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Lundi 17 juillet. L’aube pointe alors que je m’avance vers l’imposant édifice qui abrite nos bureaux. L’architecture moderne du lieu contraste avec le ciel rosé, ses façades vitrées scintillant sous les premiers rayons du soleil. Une brise légère fait frissonner les feuilles des arbres environnants, portant avec elle les effluves estivales. C’est une journée idéale pour un pique-nique au bord du lac ou une balade en forêt, pourtant, je me dirige vers le travail. Mes vacances ont été refusées, la faute à un supérieur dont l’empathie semble inversement proportionnelle à son attachement aux délais.
En approchant, une sensation étrange m’envahit. Habituellement grouillant d’activité, l’endroit semble plongé dans une torpeur estivale. Un silence quasi irréel règne dans les couloirs d’ordinaire animés. Je m’installe à mon poste, l’ordinateur à ma gauche éteint, la chaise vide. Les écrans des autres postes de travail sont noirs, un silence assourdissant règne dans l’open space.
Je mets mon ordinateur en marche et consulte ma boite mail, me préparant mentalement à l’inévitable avalanche de demandes urgentes. Mais rien. L’absence de notifications nouvelles est déconcertante. Une inquiétude sourde commence à s’insinuer.
Me levant de mon siège, je décide de faire un tour des lieux. Peut-être trouverai-je un autre collègue victime, comme moi, de ce refus estival de congés. Je passe devant le bureau de Stéphanie, celui de Paul, je longe le service des ventes et jette un œil dans la salle de réunion. Tous sont déserts. Un sentiment de solitude s’installe en moi, un froid qui contraste avec la chaleur estivale. Vais-je vraiment passer une semaine entière seul dans ce grand espace ?
Je retourne à mon poste et tente de trouver une quelconque occupation. Je trie des dossiers déjà classés, je reconsulte ma boite mail toujours désespérément vide. Les minutes s’égrènent, se transformant en heures interminables. Chaque tic-tac de l’horloge au mur résonne comme un gong dans la quiétude de l’open space. Le bourdonnement habituellement apaisant de l’air conditionné prend des allures de vacarme insupportable.
Mon regard se pose alors sur un bloc de Post-it, laissé négligemment sur mon bureau. Leur couleur jaune vif contraste avec la sobriété de mon environnement de travail. Soudain, une idée saugrenue et amusante germe dans mon esprit.
Emporté par un élan d’enthousiasme frôlant l’insouciance, je saisis un stylo et écrit sur le premier Post-it venu : « Je conquiers ce territoire ». Mes mots, d’une assurance presque comique, dessinent les contours d’un nouveau royaume, un royaume où le mobilier de bureau se mêle aux reliefs d’une carte imaginaire.
Je m’imagine déjà le regard intrigué de Stéphanie, si jamais elle découvre cette déclaration audacieuse, collée sur son écran. Un rire jaillit de moi à cette pensée, résonnant dans l’espace vide autour de moi, ajoutant une nouvelle dimension à ce jeu solitaire.
Emporté par un élan d’exubérance, je saisis un autre bloc de post-it, les rouges cette fois. J’esquisse une courte phrase sur le premier, que je colle ensuite sur mon écran.
— Fourbe ! Quelqu’un vient de m’attaquer dans le dos pendant que je récupérais l’écran de Stéphanie !, m’écrié-je, ma voix résonnant en écho dans l’immensité déserte.
Puis, tel un général manœuvrant ses troupes sur le champ de bataille, je compose d’autres messages. Ils évoquent des alliances et des trahisons déchirantes, des offensives brillamment exécutées et des défaites inattendues. Je me prends au jeu et endosse tour à tour les rôles de mes adversaires imaginaires. Je suis le conquérant audacieux, reprenant les territoires que j’ai déclarés miens. Je suis le traitre perfide, qui, dans l’ombre, échafaude une attaque-surprise, si proche de mon propre bureau qu’elle en est presque audacieuse !
Chaque Post-it transporte les coups joués à travers l’étendue silencieuse de l’open space, métamorphosant cette mer de bureaux en une mosaïque de territoires contestés.
Cette guerre fictive remplit l’espace et relègue ma solitude aux oubliettes. Jusqu’à ce que le bruit des klaxons, dans la ville en contrebas, me rappelle à la réalité.
— Mince, j’ai même oublié de déjeuner !
Je quitte le bureau, un sourire aux lèvres. Demain, la bataille reprendra, j’en suis certain. Pour la première fois depuis longtemps, l’idée de revenir travailler m’excite. Je quitte le parking sous la caresse d’une brise d’été, l’esprit déjà en ébullition, peuplé de stratégies et de tactiques pour les prochains affrontements. Mon royaume de papier m’attend et moi, son souverain d’un jour, je suis prêt à le reconquérir.
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