Enfin je m’asseyais au milieu des cartons dans le salon et je regardais par la fenêtre avec un sentiment de bonheur intense : enfin j’avais réussi à acheter cette petite maison au bord de la falaise …
Assise à contempler l’horizon éclairé par une vague lueur orangée, je grattais le sable de mes pieds nus, chaque grain chatouillant ma peau dans sa nouvelle liberté. Une sensation de bonheur qu’elle n’avait pas ressenti depuis longtemps. Les vagues et leur mélopée me transportaient dans le spectacle irréel de ces nuages cotonneux qui diffusaient la lumière du soleil couchant donnant un aspect enflammé à l’intégralité de la voûte céleste. C'était comme si de la fumée brûlante, encore chaude s'écoulait du haut vers le bas jusqu'à un plafond de verre sur lequel il rebondissait. Les quelques zones sans nuages laissaient passer des rayons de soleil éclairant les vagues et leur écume étincelante comme un Messi dans un tableau de maître.
Un instant je fermais les yeux pour me rappeler de ces jours passés ici et de ma sensation de le revoir malgré toutes ces années passées si loin de cet endroit. Les souvenirs d’enfance étaient les plus tenaces. Cette ville. Cette plage. Mon rêve, qui n'était pas le sien.
Des zones d’ombre s’avançaient sur l’eau, bientôt, le haut de ma colline recevrait les premières gouttes. Tant pis, si je tombais malade, de toute façon le reste du monde l’était déjà avec toutes ses injonctions au bonheur et à la vitesse. Il ne restait même plus de temps pour accueillir mère nature et ses miracle. Alors, décidée, j'accueillais la pluie avec les yeux fermés, mais aussi mon plus beau sourire, comme une bénédiction après tous ces tumultes dans ma vie.
Dans mon dos naquit une pression familière. Si chaude, si douce, je rêvais de m’y reposer un instant, comme autrefois. Il avait tenu sa promesse, même tant d'années plus tard. Nous étions deux sur cette plage à cet instant, quoi qu’en diraient les gens du village. Malheureusement, une part de moi réalisa, au moment où la brume laissa place à un courant d’air frais, que ce n'était pas possible et mes yeux le confirmèrent lorsque je me retournai pour détailler chaque grain de sable et coquillage de la plage.
Me relevant pour courir après mes tongues emportées par le vent et la marée, mon dos se hérissa d’un coup à l'endroit où mon T-shirts était resté sec.
La nuit allait tomber et avec elle revenait le temps de m’enfermer à nouveau entre ces quatres murs pour toiser les grains venant du large. Ce soir, serait ma première tempête en première ligne. Que je survive ou que l'océan m’emporte, de toute les manières, l'énergie de la scène ne pourrait que donner une nouvelle impulsion à ce corps perdu dans un univers trop brûlant.