Le Soleil, dans sa course silencieuse, teignait de ses couleurs chaudes le bleu s’assombrissant du ciel.J’étais épuisé par ces heures de travail dans les champs, mais fier d’avoir accompli mon labeur…
A chaque pas, les grains de poussière s’envolent, dansent devant mes yeux et retournent à leur repos. Leur inertie n’est troublée que par les crocs de métal enfoncée dans la terre pour la meurtrir. Comme il sera demain, comme il fut hier, quelque soit le chemin, il mènera à la terre. Il faut tirer. Le dominant l’ordonne de cette tension sèche qu’il exerce sur mon mors.
Drôle de dominant. Il ne donne pas de coup de pieds, ne lève pas le sabot… Même en privé, quand il a fini de brosser les saletés qui tâchent ma robe, il laisse sa portion d’avoine à cette petite créature qui vient parfois nous rendre visite. Ce serait elle qui mènerait la troupe ? Comme quoi la grandeur et le respect n’attendent pas forcément que leur porteuse ploie sous le poids des années. J'espère qu'il en sera de même pour celle que je sens croitre en moi.
Encore un pas sous ce soleil qui brûle ma peau déjà battue par le sable. Heureusement que mes crins et ma robe m’en protègent un peu. D’ici une ou deux rangées il s'en ira dormir derrières les arbres et si le dominant le veut bien, il sera l’heure d’aller dégourdir mes sabots endoloris par le piétinement monotone.
Qu’est-ce que ? Dans ces arbres noir et blancs, il y a une couleur que je ne connais pas. Quelles sont ses intentions ? On dirait l'allure de mon dominant, mais comme habillé d’un ciel de journée sans nuage dont les teintes auraient été concentrées. Je ne connais pas, je le crains. Même ces stupides oiseaux qui ne voient pas l'intérêt du labeur et du groupe s’enfuient pour se mettre à l’abri de la grande étable pointue du village. Celle dont le chant me réveille de temps à autres.
Il faut avertir le dominant. Je me fige et souffle en écartant les naseaux. Il se tourne aussi harassé par le soleil que moi, fixe le vide comme pour y trouver la raison de sa présence ici, mais ne trouve que les arbres. Il ne s'inquiète pas de cette ombre qui lui ressemble et qui s’en va en un éclair sans tonnerre.
S'il ne s’inquiète pas, alors je peux continuer. Ce soir on rentrera sous la maison ouverte et je dormirai avant de retrouver le rythme rassurant de notre rituel de fin d’été, avant que ne viennent les glaces et la nouvelle vie qui commencera bientôt, comme une promesse au futur que demain vaudra la peine d'être vécu.
Le vent se lève soulevant peu à peu mes plumes les plus externes. L’air prend un goût piquant, comme lorsqu’il se charge avant l’éclair, le moment où le ciel si accueillant d’habitude devient léger e…