de frapper par la droite, mais lui donne un violent coup de pied dans les testicules, ce qui plie l’homme en deux. Puis il réitère ses coups jusqu’à ce que deux vigiles les séparent.
- - Filez ! Et qu’on ne vous y reprenne plus !
Pourtant, Kélio semble heureux de cette entrevue. « Quelle agréable sensation de faire du mal aux autres et de ne pas être le battu. », pense-t-il. Une nouvelle partie du garçon se découvre à lui, une part cachée depuis toujours au fond de son être. Il retourne à son travail.
Et la voilà, face à cette fenêtre. Des larmes coulent de ses yeux, brûlent son visage. Peu importe. Armenn remarque alors une clef près de la poignée. Elle la saisit délicatement, la jeune femme a des gestes sûrs, décidés ; elle ne reculera pas. L’objet glisse dans la serrure, qui se déverrouille dans un clic. Le vent s’engouffre en rafales et fait voler les cheveux châtains d’Armenn. Il ne murmure plus mais rugit.
- - Approche, Armenn. Saute !
La jeune adulte se demande si elle a rêvé, hypnotisée. Elle passe ses jambes dans le dormant de la fenêtre, qui sont fouettées par l’air. Une dernière inspiration, une dernière pensée pour cet homme qui a ruiné sa vie. Armenn prend appui sur ses mains et se propulse dans le vide.
C’est agréable, cette sensation de chute. Tout ce qui tourbillonnait dans sa tête disparaît peu à peu. Armenn se calme, même son cœur ralentit, comme s’il connaissait déjà la fin de cette histoire. La jeune femme n’esquisse pas un geste, ne regrette rien. Seulement cet homme qui cavale en liberté, alors qu’il a emprisonné Armenn dans une cage de honte et de fragilité. Elle aurait aimé que ce soit différent. Mais c’est impossible.
La jeune femme heurte la surface du sol. Il est dur, mais Armenn a l’impression qu’il l’engloutit. Puis c’est le trou noir.
Sa journée terminée, il retourne chez lui pour dîner avec sa mère. En effet, son père est décédé quelques années auparavant, c’est pourquoi il doit nourrir cette petite famille seul. Il n’était pas prêt à endosser cette responsabilité, et pourtant…
Kélio engloutit l’assiette froide qui trône sur la table et va se coucher. Dans son lit, il repense à la sensation qu’il a éprouvée en frappant cet homme ; un sentiment de fierté et de puissance monte en lui. Ses yeux se ferment et Kélio sombre dans le monde sublime des rêves jusqu’au matin.
Elle se réveille. Depuis combien de temps est-elle inconsciente ? Armenn entrouvre ses yeux. Toutsemble brumeux, la jeune femme ne distingue qu’un grand arbre florissant. Il est superbe, avec desfeuilles aux reflets d’argent. Des taches blanches illuminent sa verdure ; il a l’air surnaturel. Un groupede mésanges piaillent sur la plus haute …
322 lectures1 suite 2 ramifications