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Comme annoncé à helhiv, voici ma proposition de fin, enfin terminée :) ! (J'avais initialement prévu de mettre plus de scènes, mais le nombre de caractères m'a rattrapée (14999 !).
helhiv , le 17 novembre 2023 18:11
Voici une dernière partie très intéressante et sombre, tout fait dans la lignée des parties 2 et 3. Le point commun avec la fin d'AlexGNSTR est la confession dans les deux cas et, dans les deux cas aussi, celle-ci est finalement annexe parce que l'important est ailleurs.
Je distingue deux parties très nettes : le début jusqu'à "Elle allait y remédier." d'une part et la fin à partir de "Après un solide petit déjeuner..." d'autre part, avec une franche préférence pour la seconde partie qui me paraît beaucoup plus fluide.
Pour la première partie, ce n'est pas la gravité du propos qui me gêne mais le mélange de l'aller-retour entre le présent et le passé et une narration très saccadée. Peut-être est-ce d'ailleurs ta volonté, ce mélange des idées et ce propos à bout de souffle pour transcrire l'état d'esprit de Sylvie. Si c'est le cas, c'est réussi parce que j'ai été moi-même mal à l'aise.
La deuxième partie est vraiment brillante avec des images bien trouvées et cette piste pour sortir de l'histoire qui consiste à aller secouer les gens plutôt que de les laisser s'enfoncer. J'ai bien aimé comment l'hypersensibilité d'Ugolin se manifeste devant l'arbre des condamnés. Le paillasson mis à l'envers me parle bien : finalement c'est le monde qui dit bienvenue lorsqu'on sort de chez soi !
Quelques remarques :
- "et trop tard pour les renvoyer sous terre." ne colle pas avec le début de la phrase : "et il était trop tard pour les renvoyer sous terre."
- "ou reposait" : où reposait
- "Que faire, par où commencer ? …" Les ... sont en trop, je pense.
- "Désolée Clothilde" : "Désolée, Clothilde"
- Les habitants de la planète Xudux font trente mètres de haut, ils ne peuvent pas rentrer dans une maison terrienne ! 😆
- "Sylvie se leva d’un bond elle allait se fracasser…" : "Sylvie se leva d’un bond, elle allait se fracasser…"
- "C’est gentil ce que tu fais Sylvie." : ""C’est gentil ce que tu fais, Sylvie."
- "bordel de dieux" s'écrit je crois plutôt sans x et avec une majuscule mais peut-être pas dans les cultures polythéistes ! 📚
- "juste une image dans la rétine des autres" : "juste une image sur la rétine des autres" (très belle image, au passage ! 💚)
- "–qui était aujourd’hui à l’hôpital–" : manquent les espaces avant et après les tirets.
Bravo pour cette fin malgré ma frilosité à propos du début ! 💚
saule , le 18 novembre 2023 09:47
Merci pour ce commentaire détaillé 💚!
L'analyse que tu fais de la construction du texte est très juste. Le malaise dont tu fais part quant à la première partie est effectivement volontaire et m'a donné du fil à retordre, donc contente que tu l'ais ressenti !
Les habitants de la planète Xudux existent ailleurs ? Parce que j'ai mis le premier mot bizarre qui me passait par la tête, mais ma culture à propos des extraterrestres est vraiment médiocre 😅!
Tu as relevé pas mal de virgules manquantes, c'est normal : j'en zappe souvent volontairement quand je veux donner à un passage un effet essouflé, précipité ou atone... Mais possible que j'en abuse un peu trop ! Je vais y repasser.
Je vais essayer d'appliquer tes remarques sans dépasser le nombre de caractères (ça risque d'être coton 😆!).
Merci encore !
saule , le 18 novembre 2023 10:13
Corrections faites ! (j'ai dû supprimer quelques mots par-ci par-là pour que ça rentre mais j'ai pu rajouter toutes les virgules ;).)
helhiv , le 18 novembre 2023 10:35
J'espère que tu n'as pas cherché Xudux sur internet 😆 ! Je l'ai fait ça semble plus un groupe de musiciens plutôt qu'une planète.
Piur les virgules, je deviens un peu maniaque de la ponctuation en vieillissant, avec souvent beaucoup de doutes. Tout à fait d'accord sur son effet sur le rythme d'un texte, donc prends mes remarques avec des pincettes et reste fidèle à ton idée.🖊️
On fera une manif réclamant l'augmentation du nombre de sec pour le prochain défi ! 😆
Le moment était venu de se regarder en face. Elle était un monstre. Tout ça, elle l’avait enfanté. Certes, les graines étaient déjà plantées, mais elle les avait arrosées et elles avaient poussé, devenant de terribles lianes et il était trop tard pour les renvoyer sous terre. Son regard glissa vers la poubelle où reposait, imbibé de vomi, le billet qu’on avait glissé sous sa porte. L’odeur acide flottait dans l’air. C’était sa faute. Qu’est-ce qui clochait chez elle ?
Une chambre d’hôpital, elle était allongée sur le lit, très faible, les avant-bras douloureux. Sa mère entra, les yeux pleins de larmes et de colère.
— Mais qu’est-ce qui cloche chez toi ? cria-t-elle.
Sylvie retint un sanglot à ce souvenir. Pourquoi avait-elle échoué ? Pourquoi sa sœur était-elle rentrée plus tôt de l’école et l’avait-elle trouvée ? Pourquoi avaient-ils tous tant tenu à la sauver ? Ils auraient mieux fait de la laisser crever. Si elle était morte ce jour-là elle n’aurait jamais…
Pointe de douleur sur son poignet. Comment ce couteau d’office était-il arrivé dans sa main ? Une perle rouge en ornait la pointe, tout juste sortie de la veine. Oh… après tout, pourquoi pas ? Elle savait s’y prendre, elle l’avait déjà fait et failli réussir. Il suffisait de suivre la cicatrice en croix de son avant-bras, puis de l’autre. Ce coup-ci, personne pour la trouver, personne pour la sauver, juste se vider de son sang et…
L’odeur un brin aigre du vin qui se répand, une bouteille hors de prix que son père avait achetée pour noël et qu’elle venait de fracasser contre le mur. Elle n’avait jamais aimé noël. Elle tordit la bouche de satisfaction en éprouvant le tranchant du tesson. Ce qu’elle recherchait. Elle serra les dents et enfonça le verre dans sa chair, la douleur fulgura. Ne pas flancher.
…disparaître.
Quand on la retrouverait, ce serait trop tard, juste un cadavre froid et du sang figé, ça n’étonnerait personne après tout, la vie suivrait son cours et… La vie suivrait son cours. Elle cria, sanglota, la vie suivrait son cours, corbeau, lettres glissées sous la porte, chasse, méfiance, mensonge, folie… ! Elle hurla, planta le couteau dans le bois de sa table où il se ficha avec un bruit net, renversa sa chaise en se levant et recula. Elle ne pouvait pas, elle n’avait pas le droit, elle ne pouvait pas mettre le bazar et tout laisser en plan dans une dernière pirouette, elle était peut-être un monstre mais elle n’était pas une lâche. Elle n’avait pas le droit. Pas… Une corde se rompit, le visage dans les mains, elle pleura.
Pourquoi ne l’avaient-ils pas laissée crever, c’était si compliqué, si elle était morte à douze ans rien de tout ça ne serait jamais arrivé, il suffisait de la laisser bon sang, tout ça c’était leur faute ! Elle hurla, à pleins poumons, la gorge en feu. Une lettre. Tout terminer comme tout avait commencé, il suffisait d’écrire une lettre, ses confessions et elle serait libérée.
Sylvie se précipita dans sa chambre, ouvrit le tiroir de son bureau pour en extirper une feuille de papier jauni, s’assit. Alors, d’une main tremblante qui prit vite de l’assurance, elle avoua tout : sa colère, Clothilde, la blague qui tournait mal, sa folie qui s’emballait… Elle avoua chacune de ses fausses délations, l’une après l’autre, jusqu’à Joanne. Et la dernière ? Ce n’était pas elle qui avait écrit ces horreurs sur Ugo. Devait-elle l’endosser aussi, afin de le blanchir comme elle blanchissait les autres ? Sauf que… La nausée la saisit, elle se précipita aux toilettes.
Elle revint après s’être passé de l’eau sur le visage et se laissa tomber sur sa chaise de bureau. Qu’elle avait faim ! Ah, un bon œuf à la coque… Non, pas une bonne idée : elle le rendrait aussitôt.
Elle respira à fond et se reconcentra sur sa lettre. Essaya ; les mots se brouillaient dans ses yeux. Quoi qu’elle fasse, elle pouvait bien crever, le nouveau corbeau continuerait. Sa mort ne servirait à rien… Elle regarda les cicatrices de ses avant-bras. Ainsi, même cela lui avait échappé, encore une fois.
Un sanglot la secoua. Elle saisit sa feuille, la déchira, la compacta, en fit une boule bien serrée, voulut la déchirer encore mais le papier était trop dur, la jeta au travers de la pièce, balaya son bureau d’un revers de bras, se laissa tomber de sa chaise, « bonk » fit sa tête. Aïe, mais quelle importance ? Roulée en boule, elle pleura.
Son crâne était lourd. Rempli d’humidité, mais elle ne pleurait plus. Elle s’assit par terre, aïe, le cerveau balloté comme une noix dans un seau d’eau. Elle se leva, vacilla jusqu’à la boîte à mouchoirs. Elle en prit un et souffla, dut bientôt en prendre un autre car celui-ci aurait pu tomber dans une flaque qu’il n’aurait pas été plus humide. Elle toussa, étouffée par son mucus, cracha de longues glaires translucides, se moucha encore. Dieu, qu’elle avait soif !... Elle alla se remplir un verre au robinet de la cuisine qu’elle but d’une traite, puis un autre. Bon sang, son mal de tête ne tombait pas. Elle se boucha les narines et y fit monter l’air pour déboucher ses oreilles, qui obtempérèrent avec un bruit de théière. Elle se moucha encore, but un autre verre. Elle avait faim, sa vessie était pleine… Elle allait y remédier.
Après un solide petit déjeuner, Sylvie n’était pas plus avancée mais elle se sentait mieux. Elle respira un grand coup. Que faire, par où commencer ? Il fallait qu’elle prenne l’air.
Elle se débarbouilla, s’habilla et sortit dans le village. Murmures, regards par les fenêtres… Qu’ils aillent au Diable. Enfin… elle avec.
Elle sortit du village et grimpa une colline escarpée. Elle s’arrêta à quelques pas de l’arbre à son sommet, accompagné d’une croix de pierre sombre.
Trente-trois ans plus tôt, elle y était venue avec Ugo. Elle était curieuse et il l’avait suivie, avec sa naïveté de géant débonnaire. Mais arrivé à la distance où elle était maintenant, il s’était figé et avait sangloté.
Des siècles durant, tous les fauteurs de troubles de la région avaient trouvé la mort près de ce chêne majestueux : des sorcières y avaient été brûlées, des voleurs et des meurtriers pendus, des hérétiques roués. Ses racines avaient été abreuvées de sang, de cris, de cendre et de douleur, des corbeaux avaient fait ripaille entre ses branches. Des corbeaux…
Elle s’approcha du tronc, y posa la paume à plat. Un arbre, juste un arbre pour elle, mais Ugo, qui ne savait rien, y avait senti l’invisible, la cicatrice d’un passé qui ne s’évanouirait jamais, les échos de voix qui rebondissaient encore entre les feuilles.
— Peut-être que demain, murmura-t-elle, je reviendrai te voir.
Oui, peut-être que bientôt, une autre sorte de corbeau danserait dans les branches de l’arbre des condamnés.
Elle redescendit vers le village et rejoignit une petite maison blanche ornée d’un joli potager, quoique les légumes souffrissent du manque de soin de ces dernières semaines. Sylvie le traversa et alla sonner à la porte blanche, devant laquelle un paillasson « Bienvenue » avait été mis à l’envers. L’estomac de Sylvie lui fit mal, des larmes lui piquèrent les yeux, qu’avait-elle fait bon sang ? Des pas derrière la porte, elle s’essuya précipitamment le visage d’un revers de bras.
Elle contint un mouvement de recul face à la créature qui lui ouvrit. Ses cheveux blonds étaient cassants et emmêlés, de profondes poches creusaient ses joues cireuses sous ses yeux rouges, elle peinait à se tenir debout et quand elle parla, ce fut d’une voix pâteuse et éraillée :
— Sylvie ? Qu’est-ce que… tu fais là ?
Clothilde chantait si bien pourtant. On l’entendait parfois chantonner pour sa fille, ou quand elle travaillait, elle était un soleil pour ceux qui l’entendaient et quand on arrivait à la pousser sur la scène du karaoké, une timide voix d’ange emplissait la Gargote.
Sylvie se ressaisit à temps pour bloquer la porte qui se refermait.
— Désolée, Clothilde, j’ai quelque chose d’important à te dire, s’il te plaît.
La porte se rouvrit légèrement. Clothilde la dévisagea.
— J’ai vu la pitié dans ton regard, murmura-t-elle en baissant les yeux.
— Ce n’est pas ce que tu crois. Laisse-moi entrer et je t’expliquerai.
Clothilde parut hésiter puis s’écarta pour lui livrer le passage.
— C’est quoi que tu as à me dire ? Le nom du connard qui m’a fait ça ?
Les mots étaient si chargés de haine que Sylvie faillit se plier en deux sous l’impact.
— Oui, articula-t-elle difficilement.
Ne pas flancher. S’assoir à la table où s’empressait désormais Clothilde, tout yeux et oreilles. Respirer. C’était le moment. Elle ouvrit la bouche pour parler, être brave et dire « c’est moi », mais les mots fondirent dans sa tête et rien ne sortit.
— Alors ? s’impatienta Clothilde.
Sylvie respira un grand coup et planta ses yeux dans ceux de la jeune femme, qui eut un mouvement de recul.
— Tu as raison Clothilde, c’est un connard. Il ment et dit des horreurs sur tout le monde, il détruit des vies, juste parce qu’il est en colère.
— En colère ? Contre moi ? Contre toi ? Il a détruit ta vie à toi aussi. Pourquoi… ?
— Elle est en colère contre l’humanité tout entière. Toi et moi ne sommes que des victimes collatérales. Elle ne nous voulait même pas de mal, c’est juste que quand on est en colère… (Des sanglots la secouèrent, elle se reprit.) Quand on est en colère et quand on est triste, on s’en moque des dégâts qu’on peut faire, on s’en moque des autres, on veut juste trouver un sens aux choses et pour ça on est prêt à faire n’importe quoi, y compris briser des vies, ça semble si peu comparé au désir de vérité. Mais au final on est toujours malheureux et toujours en colère. Oublie-la, Clothilde, c’est une pauvre fille, ne bois pas pour ça. Et tous ceux qui la croient, oublie-les aussi. Ils n’en valent pas la peine. Ils ne sont rien, tu m’entends ? Rien.
Clothilde la regardait d’un drôle d’air, mi-fascinée mi-effrayée, comme si un habitant de la planète Xudux venait d’entrer dans sa maison.
— Comment tu peux savoir ? murmura-t-elle. Qui c’est, bon sang ?!
Chercher le coupable. Trouver quelqu’un à blâmer pour ses maux, sans quoi on se détruit soi-même.
— C’est moi.
Sa voix résonna dans la pièce, les yeux de Clothilde s’écarquillèrent, l’estomac de Sylvie se contracta dans l’attente du déchaînement de colère, Clothilde éclata de rire.
Il monta, emplit la pièce, Clothilde était-elle devenue folle ? Elle s’arrêta, les mains plaquées sur le ventre pour reprendre son souffle, elle regarda Sylvie, ses yeux pétillaient, qu’est-ce qui se passait bon sang, Sylvie se tendit dans l’attente du changement d’humeur…
Clothilde repartit de plus belle, sa chaise tomba en arrière Sylvie se leva d’un bond, elle allait se fracasser… Clothilde cria en heurtant le sol mais se roula par terre en se tenant les côtes. Bon, elle est vraiment folle. Sylvie se rassit, sans quitter sa voisine des yeux. Folle et hystérique.
Au bout d’une éternité, Clothilde se releva, hoquetant encore de rire, se massant le dos et la nuque.
— Aïe ! Bon sang, Sylvie… (Elle ramassa sa chaise, se rassit.) Ne dis pas des choses comme ça, j’ai failli m’étouffer. Ah ! …
Silence. Clothilde reprenait son souffle. Sylvie se mâchouillait la lèvre, elle se força à arrêter.
— C’est gentil ce que tu fais, Sylvie.
Hein ?! Sylvie écarquilla les yeux. Avait-elle bien…
— Hein ?!
— Je dis : c’est gentil. D’essayer de me remonter le moral. De dire que c’est toi pour que je puisse lâcher ma colère. C’est gentil mais c’est pas très crédible.
Pas crédible ?... Gentil ?! Sylvie ouvrit la bouche pour répondre mais rien ne lui vint.
— Et puis ça changera rien au final. Ce qui est fait est fait. Et ça continuera, on n’y peut rien. Pis de toute manière, ils croient tous que j’suis alcoolique à cause de c’connard, ils m’dépriment les salauds, alors… (Elle désigna d’un geste vague le grand placard dans la cuisine.) Autant boire.
Était-il possible d’être à ce point… De… Clothilde n’esquissait plus un geste, avachie sur la table, les joues tombantes et l’œil mort. Alors c’était comme ça ? Elle se résignait ? Pas un geste pour se battre, rien ? Elle se coulait dans le regard des autres comme un étron trop mou dans… les mots lui manquaient. Le nez la piquait. Bon sang de bois ! Elle se leva d’un bond et rejoignit en grandes enjambées le placard dans la cuisine. Ah, elle était gentille, hein ! Sylvie ouvrit le placard, qu’elle regarda de haut en bas et de bas en haut, là sur la dernière étagère, trois bouteilles de gin, l’une à moitié vide. D’un revers de bras elle les envoya valser, elles se fracassèrent sur le carrelage et l’odeur brûlante imprégna l’air.
— Mais qu’est-ce que tu fais ? cria Clothilde.
Une des bouteilles était intacte. Sylvie l’empoigna et l’acheva sur l’angle du meuble, Clothilde s’interposa en grands gestes et cris, le tesson rejoignit ses congénère, une gifle lui brûla la joue, Sylvie attrapa les poignets de la jeune femme et la força à reculer jusqu’au mur en grognant. Elle lui cria au visage :
— Ça suffit ! Arrête de te comporter comme une gamine égoïste pourrie gâtée ! Fous ta vie en l’air si ça t’arrange, vas-y, j’te dirai rien ! Mais ta fille, ta fille tu n’as pas l’droit bordel de Dieu ! Hein, tu crois qu’elle en pense quoi, Mya, de ton alcoolisme ? Tu crois qu’elle en pense quoi d’avoir une mère si mollassonne qu’il suffit de lui dire d’être une chose pour qu’elle le soit ? Tu crois que tu lui montres quoi de la vie, hein, qu’est-ce que tu lui apprends ? À être soumise. À être un truc qu’on peut placer et déplacer à son gré, juste une image sur la rétine des autres et rien d’autre ! Et ça tu n’as pas l’droit, tu m’entends ! Alors secoue-toi les puces un peu ma grande !
Sylvie lâcha Clothilde et sortit en trombe de la maison.
La porte claqua. L’air frais bon sang. Emplir ses poumons, les relâcher. C’était tellement bon punaise ! Elle repartit dans la rue. Elle en avait d’autres à aller voir.
Vers le milieu de journée, Sylvie rentra chez elle. On l’avait foutue à la porte en hurlant des insultes, ri au nez, refusé d’ouvrir et Ed Chorin, qu’elle avait vu hier frapper son fils – qui était aujourd’hui à l’hôpital – était tombé en larmes dans ses bras en lui demandant pardon. Elle était lessivée par tout ce bruit, épuisée par toute cette colère, nettoyée. Il ne lui restait plus qu’à amorcer le dernier acte de la pièce.
Elle s’assit à son ordinateur et tapa ses confessions, la vérité et rien que la vérité, le dernier billet du corbeau, qu’elle imprima sur les feuilles jaunes bien connues du domaine.
Le soir venu, elle n’eut aucune peine à se glisser entre les guetteurs pour poster sa condamnation. Sûrement avait-elle fait tellement de barouf dans la journée qu’ils en étaient désorientés. Elle sourit à cette pensée.
Enfin, elle rentra dans ses pénates et se glissa entre ses draps moelleux. Demain, tous auraient lu son billet. Peut-être viendraient-ils la réveiller à grands cris, peut-être l’emmèneraient-ils à l’arbre des condamnés. Peu importait, elle était prête. Quelle que soit la sentence, elle assumerait ses actes. Elle respira profondément. Un grand sourire fendit son visage. Depuis combien de temps n’avait-elle pas été en paix ?