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« C'est scandaleux !
-Ça se discute, Jim.
-Je trouve ça immoral, en plus.
-Cela reste ton opinion. Les autorités, elles, ont donné leur accord. Tout comme le Docteur Morrison.
-Les autorités voient ce qui les arrange, et le Docteur Morrison leur obéit ! Moi, je te dis qu'elle n'est pas en état de rencontrer ce... comment déjà ?
-Dave Lorenzo.
-Dave Lorenzo... »
Le dénommé Jim avait répété ces mots avec dédain. C'était un homme d'une trentaine d'années, grand et mince, le visage avenant. En face de lui, tranquillement en train de siroter son café, Elsie, une grosse fille aux traits pâteux, semblait indifférente.
« Au nom de quoi ce Dave Lorenzo veut-il voir notre patiente ? reprit Jim au bout d'un moment avec hargne.
-Au nom de l'Histoire, répondit calmement Elsie. C'est ce qu'il dit.
-Je sais bien que c'est ce qu'il dit ! s'emporta Jim. Mais Irina est une jeune femme perturbée, qui n'a pas besoin de...
-Irina est plus qu'une jeune femme perturbée, le coupa Elsie. Elle est un témoin historique. Elle a vu des choses capitales, elle y a participé même parfois. Elle sait des choses que personne d'autre ne sait. »
Elsie marqua une pause.
« Elle a vécu avec un monstre, finit-elle par ajouter. Cela fait d'elle un être exceptionnel. »
Jim demeura silencieux et dubitatif. Il continuait de penser qu'on avait tort de permettre à l'historien Dave Lorenzo de rencontrer Irina et de lui poser des questions. Irina était très instable, émotionnellement presque détruite. Elle vivait récluse dans une maison isolée de tout, au fin fond des Etats-Unis, sous la garde attentive d'un psychiatre, d'une armée d'infirmiers (dont lui et Elsie faisaient partie) et de quelques militaires, pour leur part surtout chargés de mettre les lieux à l'abri des curieux.
Jim et Elsie entendirent chantonner.
« Elle est réveillée, déclara Elsie. Tant mieux, Lorenzo arrive dans une demi-heure. »
Jim ne daigna pas répondre, tandis que lui et Elsie sortaient de la cuisine où ils s'étaient posés pour se diriger vers la chambre de leur patiente. Ils trouvèrent Irina assise sur son lit, l'air absent, fredonnant des paroles incompréhensibles pour eux. Sûrement était-ce une chanson de son pays natal. Elle caressait également une cicatrice sur sa main droite, des traces qui semblaient avoir été laissés par une fouchette. On ne savait pas trop comment elle s'était faite cette blessure. Le Docteur Morrison avait essayé de l'interroger à ce sujet, mais elle n'avait rien voulu dire. Le psychiatre n'obtenait pas grand-chose d'elle, de toute façon. Peut-être parce qu'il lui parlait en anglais. Elle comprenait cette langue, mais ce n'était pas la sienne. Le problème était que très peu de personnes parlaient le rusyn aux Etats-Unis, encore moins dans le milieu psychiatrique.
« Vous avez bien dormi ? demanda Elsie avec douceur. »
Irina tourna la tête dans sa direction, et parut agacée. Elle se recoucha dans son lit d'un air boudeur, comme une enfant.
« Elle est de mauvaise humeur, commenta Jim. Nous devrions la laisser.
-Qu'est-ce qu'on fait pour Lorenzo ? répliqua Elsie. Il ne va pas tarder à débarquer pour la voir...
-Il faudra qu'il attende, dit sèchement Jim. On doit s'adapter à une malade.
-Je ne sais pas dans quelle mesure elle est vraiment malade... fit sa collègue, songeuse. Le Docteur Morrison pense qu'elle est surtout dans le déni.
-Qu'importe ! Elle est psychologiquement très fragile, il faut que Lorenzo fasse avec ! »
Ils sortirent de la pièce, Jim jetant un dernier coup d'oeil à la jeune femme étendue sur le lit, la mine encore boudeuse. Irina avait été une jolie fille autrefois. Jim le savait d'après les nombreuses photos et vidéos qu'il y avait d'elle. Elle avait été une adorable brunette, avec un teint rose et frais, des traits réguliers et de beaux yeux gris encadrés de longs cils. De taille moyenne, mince et souple, elle avait les mains les plus exquises du monde, des mains petites et fines, avec de longs doigts effilés dont elle avait adoré colorer les ongles. Elle avait été très coquette, ça oui, d'une coquetterie de chatte. Elle aimait se mettre en valeur, et elle savait très bien comment faire.
Mais aujourd'hui, elle n'était plus qu'un masque émacié, aux joues creuses, aux yeux devenus trops grands pour cette figure pâle et cadavérique. Sa beauté n'était plus qu'un lointain souvenir, à seulement vingt-huit ans. À seulement vingt-huit ans, la vie d'Irina Krolowaski était finie. Il n'y avait pas d'avenir pour elle. Uniquement un passé dans lequel régnait en maître Milovan Zlotocrew.
Washington D.C., United States of America. La faible circulation sur la New-York Avenue North-West en ce début d'après-midi d'une chaude journée d'été n'émet…
« Jim, je t’assure que Dave Lorenzo est une personne digne de confiance. C’est un expert dans son domaine, et il peut nous aider à comprendre ce qui est arrivé …