La tempête avait laissé des traces. Le matin s’était levé sur une plage dévastée, jonchée d’algues et de débris portés par la mer. Depuis la fenêtre de la cuisine, une tasse de café entre les mains, …
Je fus tirée de mes pensées par des rires qui fusèrent et dévalèrent la plage jusqu’à se perdre dans l’écume. Deux enfants partiellement dévêtus s’étaient écriés et jetés à l’eau. Je sentis ma joue frémir, étourdie d’un sourire - cette trace sur mon visage, je l’avais enfouie si loin, sous les cartons, sous le plancher, enfouie dans la terre. Je nous ai vu courir le long de la plage, portés par le vent jusqu’à la mer.
Les deux enfants restaient en commissure des lèvres marines. Ils surveillaient la montée des vagues, les encourageaient puis, hilares, martelaient du pied la ligne d’arrivée. Je me levai, fascinée et incrédule. Nous jouions au même jeu, t’en souviens-tu ? Je m’approchai moi aussi du bord de mer, un peu à distance des enfants. Pourquoi étaient-ils seuls sur la plage ? Mais j’y pense, nous venions seuls nous aussi. C’était une autre époque, on ne craignait rien. Aujourd’hui je ne sais pas, je ne serais pas confiante, ils sont si jeunes. Et puis, l’un d’eux pourrait se jeter d’excitation dans les eaux, perdre pied et périr. Je les regardai du coin de l’œil, rassérénée par leurs cris de joie tout autant que soucieuse. Peut-être que leur famille habite une maison qui donne sur la plage, comme la mienne… En ce cas, seraient-ils mes voisins ?
Je m’approchai davantage afin de mieux pouvoir les reconnaître si je venais à les croiser dans la rue. La fille s’était finalement assise sur le sable tandis que le garçon continuait à soulever des brassées d’eau, pour l’apparent plaisir de les porter à la lumière. Elle ne riait plus et semblait s’être lassée de ce jeu. Elle lui lança : « Antoine, viens on rentre ! »
Mon sang se figea. Antoine…
Le garçon se retourna et croisa mon regard stupéfait.
Ce sourire… Se pourrait-il que ?