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Titre original : L’arbre est le remède de l’arbre !
L’arbre est le remède de l’arbre ! Conte, oh conte ! Un bon conte ! Il était une fois dans le Woulaba de la Casamance. Une histoire singulière qui s’était déroulée dans une de ces forêts denses, si denses que les arbres étaient côte-à-côte, les uns se rapprochant les uns les autres dans un mélimélo indescriptible. Dans ce woulakama, certains arbres ou arbustes avaient même des branches qui s’entremêlaient à celles de proches voisins. D’autres avaient les troncs qui s’entrelaçaient. L’image renvoyait à d’interminables étreintes entre ces arbres à telle enseigne qu’on aurait été tenté de considérer qu’ils ne fussent qu’un seul individu. Cette proximité imposa alors un voisinage d’une grande densité qui peut parfois virer en véritable promiscuité. C’est dans une de ces forêts de la Casamance que Fara et Diamba katang furent voisins. Ils furent des voisins les plus proches. Leurs troncs furent distants de quelques coudées seulement. Leurs branches, elles, se touchaient pendant que leurs feuilles se caressaient, et leurs fleurs s’embrassaient. Leurs feuillages se croisaient tels des doigts de deux mains mis les uns entre les autres dans un admirable embranchement. A voir leur position et l’état d’enchevêtrement de leurs branches et feuilles, on eût dit une entente cordiale. Le voisinage de Fara et de Diamba Katang et les passants y voyaient même le parfait amour ! Leur voisinage a duré un très long moment. Pourtant, un jour pendant l’hiver d’un climat très rude, la vielle dame, Diamba Katang, tomba malade. Elle pensait que sa maladie était juste un mal bénin, mais elle dura quelques jours et alla de mal en pis. Elle se résolut à engager de menus petits soins qu’elle avait l’habitude d’opérer toutes ces années durant en pareils cas. Elle essaya, comme à l’accoutumée, les petites recettes qui marchaient dans la forêt. Elle mit au point des décoctions de feuilles, mais elle ne recouvra pas la santé. Elle chercha à capter -à l’aide de ses branches- le vent passager, un de ces vents salvateur qui permettait naguère aux arbres de se sentir en forme, en vain ! Elle enfonça le plus loin possible ses racines pour puiser dans la nappe souterraine afin d’en trouver médicament en ce type d’eau qui soulage, une de ces eaux à valeur remède. Toutefois, ce traitement se révéla inefficace. Elle s’enduisit de gomme arabique. Mais, quelques jours après, elle constata que cette composition resta sans effet. Pendant que Diamba Katang se débrouillait comme elle pouvait, son voisin le plus immédiat la regardait sans la moindre assistance. Pas même un petit réconfort ne sortit de sa bouche. Un autre arbre voisin -situé juste derrière Diamba Kantang- lui souffla que Fara connaissait un guérisseur qui pourrait lui trouver remède. Comme Fara fut le plus proche voisin de Diamba Katang, soulagée d’avoir eu vent de cette piste de solution, elle engagea, très confiante, avec une bonne dose d’enthousiasme et une grande déférence dans la voix, avec son voisin : - « Je suis malade, comme tu le sais. J’ai essayé les formules qui soulageaient d’habitude dans le Woulakama. Mais, comme tu as dû le remarquer, rien n’a marché pour cette fois-ci. Il parait que sur l’autre rive du Sougrougrou, il y a un guérisseur qui fait des potions thérapeutiques très efficaces. Il te plaira certainement de m’indiquer pour qu’il me soigne ». A sa grande surprise, cependant, Fara lui asséna une réponse qui fit froid dans son dos : - « Si tu es malade, c’est ton problème ! Débrouille-toi comme tu peux ! C’est d’ailleurs ce que tu as fait jusque-là, non ? ». Diamba Katang était déçue, mais elle insista. Fara n’accéda pas à sa requête. Il a même snobé Diamba katang. En guise de réponse, Fara éclata de rire et lui lança sur un ton moqueur : « si tu es malade, en quoi cela me concerne-t-il ? Ici, à WoulaKama, c’est le règne du fankoung fankoung. Autrement dit, chacun se débrouille par ses propres moyens. Alors, débrouille-toi comme tu peux ! ». La maladie de Diamba katang atteignit un autre stade et s’aggrava. Elle insista encore auprès de fara : « Fara, écoute : l’arbre est le remède de l’arbre. Si tu ne m’aides pas, je vais mourir ! ». Fara lui rétorqua : « S’il en est ainsi, meurs comme bon te semble ! Au cas où tu l’aurais oublié, nous sommes dans Woulakama, une de ces forêts classées où chacun s’occupe de ses affaires. Et, en cas de problème, chacun se débrouille comme il peut ! Alors, arrête de m’importuner et cherche des solutions ! Ici, c’est la loi du chacun pour soi ! ». Désespérée, Diamba Katang entonna une chanson, une de ces chansons qui rappelle les droits et devoirs dans le voisinage : « il faut toujours aider son prochain. Car, la chute de l’un peut entrainer la perte de l’autre. L’arbre est le remède de tout ! » Pour toute réaction, Fara ricana à la fin de la chanson que Diamba Katang fredonnait. Son ricanement fit un si long écho qu’il emplit toute la forêt. D’autres voisins en ironisèrent également. Des semaines passèrent ; la maladie de Diamba katang empira. Elle devint méconnaissable : elle avait perdu presque toutes ses feuilles. Son organisme avait même entamé un processus d’assèchement. Diamba katang était perdue. Elle avait décidé, depuis la dernière interpellation de Fara, de ne plus lui adresser la parole. Cependant, elle fut dans le besoin, un besoin si urgent qui pourrait déboucher sur la mort, s’il n’est pas satisfait. Cette situation d’une extrême urgence qu’on pourrait qualifier de vie ou de mort l’obligea à bouffer son orgueil et de se retourner encore vers son voisin le plus immédiat, Fara. Diamba Katang supplia Fara. Elle pleura de chaudes larmes, se prosterna devant lui, en vain ! Malgré toutes ces supplications et autres allégeances, Fara resta de marbre. La seule réaction qu’il eut eue, c’était d’asséner un coup de branche à Diamba Katang devenue très faible. Les semaines passèrent. Diamba Kantang faiblit encore plus. Elle était devenue méconnaissable. Nonobstant son état de santé déclinant, Fara la regardait avec mépris. En lieu et place de mots de réconfort, il lui lança de temps à autres des piques acerbes et autres quolibets. Diamba Katang continua difficilement à appliquer des recettes et à multiplier des potions à sa disposition. Des semaines passèrent encore. Diamba Kantang n’en pouvait plus. Le processus d’assèchement de Diamba Katang, entamé il y a quelques temps, avait atteint un stade irréversible. Ses feuilles tombèrent une à une. Les quelques feuilles qui tombaient de temps à autre sur Fara valaient des punitions à Diamba Katang, pourtant presque à l’agonie. « Retiens tes feuilles sèches qui sont à ton exécrable image. Chaque maudite feuille sera payée cache par une bonne baffe ! Parole de Fara ! ». Ces avertissements de Fara étaient, à chaque fois, accompagnés de claques sur les joues ou les flancs de Diamba Katang qui n’avait plus que ses os pour souffrir le martyr jusqu’au bout. Une aube glaciale, Diamba Katang mourut. Faara lança un soupir de soulagement avant d’alerter le voisinage sous un ton moqueur : « Cette maudite femme de Diamba Katang est enfin morte. L’âne est mort ; ses excréments ne posent plus problème ! ». Après, il murmura : « désormais, j’aurai plus de place pour mon espace vital ! la présence de Diamba Katang me pompait l’air ; à présent, je respire mieux du moment que ses branches et feuilles me gênaient beaucoup ! Allez, convenons-en : l’air n’est plus pollué par l’excès de gaz que dégageait cette maudite Diamba Katang. Allons, je ne vais pas bouder mon plaisir ! Ah ! Je hume de l’air pur du wulakama à présent plein les poumons ! Huum ! ». Quelques semaines après, des charbonniers - venus de la lisière du Woulakama - à la recherche d’arbres morts pour la production du charbon tombèrent sur la très sèche dépouille de Diamba Katang. Quelle aubaine ! L’abattage se fit sans coup férir. Fara qui suivaient la scène avec beaucoup de plaisir, remarqua que l’abattage de Diamba Katang lui donna encore plus d’espace. Il murmura, très enjoué : « Ouf ! Ce n’est pas trop tôt ! Non seulement j’ai encore plus d’air, mais ce qu’il y a de plus enchanteur, c’est que désormais, suis plus visible. Maintenant, les passants me voient. Cette maudite sorcière de Diamba Katang me cachait et empêchait les autres de remarquer ma présence. Désormais, je retiendrai encore plus l’attention des passants. Et, qui puis est, on m’appréciera plus ! ». Fara ne savait pas bien dire : il avait vu juste ! Sa remarque se justifia la minute suivante. Après avoir fendu en bois morts, tronc et branches, les restes mortels de Diamba Katang, les hommes cherchèrent quoi les attacher solidement avant de les transporter. Faaraa était bien visible – très bien même - ; rien ne la cachait désormais. Il était très visible ; trop même ! Aussi, pour dire les mots justes, faudrait-il préciser qu’il était même très exposé ! Oui ! Les charbonniers écorchèrent une bonne partie de son tronc. Ils en firent de longues ficelles en guise de cordelettes. Quelques jours après, des surveillants de circoncis qui gèrent le Bois sacré cherchaient de l’écorce de fara pour la fête sortie de la promotion. Ils tombèrent ainsi nez à nez sur Fara. Comme il n’est plus couvert par les longues branches et le feuillage de Diamba Katang, il était devenu visible ; il était accessible ! C’est ce qu’il cherchait non ? Il fut même à nu ! Le personnel du Bois sacré le dépouilla de toute son écorce. Il était devenu méconnaissable et pitoyable ! Quelques semaines seulement après avoir reçu la visite des surveillants du bois sacré, il entama un processus de dessication. La suite fut terrible ! Compte du fait que le bois se raréfiait, les charbonniers n’avaient même pas attendu que son processus d’assèchement arrive à terme pour l’abattre. Ils commencèrent à le dépecer pendant qu’il fut vivant. Ce fut effroyable et atroce ! Sous l’effet des haches et la brutalité avec laquelle il encaissait les coups des charbonniers, Faaraa se souvint alors de Diamba Katang, très désespéré. Malheureusement, il venait ainsi de réaliser, dans le tard, que la sagesse mandingue a raison : « il faut toujours aider son prochain. Car, la chute de l’un peut entrainer la perte de l’autre ». Il comprit, dans le tard, que « l’arbre est le remède de l’arbre ».