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Bat.Jacl , le 22 novembre 2023 18:43
Waw, sacré chapitre helhiv ! C'est une proposition super originale, et qui offre une direction totalement différente à la nouvelle terminée en parallèle.
Mais j'ai un peu peur qu'en étant aussi proche de la date de fin du concours, ton chapitre ne parvienne pas à trouver une conclusion satisfaisante en deux autres parties.
Mention spéciale à la description de l'arbre 🌳 qui me plait beaucoup.
Lyn , le 22 novembre 2023 23:22
Poh là là, est-ce que je vais réussir à prendre la suite de ça, moi^^ (pourtant ce serait rigolo que ce soit moi qui te suive à un moment donné 😉 )
Bon… après 2-3 minutes de réflexions (vois la spontanéité de mes commentaires XD) je pense que j’ai peut-être une piste pour mettre en place ce qui, d’une certaine façon, me manque dans les deux parties de cet embranchement.
Mais j’aime beaucoup ce que tu proposes ici, j’y vois quelque chose de très « graphique » (je ne me l’explique pas encore trop pour le moment – spontanéité j’ai dit ! – mais tout le passage d’Emma à poil qui va sauter, ça avait quelque chose de très marquant, peut-être parce que pour moi, en tout cas dans ce contexte, la nudité est une forme de vulnérabilité donc j’ai un peu flippouillé pour elle, c’est probable).
coin du chipotage :
-« C’était Sara qui avait répondu et son ton indiquait qu’elle avait déjà le trouillomètre à zéro. » j’aurais tendance à dire que quand on a la trouille, le trouillomètre monte … ?
-« Elle avait gardé le silence jusque là mais déjà, quand Sara et elle s’étaient accroupies pour pisser en rigolant, elle avait senti une emprise » jusque-là
-« Une petite ritournelle, comme celle des boîtes à musique d’antan, à peine audible, attiraient les cinq jeunes gens vers la porte d’entrée. » attirait
-« C’était une grand pièce tout en longueur et totalement vide sous un haut plafond. » une grande pièce toute en longueur
-« Elle avaient ôté tous ses vêtements et se tenait sur la planche d’un plongeoir deux mètres au-dessus de la surface. » avait
-« Mis en cause, les garçons se cherchèrent une contenance qu’il trouvèrent dans l’expression brouillonne de leur inquiétude jusque là occultée » qu’ils ; jusque-là
-« Le don est doucereux et Madame Bréard ne sait comment réagir. » ton ?
« — Ça ne suffira pas à purifier son âme noire de péchés mais jetez cette succube à l’eau. Tu n’es qu’au début de ton calvaire, Lilith aux yeux de vipère ! » peut-être est-ce voulu pour des souci de compréhension mais bien qu’il s’agisse d’un démon féminin, « succube » est un nom commun masculin (ce qui perturbe mes bêta-lecteurs XD)
-« Les gendarmes arrachent les vêtements de Francesca et la poussent dans l’eau vive où ils lui maintiennent la tête sous l’eau. » dommage la répétition de « eau »
-« Benjamin rompt le silence avec un sourire au lèvres. » aux
-« Dans le halo des torches, elle regarde l’arbre si différent la nuit et la forêt avant d’y pénétrer. […] Benjamin rompt le silence avec un sourire au lèvres. » gare à la concordance des temps, t’écris au présent sur ce paragraphe
-« demanda Willem avant de s’endormir sans attendre la réponse. Benjamin, lui, ronflait déjà. Emma, quant à elle, ne pouvait même pas fermer l’œil, obnubilée par le destin de Francesca. » pas de retour à la ligne entre les deux phrases ? (pour séparer incise et narration ?)
helhiv , le 23 novembre 2023 09:32
@Bat.Jacl : Merci pour tes encouragements constants 💚. C'est toujours précieux de savoir qu'on est lue ! J'ai sollicité quelques contributrices pour prendre la suite et nous avons vu, précisément sur la partie 1 de Marieno, que des bourgeons pouvaient pousser très vite 🌳.
@Lyn : Merci pour tes indispensables chipotages. L'erreur sur le succube est pas impardonnable. En revanche, je me permets de contester "toute en longueur" qui me semble devoir rester "tout en longueur", tout étant ici un adverbe sauf erreur et "en" commençant par une voyelle qui ne commande pas l'ajout du e. Quant au trouillomètre, c'est effectivement un curieux instrument de mesure qui fonctionne à l'envers. "Avoir le trouillomètre à zéro" est une expression toute faite (et là je mets bien un e à tout à cause du f qui suit 😊). Bien vu pour le saut de ligne : je ne suis pas à l'aise avec les incises que je n'utilise jamais ; j'ai voulu ici reprendre le style des dialogues de Marieno. Je suis sûre que tu vas trouver une suite étonnante ! En plus, ça me ferait plaisir 😃. Je te rejoins sur l'image d'Emma nue sur le plongeoir. Elle est arrivée très tôt dans mon idée de suite et j'aurais aimé passer plus de temps (15000 sec 😢 !!!) pour décrire cette vision de son corps dans la pénombre en lien avec la volonté qui s'empare d'elle. J'ai hâte de lire ta suite 🖊️. A propos, j'ai aussi sollicité saule dont j'aime bien aussi l'écriture 🖊️.
saule , le 23 novembre 2023 13:26
Waw, sacrée suite ! Je viens de passer quelques minutes à chercher comment la continuer et je pense avoir saisi un fil... Reste à le suivre ;) !
Avant de me mettre à l'écriture, quelques remarques :
_ "Celui-ci était envahi par un sentiment qu’il se garda bien de communiquer aux autres." Ici, je me suis demandé : quel sentiment ? Je veux dire : on voit à peu près, on suppose, mais on aimerait bien en savoir plus, par exemple comment se manifeste se sentiment pour Benjamin. En tout cas, c'est l'effet que ça m'a fait.
_ "Le sentier semblait devenir plus étroit" Ce n'est pas très important, mais mon bêta-lecteur principal m'a souvent dit que les mots du genre "semblait" augmentent la distance narrative (nous éloigne de l'action en ajoutant une distance entre nous et les perceptions du personnage). Du coup, je ne peux pas m'empêcher de tiquer à chaque fois que j'en croise un 😅 !
_ "Sauf qu’on en a toujours un coup dans le nez" Le "en" est clairement en trop (redondance grammaticale par rapport au COD "un coup dans le nez). Après, c'est vrai que c'est du parler...
_ "L’huis résista mais un petit coup d’épaule en vient à bout." vint, au passé simple.
_ "Willem s’accusa d’être troublée" troublé (Willem appartient toujours à la gent masculine ?)
_ "Arrête ton délire maintenant, sis," J'avoue ne pas comprendre le mot...
_ "resape-toi" Lorsqu'il s'agit d'exprimer la répétition avec un verbe ayant pour initiale un « s » suivi d'une voyelle, ce « s » est toujours doublé, sauf dans "resaler", "resalir" et "resituer", ainsi que "resurgir" qui peut s'écrire des deux manières.
_ "Là où elle et ses amis s’étaient frayés un passage " (Bon, j'ai mis en gras pour que ça se voit mieux, mais je n'arrive pas à mettre en noir.) Ici, les COD de "frayer" est "un passage", donc "frayé", sans "s".
_ "Le curé suit sans se presser sûr de son pouvoir." Je mettrais une virgule après "presser".
_ "L’adrénaline avait dû faire sauter quelques barrières car leurs mains sont entrelacées." étaient, au passé.
_ "T’as vraiment une paire de seins sublimes" Ici, "sublime" s'accorde à "paire", donc pas de "s".
_ "Meurtrière ! A mort !" Si tu veux mettre un accent sur le À majuscule sur word, le plus simple est de tenir appuyé "Alt" en tapant "0192" sur le pavé numérique. (même méthode avec Alt 0200 pour È, Alt 0201 pour É, Alt 0199 pour Ç, etc.)
Voili-voilou, j'essaie de ne pas top tarder pour la suite ;).
helhiv , le 23 novembre 2023 20:43
Merci saule pour tes remarques qui complètent les chipotages de Lyn. Je me suis un peu emmêlée dans les temps parce que je m'attendais à ce que la partie 1 soit plutôt au présent, temps qui donne plus de dynamisme dans les situations à suspens.
"Sauf qu’on en a toujours un coup dans le nez". Oui, c'est du langage parler et je ne suis pas très à l'aise avec sa transcription écrite. Ceci dit, le "en" ne peut-il pas être ici un complément de "un coup" ?
"sis" est une pathétique tentative jeuniste de ma part, censée abréger "sister" à la manière dont les garçons s'interpellent avec "bro" pour "brother". J'avais déjà du mal à être en phase il y a vingt ans alors aujourd'hui... Je marche sur des œufs !
Je vais garder mon resaper qui, je crois, est admis sans le doublement du s.
En ce qui concerne le sentiment de Benjamin, son malaise est expliqué par la phrase suivante (mais ce n'est manifestement pas explicite) où le verbe sembler est là pour traduire l'impression qu'il a et qui n'est pas forcément la réalité. Cependant, j'abuse d'une manière générale de ce verbe imprécis et je suis d'accord avec son effet délétère sur la narration.
Pour une éventuelle suite, Lyn était aussi inspirée. Va-t-on avoir deux parties 3 avec le risque de ne pas conclure avec une partie 4 ? Ou l'une de vous deux sera-t-elle suffisamment rapide pour que l'autre enchaîne sur la fin ? Suspense là aussi !!!
saule , le 25 novembre 2023 01:18
Suite écrite et postée ! Si quelqu'un a une idée de fin, c'est le moment ! ;)
Helhiv, j'en profite pour te répondre :
Pour "Sauf qu’on en a toujours un coup dans le nez", le "en" pourrait être un complément de "un coup" s'il n'était pas suivi par "dans le nez". Mais si c'est du langage parlé, on s'en fiche un peu. Je pense que tu l'as très bien transcrit.
Pour le langage de jeunes, si ça peut te rassurer, je suis autant à la masse que toi. (Sauf que j'ai vingt ans de moins. C'est grave, docteur ?) "Sis", je n'ai jamais entendu, par contre il y en a qui s'appelle "frère" entre garçons et filles, indifféremment.
Pour "resaper", je n'ai rien sur ce mot-là en particulier. Je t'ai communiqué la règle de grammaire telle que je l'ai dans mes docs. Après, je suppose qu'on est toujours libre de créer des exceptions !
Pour Benjamin, effectivement, je n'avais pas compris que la phrase suivante était centrée sur lui et son sentiment. Je pensais qu'elle concernait le groupe d'une manière plus globale. Peut-être mettre deux points pour expliciter ça ?
Si Lyn poste une partie 3, je verrai ce que je peux faire pour la prolonger ! (Et, qui sait, peut-être cette histoire aura-t-elle deux fins ?)
helhiv , le 25 novembre 2023 11:54
@saule. Je te crois volontiers pour le "en". C'est le genre de point de grammaire où je me sens feiblarde 😢 !
"vingt ans de moins" Eh bien, si c'est vingt ans de moins que moi, tu montres une sacrée maturité et une sacrée maîtrise, bravo 📚 !
Bonne idée, les deux points 💚. J'ai toujours un peu peur d'en abuser alors je m'autocensure. Merci.
Les cinq jeunes progressaient en file indienne à la suite de Benjamin. Celui-ci était envahi par un sentiment qu’il se garda bien de communiquer aux autres : le sentier semblait devenir plus étroit, la végétation plus envahissante, les troncs et les branches plus proches à chaque nouveau pas. Personne ne parlait, l’atmosphère était lourde et les torches s’agitaient nerveusement derrière le guide auto-proclamé.
— C’est par là que vous étiez passées, les filles ? demanda-t-il.
— Je ne crois pas, je ne reconnais pas…
C’était Sara qui avait répondu et son ton indiquait qu’elle avait déjà le trouillomètre à zéro. Alex se voulut rassurant et vit là l’occasion d’établir le contact.
— T’en fais pas, tu n’es pas toute seule. Dis, Ben, tu n’es pas en train de nous perdre, des fois ?
— Relax, on est à deux cent mètres du camp. C’est pas la peine de flipper !
D’ailleurs, il était inutile de se faire des films d’horreur sur la nuit en forêt. La silhouette de l’arbre torsadé se devinait déjà dans le faisceau que Benjamin braquait devant lui. Ils étaient arrivés. Sains et saufs ! La nuit sous les tentes promettait d’être mémorable si chacun convoquait ses peurs d’enfance au moindre ululement d’un hibou. Sara n’avait pas menti. Aucun d’entre d’eux n’avait jamais vu un pareil tronc et des branches aussi larges. Ce n’était pas naturel. L’arbre semblait souffrir le martyre, il paraissait le jouet d’une malédiction qui l’avait contraint à se vriller dans l’espace et à s’alourdir de bras monstrueux.
Emma fut saisie d’un frisson. Elle avait gardé le silence jusque-là mais déjà, quand Sara et elle s’étaient accroupies pour pisser en rigolant, elle avait senti une emprise, trop légère alors pour la rendre soupçonneuse, mais qui ne faisait que croître depuis que la troupe avait repris le chemin menant à l’arbre. Elle n’osait pas lever la tête de crainte qu’un regard direct vers la cime de l’arbre fût interprété comme un défi au géant végétal.
— C’est quoi comme arbre d’abord ? interrogea Willem.
— On s’en fout !
La réponse de Benjamin résumait bien l’avis général. L’arbre avait beau être une curiosité, il n’avait pas l’attrait mystérieux de la vieille bâtisse qui se dressait trente mètres derrière. Ils le laissèrent derrière eux comme un vigile paralysé incapable de retenir une bande d’intrus.
— C’est quand même incroyable qu’on ne la connaisse pas, cette baraque, s’étonna Alex. Même l’arbre, on aurait dû déjà le remarquer. C’est pas la première fois qu’on traîne dans le coin.
— Sauf qu’on en a toujours un coup dans le nez quand on vient zoner dans les bois.
— Vous êtes pathétiques, les mecs ! Quelqu’un a pris les bières au fait ? s’enquit Sara.
Le bâtiment, gris dans la pénombre du halo des torches, se colorait d’un beige sale sous la lumière directe. Il était incontestablement abandonné car la toiture était envahie par endroits par le lierre et les vitres étaient opaques de crasse. Toutefois, toutes étaient intactes et aucune tuile ne manquait. Une petite ritournelle, comme celle des boîtes à musique d’antan, à peine audible, attirait les cinq jeunes gens vers la porte d’entrée. Sara fut la première à réagir.
— C’est bon, on se casse maintenant. On n’a pas le droit d’être là de toute façon, c’est une propriété privée.
Les autres ne l’entendirent pas ou préférèrent l’ignorer. Ça aurait été trop bête de faire demi-tour maintenant de toute façon. Autant voir ce qu’il y avait dedans. C’est Emma qui prit les devants et qui tenta d’ouvrir la porte de bois vers laquelle elle s’était dirigée, aimantée par le chant dans sa tête. L’huis résista mais un petit coup d’épaule en vint à bout. Tous les autres, Sara y compris, la suivirent hypnotiquement.
C’était une grand pièce tout en longueur et totalement vide sous un haut plafond. Chaque son rebondissait à l’infini entre les quatre murs oubliés du monde. Une autre porte sur le mur opposé était l’unique issue, les fenêtres étant bien trop hautes pour être atteintes. Avançant par la grâce de l’irrésistible magnétisme, chacun pouvait laisser libre cours à ses hypothèses mais sans mot dire. Pour Benjamin, il s’agissait d’un ancien réfectoire où il imaginait de longues tables garnies d’assiettes. Willem voyait la pièce encombrée des lits d’un hôpital du siècle précédent ou de celui d’avant. Sara qui n’avait aucune religion se voyait pourtant portant l’habit dans un austère couvent. Quant à Alex, il trouvait le lieu parfait pour le paintball à condition d’aménager des cachettes et des mezzanines. Seule Emma ne pensait pas. Elle avait pressé le pas et distançait ses camarades de virée d’une bonne dizaine de mètres. Elle s’empressa vers la seconde porte, l’ouvrit et disparut dans l’obscurité de la salle suivante. Le passage dans cette nouvelle pièce rompit le charme qui avait guidé le groupe d’amis et ils se demandèrent presque ce qu’ils faisaient là.
— Emma ? Où est Emma ?
Les faisceaux des torches balayèrent la pièce alors que tous s’engageaient sans rien voir. Alex ne dut qu’à un réflexe de Willem de ne pas faire le grand plongeon. Ils se tenaient au bord d’un bassin dont la surface se distinguait à peine du sol. C’était plus qu’un bassin : une piscine.
— C’était moins une ! Tu voulais te rafraîchir les idées, Alex ?
— Je n’aurais pas aimé me retrouver à la flotte sans être prévenu !
— Maintenant que tu l’es, on va pouvoir te balancer alors !
— Purée, les mecs, vous soûlez ! Où est Emma ?
Une seconde passa, le temps pour l’écho de mourir, probablement noyé.
— Je suis ici, Sara.
La voix était d’une solennité qui n’avait rien à voir avec la gouaille habituelle d’Emma. Toutes les torches furent dirigées vers l’endroit d’où provenait la voix sépulcrale. Alex pensa d’instinct à une prêtresse d’un culte cannibale dédié à une déesse cruelle. Enfin, ils la virent. Elle avait ôté tous ses vêtements et se tenait sur la planche d’un plongeoir deux mètres au-dessus de la surface. Les garçons étaient bouche bée devant le corps pâle d’Emma et Willem s’accusa d’être troublé par les formes de sa cousine. Sara réagit, totalement incrédule.
— Meuf, mais t’es à poil ! T’as pété un câble ou bien ? T’es en train de te faire reluquer par les trois obsédés !
Mis en cause, les garçons se cherchèrent une contenance qu’il trouvèrent dans l’expression brouillonne de leur inquiétude jusque-là occultée par, Sara avait raison, le souci de ne pas perdre une miette du cadeau offert par Emma pour s’en souvenir lors des nuits de détresse solitaire.
— Tu ne vas quand même pas plonger ?
— L’eau a au moins mille ans, c’est plein d’algues !
— Tu ne sais même pas si c’est profond ! crut bon d’ajouter Benjamin nullement gêné par l’idée qu’on pût installer un plongeoir au-dessus d’un pédiluve.
Ayant contourné le bassin, les quatre amis d’Emma n’étaient plus qu’à quelques mètres d’elle.
— Arrête ton délire maintenant, sis, descends de là, resape-toi et cassons-nous avant qu…
La même voix d’outre-tombe que plus tôt l’interrompit.
— Francesca me le demande.
Et Emma plongea dans l’onde noire.
Lorsqu’elle refait surface, Emma reçoit une vague de chaleur qui contraste avec le froid qui l’a saisie lorsqu’elle a pénétré dans l’eau. L’eau semble s’être brusquement réchauffée.
— Allons, Francesca, sortirez-vous enfin ? Les messieurs trépignent d’avoir le bain pour eux !
— Je sors, Ninon, mais Dieu sait que j’y passerais volontiers la journée.
— C’est vous qui invoquez Dieu et qu’on voit moins de deux fois l’an sur les bancs de l’église !
— Faites dire la messe par un joli curé de trente ans et vous m’y verrez chaque jour à mâtines et aux vêpres.
Ces mots, c’est bien elle qui les a prononcés mais ce n’est pas sa voix. Les gestes qu’elle accomplit pour sortir de l’eau et pour couvrir sa nudité d’un large drap de lin sont les siens sans qu’elle les ait décidés.
— Regardez-moi donc, Francesca… Vos yeux ! Que leur arrivent-ils ? Ils roulent en tous sens comme si vous étiez saisie de frayeur ! Et leur couleur… Je n’avais jamais remarqué qu’ils étaient d’un vert si intense…
— Verts ? Ma bonne amie, ils ont toujours été de la couleur des noisettes. Et s’ils sont affolés, c’est de voir la tête que vous faites ! Vraiment, passez me voir pour quérir quelque herbe réputée pour vaincre les saisissements !
— Francesca, je vous assure que c’est fort étrange…
— Ninon, je vous en prie.
Emma, Francesca, ou le corps de Francesca dans lequel Emma se trouve, récupère ses vêtements… qui ne dépareraient pas dans un cortège folklorique tant ils semblent appartenir à une autre époque, les revêt et se dirige vers la porte (celle-là même qu’elle a franchie dans un état second avant son plongeon) cerbèrement gardée par deux matrones chargées d’éloigner les hommes à l’heure du bain des femmes. Tout à l’heure vide et obscure, la pièce est maintenant baignée de soleil et remplie d’étals vendant nourriture, savon ou linge. Une femme âgée lui touche délicatement le bras.
— Demoiselle Francesca, je vous conjure de venir au chevet de Madame la Vicomtesse. Elle se meurt ! Les médecins ne font que la saigner, elle s’épuise et elle souffre chaque jour davantage.
— Madame Bréard, vous savez que j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour soulager votre maîtresse. Je ne puis plus rien pour elle, hélas. Dois-je aussi vous rappeler que Monsieur le Vicomte m’a chassée du château la semaine passée en me faisant rouler dans la poussière par ses gens ? Écoutez, accompagnez-moi jusqu’à mon logis et je vous donnerai un onguent qui, non ne guérira pas votre bonne maîtresse, mais en adoucira la fin.
— Mais, Demoiselle Francesca, vos yeux…
— Ah non, pas vous. Vous vous êtes passé le mot, ma parole ! En route, Madame Bréard et laissez mes yeux en paix.
Les deux femmes sortent du grand bâtiment et Emma peut voir le grand arbre torturé juste devant elle. De forêt, en revanche, point. Là où elle et ses amis s’étaient frayé un passage depuis leur campement jusqu’ici, se dresse un village de chaumières. Ces charrettes, ces chevaux, ces paysans aux fourches de bois. Emma n’est pas tombée au fond de la piscine dans un festival historique mais a fait un bond de trois siècles dans le passé. Pourquoi ? Pour remplacer les yeux de cette Francesca et la faire passer pour une folle ?
Les deux femmes se dirigent vers le village à grand pas mais un homme ne tarde pas à leur barrer la route. Une rencontre qui ne fait pas plaisir à Francesca qui n’en laisse néanmoins rien paraître.
— Bien le bonjour, Monsieur le curé !
— Trêve de simagrées, fille du diable ! Madame la Vicomtesse s’éteint dans la douleur par ta faute ! Je m’étonne, Madame Bréard, de vous trouver en compagnie de l’empoisonneuse de votre maîtresse. Je ne saurais trop vous conseiller de vous en éloigner. Pour votre bien…
Le ton est doucereux et Madame Bréard ne sait comment réagir. Deux hommes en uniforme ont surgi. Ce sont des gendarmes mais tous savent qu’ils sont à la botte du vicomte. Malgré ses protestations, Francesca est emmenée de force, non pas vers le château ni vers le bâtiment de la prévôté, mais vers la rivière qui coule derrière la maison des bains. Quelques voix de femmes s’élèvent que des hommes font taire. Le curé suit sans se presser, sûr de son pouvoir.
— Ça ne suffira pas à purifier son âme noire de péchés mais jetez ce succube à l’eau. Tu n’es qu’au début de ton calvaire, Lilith aux yeux de vipère !
Les gendarmes arrachent les vêtements de Francesca et la poussent dans le vif courant où ils lui maintiennent la tête sous l’eau.
— Emma ! Emma !
— Willem, passe ton maillot, elle a froid !
— Pourquoi moi ?
— La rivière… Francesca !
— C’est bon, meuf, t’es sortie du bouillon. T’es restée sous l’eau au moins cinq minutes !
— Seulement cinq minutes ?
— On ne pouvait même pas aller te chercher, l’eau s’était transformée en gel. Tu es remontée toute seule mais carrément en transe !
— Allez, faut pas qu’on traîne ici, il se passe des choses trop bizarres.
Les cinq amis sortent de la maison des bains par là où ils sont entrés, Emma soutenue par Benjamin et Willem. Dans le halo des torches, elle regarda l’arbre si différent la nuit et la forêt avant d’y pénétrer. Elle repensa au village qui se tenait là dans l’étrange rêve que l’eau lui avait inspiré, et à Francesca bien sûr. Marcher à trois de front sur le sentier n’était pas facile mais la hâte de s’éloigner de la maison et de l’arbre leur fit garder le rythme. Sara et Alex marchaient devant. L’adrénaline avait dû faire sauter quelques barrières car leurs mains étaient entrelacées. Benjamin rompit le silence avec un sourire aux lèvres.
— Je voulais te dire, Emma… T’as vraiment des seins sublimes !
— Punaise, t’es vraiment con, Ben ! C’est ma cousine !
— Allez, c’est le bon côté de la soirée ! Cet hypocrite s’est rincé l’œil aussi, je te le garantis.
— Je suis désolée, les mecs, je ne sais pas ce qui m’a pris de me mettre à poil devant vous…
— T’excuse pas. En plus, j’adore voir Willem avec un tee-shirt mouillé.
— Ta gueule, Ben, ça caille !
— Autre chose, Emma. Tu pues un peu...
Une fois au camp, personne ne fit long feu. Alex et Sara s’éclipsèrent vite dans la tente des filles ce qui obligea Emma à emménager avec son cousin et Benjamin dans l’autre igloo. Personne n’eut même envie d’attaquer la bière. La tension nerveuse retombait et faisait place au sommeil.
— Au fait, qui est Francesca ? demanda Willem avant de s’endormir sans attendre la réponse.
Benjamin, lui, ronflait déjà. Emma, quant à elle, ne pouvait même pas fermer l’œil, obnubilée par le destin de Francesca. Elle écarta la main que Willem avait posé sur elle en guise de protection et se faufila hors de l’abri. Elle devait y retourner. De toute façon, Francesca l’appelait. Elle avait besoin d’elle. Ça venait de l’arbre tordu. C’était urgent.
Elle parcourut les quelques dizaines de mètres qui séparaient leur camp de l’arbre en courant malgré les racines et les branchages qui semblaient être apparus depuis leur précédent passage. Au pied de l’arbre, elle s’arrêta. Il y avait une voix. Ou plutôt deux. Celle de Francesca, très faible, et celle de l’arbre, impérieuse, qui la poussait à retourner vers la piscine. Elle obéit sans même se sentir contrainte. Elle le fit pour Francesca. Au bord de la piscine, elle ôta son sweat et laissa glisser les bretelles de sa robe le long de ses bras. De nouveau nue, elle s’avança sur le plongeoir et, sans la moindre hésitation, pénétra dans l’eau saumâtre.
— À mort, la sorcière ! Empoisonneuse !
Le corps de Francesca est pendu, nu, à une des branches de l’arbre torturé. Ses pieds sont à quelques centimètres du sol mais le poids de son corps tire sur ses bras. Une douleur atroce déchire son dos. On vient de la fouetter. Un homme est là au premier rang de la foule. Il pourrait tout arrêter. C’est le vicomte. Mais il hurle avec les autres.
— Meurtrière ! À mort !
Les coups redoublent. Emma ressent chaque souffrance de Francesca. Comme elle, elle est terrifiée…
— Regardez ses yeux ! Ça recommence !
— C’est Satan qui la possède ! À mort, la diablesse !
Soudain, Francesca/Emma ressent une sensation de chaleur. L’arbre essoré aux branches duquel elle est suspendue s’est embrasé !
Les villageois crient de plus belle : — Sorcière ! — Au bûcher ! — Crois pas t'en tirer si facilement, bête du Diable ! Quel…
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