Assise à contempler l’horizon éclairé par une vague lueur orangée, je grattais le sable de mes pieds nus, chaque grain chatouillant ma peau dans sa nouvelle liberté. Une sensation de bonheur qu’elle …
La tempête avait laissé des traces. Le matin s’était levé sur une plage dévastée, jonchée d’algues et de débris portés par la mer. Depuis la fenêtre de la cuisine, une tasse de café entre les mains, je fixais ce spectacle avec une étrange sensation de vide. Le vent avait tout balayé, sauf ce poids, niché quelque part dans ma poitrine.
La journée s’annonçait grise. Le ciel n’avait pas encore décidé s’il laisserait passer le soleil ou s’il garderait son manteau de nuages bas. Je savais que je ne pourrais pas rester enfermée aujourd’hui. Quelque chose, une force presque impérieuse, me poussait à retourner là-bas, sur la plage. Peut-être pour chercher des réponses. Ou peut-être pour me perdre dans les questions.
Après avoir enfilé une veste et ramassé un carnet dans un des cartons qui traînaient encore, je pris le chemin de la falaise. Chaque pas était accompagné par le crissement du gravier sous mes chaussures. Le vent, plus doux qu’hier, me caressait le visage comme une ancienne promesse, jamais tenue, jamais oubliée.
Arrivée en bas, je m’assis sur un rocher, le carnet ouvert sur mes genoux. Les pages vierges semblaient attendre, comme moi. Mais aucun mot ne venait. Pas encore. À la place, mon regard se perdit dans l’écume des vagues, dans cette danse hypnotique et éternelle qui m’avait toujours fascinée.
C’est alors que je la vis. Une silhouette, là-bas, près de l’eau. Elle n’était pas nette, floue, comme si la brume jouait à la cacher. Mon cœur accéléra, mais je restai immobile. L’écho de mes pas sur le sable la veille semblait revenir, amplifié. Était-ce lui ? Cette pensée me traversa comme un éclair, illuminant brièvement mes souvenirs avant de disparaître. Et si c’était quelqu’un d’autre ? Et si, cette fois, c’était réel ?
Je me levai lentement, mon carnet glissant de mes genoux pour tomber à mes pieds. Le choc du papier sur la pierre me ramena à la réalité. Mais la silhouette ne disparut pas. Elle restait là, immobile, comme si elle attendait. Comme si elle m’attendait.
J’avançai, prudemment d’abord, puis avec plus de conviction. Le sable se dérobait sous mes pas, mais je ne m’arrêtais pas. Chaque mètre me rapprochait d’elle, chaque mètre faisait naître en moi un mélange de peur et d’espoir. Et puis, soudain, elle tourna la tête.
Je m’arrêtai net.
Ce n’était pas lui. Mais ce visage, ces traits, il y avait quelque chose de familier. Une réminiscence, peut-être. Ou une illusion. Les secondes s’étirèrent alors que nous nous fixions, deux inconnus pris dans la même mer de doutes.
Et puis, comme la veille, elle disparut. Un clignement d’yeux, et il n’y avait plus que le sable et les vagues. Plus rien. Pas même une trace de pas.
Je restai là, figée, les mains tremblantes. Était-ce un jeu de mon esprit ? Un reflet de mes souvenirs, projeté par l’océan ? Ou bien…
Une voix, douce, presque imperceptible, murmura derrière moi :
« Il y a des réponses dans les vagues, mais elles ne viennent jamais quand on les cherche. »
Je me retournai brusquement, mais il n’y avait personne. Juste le vent et son souffle.
Cette fois, je ne rentrai pas tout de suite. Je restai sur la plage, à regarder la mer. À écouter son murmure. Peut-être que je ne cherchais pas les bonnes réponses. Peut-être que je ne savais même pas poser les bonnes questions.