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Attention, ce chapitre appartient à une ancienne branche !
Les participations à ce concours ne sont plus prises en compte.
Ames sensibles s'abstenir. Essai de Dark fantasy qui fleurte avec l'horreur. Si l'envie de poursuivre l'histoire de l'arbre des démons vous tente... la porte dimentionelle vous est ouverte !
PS : il y a même une conclusion à l'aventure collaborative !
Asphalte , le 4 juillet 2023 15:58
L'univers de ton chapitre est top ! 💚
J'ai essayé d'y participer et je veux bien savoir ce que tu en penses.
« Tue ! Tue ! »
Les directives tempêtaient encore sous son crâne.
Tuer avant de l’être…
Règle d’une aveuglante limpidité. Un précepte efficace, simple à comprendre, dicté par l’entité qui le possédait. Le voile rouge qui nimbait la vision de Galenn se modifia, passa au bleu, le détachement. Le Symbiote, son maître, s’exprimait ainsi, par couleurs qui devenaient ensuite mots.
L’homme puissamment bâti au corps couvert de tatouages tribaux grimaça de douleur. Avec précaution, il retira de son flanc le fin couteau ouvragé pour le jeter au loin. Ses doigts rapprochèrent l’une contre l’autre les lèvres inégales de la blessure.
Privé de choix, il laissa l’entité œuvrer, réparer les dégâts. Déjà il sentait son poumon gorgé de sang se libérer, ses veines et ses chairs déchirées se refermer. Bientôt, il ne subsisterait rien, pas la moindre cicatrice.
Le regard vide du forestier erra sur le petit corps brisé à ses pieds. Des doigts minces agrippaient encore sa botte, ultime tentative de se raccrocher à une vie fuyante. Mais la hache aux lames profondément ancrée dans la maigre poitrine avait fini d’accomplir son œuvre destructrice. Elle venait d’ôter l’existence sans aucune hésitation. Une riposte instinctive, brutale, commandée par le rouge de l’action, de la guerre.
Pas de raison. Pas de sentiments. Préserver l’hôte à tout prix. Réagir à toute attaque subie.
Telle était la volonté de l’entité. La force étrangère poussa Galenn à s'agenouiller auprès du cadavre juvénile, à regarder au plus profond des pupilles devenues ternes. Le Symbiote cherchait la trace du Multiple. Son ennemi.
Rien. Il était parti.
Ne restait qu’un corps mutilé avec sur le visage une expression de profonde surprise. Surprise non pas de perdre la vie, mais bien d’avoir échoué à en ôter une.
La raison du bûcheron revint tel un tsunami porté par un maelstrom d’émotions. Il tomba à genoux, révulsé par la vision de la plaie béante qui ouvrait l’enfant de l’épaule au sternum.
« Mon fils. Je l’ai… »
L’homme hurla sa peine, sa rage, son impuissance. Il conspua le Symbiote, cette extension maléfique qui s’accrochait désormais à lui comme une sangsue. Cette chose venue de l’Outremonde, avec le Multiple. Cette chose qui le protégeait, mais dirigeait aussi son bras vengeur pour en faire un monstre.
Pourtant, une fraction de seconde, il avait hésité. Peut-être une réminiscence de sa conscience, parcelle égarée de son humanité passée ?
Il en payait maintenant le prix. Sous ses phalanges poisseuses, la blessure dans son flanc irradiait d’une terrible souffrance. Un trop bref instant, Galenn avait repris le contrôle de son corps, et cette baisse de clairvoyance suffit au Multiple pour frapper au travers d’une main innocente.
Celle de son fils.
Le forestier sentit une larme rouler, tracer un sillon au milieu des gouttes de sang épais qui maculaient son visage blême. Éperdus, ses yeux bleus balayèrent les trois cadavres à ses pieds. Ils les avaient tous éliminés. Ses propres enfants. Tous corrompus, contaminés par le Multiple, jusqu’au cadet qui par ses pleurs avait éveillé en lui l’émotion apte à briser sa carapace d’indifférence.
Juste avant de lui plonger la lame effilée de son stylet entre les côtes.
Un centimètre plus à gauche, il touchait le cœur et Galenn mourrait malgré le Symbiote, incapable de restaurer une vie ôtée par un coup fatal.
Maudit.
Jamais il ne se pardonnerait, lui pardonnerait ! Il les haïssait tous ! Ces étrangers d’Outremonde avaient fait de lui un démon ! Qu’ils retournent et pourrissent dans l’enfer d’où ils étaient venus !
Son poing frappa inutilement le sol avec pour seule intention de ressentir quelque chose, n’importe quoi qui puisse briser la peine qui l’anéantissait. Il arracha le torque doré de son cou aux veines gonflées, en manque d’air.
Colère.
Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. La fusion récentes l'inondait d'images chaotiques exprimées sous forme de flash coloré. Des pulsions étrangères, venues d’ailleurs, loin de toute conception rationnelle. Des sentiments bruts de sauvagerie qui le dominaient, l’animaient et le poussaient de l’avant.
Le bûcheron se secoua sous l’incitation du Symbiote. Sa plaie refermée, le fil de ses pensées vira à l’orange. La détermination. Sans sourciller, il arracha sa hache de la poitrine fracassée. Ses jointures craquèrent quand ses doigts enserrèrent avec vigueur le manche de bois noueux. Il devait retrouver sa femme avant qu’elle ne fasse pire. La traquer, l’affronter, la détruire. Elle avait pris la fuite.
Galenn se tourna face à l’arbre maudit, ce végétal aux branches désormais tordues, torturées, d’où coulait une sève putride d’une blancheur cadavérique. Mais l’entaille laissée par sa hache achevait de cicatriser, aussi surement que la blessure de son flanc. Cette vision l’incita à remonter le fil du temps jusqu'aux instants qui avaient précédé la tragédie.
Chêne séculaire, naguère magnifique, l'Arbre n’en avait jamais été un. Un passage, camouflé aux yeux de tous, une aberration dimensionnelle vestige d’une autre réalité qui remontait à la chute d'Hyperborée. Une porte oubliée entre deux mondes, scellée par une magie ancienne d’avant l’arrivée de l’Homme sur Yslandis. Voilà ce qu’il était.
Jamais le pont entre les univers n’aurait dû s’ouvrir, son écorce plus solide que le plus dur des aciers. Mais Galenn avait frappé le tronc de sa hache forgée dans un morceau d’étoile tombée du ciel, un métal hors monde. La cognée s’était enfoncée sans mal au cœur de l’arbre. Et la Brisure naquit, faille entre deux plans, le sien et celui des étrangers, une brèche vers un ailleurs incompréhensible aux humains de cette époque.
Aussitôt, un éclair noir avait jailli du tronc et percuté de plein fouet sa femme qui se tenait à quelques pas de là. La lumière sombre se fractionna à son contact, devint brume éthérée, puis soudain disparut, aspirée en elle par une bouche avide d’air. Rhonda hurla, se griffa le visage avant de s’écrouler en portant la main à son ventre arrondi, paniquée.
— Il veut mon bébé, Galenn ! Arrête-le, je t’en prie, il… !
Mais le forestier ne pouvait rien faire. Alors que là-bas l’éclair noir frappait, un ichor irisé remontait le long de sa hache, touchait ses doigts crispés sur le manche enchâssé dans l’arbre. La gelée immonde se répandit sur son bras, atteignit son visage pour s’engouffrer dans ses narines et sa bouche. Et les couleurs arrivèrent, fractionnèrent sa réalité en une myriade d’arcs-en-ciel lumineux.
La guerre séculaire de l’Outremonde, lieux de conflits entre le Symbiote et le Multiple s’invitait dans le leur. Devenus jouets impuissants de Dieux pervers, ils devaient obéissance.
Rhonda se releva alors que son mari se tournait vers elle, hache au poing. Les yeux de sa femme transformés en flaques d’ombres se posèrent un bref instant sur lui, emplis d’un mal abyssal, puis elle observa ses deux filles et son cadet qui s’étaient collés à ses jambes. Un ignoble sourire se dessina sur son visage froid quand elle les effleura d’un toucher sensuel, caresse naturelle d’une mère aimante pour apaiser ses enfants inquiets.
Le Multiple les posséda. Il savait que le Symbiote venait de trouver un hôte et il devait le détruire pour prospérer ici-bas. Prospérer, puis se répandre tel un cancer sur ces contrées inexplorées.
Alors que son mari désorienté voyait sa progéniture fondre sur lui, Rhonda tourna les talons et disparut dans la forêt profonde.
***
La femme se réveilla avec la pénible sensation d’émerger d’un mauvais songe, l’esprit encore embrumé de terribles images. Sa mémoire tentait de recoller les morceaux épars des évènements passés. Malgré son trouble, elle retrouva le fil conducteur de ses pensées, non sans difficulté. Et toute l’horreur de sa situation lui apparut, gifle monumentale qui lui coupa le souffle… avant de s’estomper à nouveau, disparaitre, bribes de souvenirs mystérieusement aspirées.
Harassée, Rhonda se cachait derrière d’épaisses fougères. Enceinte de plusieurs mois, elle n’aurait jamais dû parvenir à courir ainsi. Mais le Multiple l’avait soutenue, poussée dans ses extrêmes limites.
À grand-peine, elle prit soudain conscience du silence oppressant qui régnait alentour. Silence perturbé par les halètements de sa poitrine qui se soulevait sans discontinuer après sa fuite folle.
Après être restée immobile dans l’ombre, elle osa enfin bouger, se déplacer à quatre pattes vers la lumière. Prudente, elle regarda de droite à gauche, inquiète sans savoir pourquoi. Elle ne se souvenait de rien.
Personne. Les lieux semblaient déserts.
Soudain, elle prit conscience d’un besoin élémentaire. La faim lui tenaillait les tripes. La faim, et autre chose qu’elle n’arrivait pas encore à identifier.
Ses yeux balayèrent le sol, y repérèrent des insectes. Son envie grandissait, devenait une obsession irrationnelle. Sans réfléchir, elle les avala. Mais cela ne suffit pas. Elle passa une main sur son ventre, le sentit anormalement gonflé, mais n’y prêta guère attention tant elle était obnubilée. Il lui fallait se nourrir. Maintenant.
Elle discerna dans la pénombre une personne qui, alertée par le bruit de sa respiration, quitta le sentier étroit proche du village clanique. Inconsciemment, Rhonda s’était dirigée vers son peuple, poussée par le Multiple. À sa démarche incertaine, elle reconnut Lara, une femme d’âge mûr, assez corpulente avec un pied bot. Cette dernière fit signe à Rhonda.
— Qu’est-ce que tu fais là ? Je te croyais avec Galenn ? Et où sont tes enfants ?
Mais Rhonda ne répondit pas. Elle observait son amie, chaque muscle tendu. Lara remarqua enfin l’étrange regard fixe aux yeux emplis d’obscurité.
— Rhonda ? Ça va ? Tu… par les dieux ! Ton ventre ! Il est énorme…
Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase.
Poussée par une irrépressible pulsion, Rhonda lui bondit dessus en grognant, la bouscula avec une force anormale qui la fit tomber. Ses doigts cherchèrent sa gorge palpitante.
— Rhhooo… da. Qu’.. est-ce… qui te… prend ?
Mais la femme brune restait sourde à ses questions. Elle empoigna les cheveux de Lara et lui frappa violemment l’arrière du crâne sur une pierre, à plusieurs reprises, jusqu’à sentir le corps mollir entre ses phalanges crispées.
Avec un regard fou, elle détailla sa victime évanouie, ses formes replètes. De la salive coula de la commissure de ses lèvres. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Son esprit sombra sous l’influence de désirs irrépressibles qui n’étaient pas les siens. Son jugement s’obscurcit. L’envie de manger à tout prix la domina. N’y tenant plus, elle plongea ses dents dans les replis du cou, serra, tira, arracha un gros morceau de chair sanguinolente. Lara tressauta subitement, la carotide sectionnée. Elle se vida à grandes saccades en un temps record. Mastiquant avec délectation, Rhonda avala. Puis elle se pencha à nouveau et continua à se nourrir.
La chose inhumaine qu’elle portait dans son ventre la poussait à commettre l’ignominie ultime pour assurer sa survie.
Rhonda retrouva la raison, comme si la chose en elle, repue, relâchait son emprise. Dégoutée et paniquée, elle s’éloigna du cadavre encore tiède.
— Par les Dieux ! Qu’ai-je fait ?
Une nausée terrible la prit. Aussitôt, elle voulut vomir, mais rien ne jaillit de sa bouche. Bloqué par une puissance supérieure, son estomac refusa de se libérer de son contenu.
Fécondée par la lumière immatérielle du Multiple, elle portait en elle la vile créature qui avait pris possession de son fœtus et l’influençait à travers lui pour la pousser à accomplir l’inconcevable !
Prise de panique, elle chercha à fuir ce lieu maudit. Mais sa course éperdue se ralentit rapidement, s’interrompit. Ses pensées lui échappèrent à nouveau, drainées de l’intérieur. Encore une fois, sa mémoire vacilla, et elle replongea dans un brouillard cotonneux. Elle se retrouva à errer de-ci, de-là, sans but précis.
Soudain, ses doigts posés sur l’arrondi de son ventre décelèrent du mouvement interne. Des élancements répétitifs lui taraudèrent le ventre, la plièrent en deux.
— Non ! c’est impossible !
Une autre vague la submergea, lui fit perdre le contrôle. Elle ressentit des contractions à intervalles rapprochés, grimaça à chaque nouvelle inspiration. Elle gémit, le souffle rauque.
— Je… vous en… prie, pas çà, haleta la jeune femme.
Mais Rhonda ne put continuer. La poche des eaux venait de se rompre. Un liquide chaud lui coula sur les cuisses. Des décharges de douleurs insoutenables la prirent, s’enchaînèrent à répétition. Elle hurla. Quelque chose en elle s’agitait, voulait sortir de sa matrice. Vidée de toutes forces, elle dut s’allonger, sous peine de s’écrouler. Le dos contre le sol, les jambes repliées, son corps se mit à pousser instinctivement, de façon cyclique, ne lui laissant d’autre choix que de subir cet accouchement contre nature.
— Aidez-moi ! coassa-t-elle.
Elle s’égosilla à perdre haleine. Mais personne ne vint.
Brusquement, elle se cabra. Une vague de souffrance encore plus forte lui arracha un cri d’une rare intensité. Une ondulation obscène parcourut la peau hideusement tendue de son abdomen. Rhonda la vit, et lâcha un terrible mugissement. La chose en elle se frayait un chemin vers l’extérieur au travers de ses chairs, cherchait à quitter sa génitrice.
Dans d’ignobles chuintements humides, un crâne rose, lisse, légèrement conique, apparut entre les jambes écartées. La contraction suivante fit émerger les épaules et les bras d’un être anormal. Des doigts minuscules, griffus, se plantèrent dans le bas-ventre de la mère. Les petits membres écailleux exercèrent alors une forte traction pour finir de s’extraire.
Aiguillonnée par cette nouvelle douleur, Rhonda releva la tête. Ses yeux glissèrent vers le bas, s’agrandirent d’horreur à la vue de l’abomination qui rampait sur elle, se déplaçaient inexorablement vers son visage. Elle essaya de la repousser de ses bras affaiblis avant de se sentir encore une fois déchirée de l’intérieur.
Une deuxième créature cherchait à naître.
Rhonda se mit à brailler de plus belle, sans pouvoir s’arrêter, malgré ses cordes vocales éreintées.
Le premier homoncule, caricature grotesque d’un nourrisson efflanqué, acheva sa progression. Il posa une petite main en forme de serre sur la tempe trempée de sueur de la femme martyrisée. Des pupilles de braise plongèrent dans celles de Rhonda dont la vision se troubla. Elle cligna des yeux, sentit une volonté inhumaine la submerger, perdit pied, se déconnecta de la réalité. Ses pensées filèrent comme le vent, aspirées, siphonnées. Son regard devint vide, privé de toute intelligence. Sa tête retomba lourdement, les globes oculaires révulsés, et ne bougea plus.
Sur le ventre désormais immobile, la deuxième chose rosâtre rejoignit son double qui l’accueillit en plaçant un doigt sur la tempe de son frère. Aussitôt, les souvenirs, l’expérience volée à leur mère furent partagés.
Deux êtres distincts, une conscience unique, tels étaient les rejetons du Multiple. Une espèce qui s’appropriait l’individualité d’autrui pour parfaire la leur. Avec le savoir de la génitrice, ils comprirent qu’à proximité se trouvaient des villageois avec beaucoup de connaissances à extirper.
Des bouches s’ouvrirent, dévoilèrent de petits crocs aiguisés. Les jumeaux avaient maintenant faim, et ils disposaient sous eux d’une importante quantité de viande chaude…
Sous l'ombre d'une lune ensanglantée, les jumeaux, entités d'une monstruosité impensable, s'adonnaient à un rituel atroce : le festin du corps maternel. Dégustant sa chair encore tiède, leurs griffes aiguisées effleuraient avec délicatesse le crâne de Rhonda, telle une caresse cruelle et déshumanis&eacut…
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