Salut à toi pauvre mortel, si tu lis ces lignes, il est temps que tu apprennes que tu viens de décéder. (ouin, ouin, je sais c’est moche, écoute, il y a pas mort d’homme – hum.) Il est ainsi de mon d…
Chapitre 1:
HYDRIADE, par Shadowlight
« Salut à toi pauvre mortel, si tu lis ces lignes, il est temps que tu apprennes que tu viens de décéder. »
— Hein ? Qui parle ?
« Il est ainsi de mon devoir, en tant que déesse des univers de l’imaginaire, de t’annoncer une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c’est que ce n’est pas le paradis qui t’attend, mais la réincarnation. La bonne, c’est que je te laisse le choix du monde dans lequel tu vas te réincarner ! »
— Mais bordel ! Je ne comprends rien à ce que vous racontez ! Veuillez immédiatement rallumer les lumières et décliner votre identité ou j’appelle la sécurité ! Sachez que vous êtes dans une enceinte de protection niveau rouge. Vous n'avez pas la moindre idée de la personne à qui vous vous adressez !
« Ben si, tu te nommes Camilla Del Rey, présidente générale du Consortium International des Énergies Pétrolifères. Une rupture d’anévrisme de l’artère pulmonaire a entraîné ton décès à 0 h précise. En ce moment, tu te trouves raide morte dans ton lit. »
Camilla se sentit frissonner. De la fièvre ? Non. Juste un froid… mortel. L’obscurité se dilua au profit d’une brume grisâtre. Au-delà du grand matelas rond, les lumières de Nega City miroitaient en une nappe mordorée derrière l’immense verrière de sa chambre particulière. Située au sommet de la plus haute tour de la ville, la pièce lui offrait une splendide vue panoramique à 360°. Mais cela n’avait guère d’importance. Elle devait se rendre à l’évidence. C’était bien elle, allongée là-dessous, le teint blafard, la bouche tordue, de la bave à la commissure des lèvres. Ses ultimes convulsions dans les draps de satin dévoilaient son corps ridé, son… cadavre.
— Non ! Pas ça !
« Ben si, ma grande, ou ma vieille plutôt. T’as passé l’arme à gauche. C’est comme ça. Bon revenons-en à nos moutons. Ta réincarnation. D’après ton score au jeu des six questions, tu vas réapparaître sous la forme… d’une palourde ! »
— QUOI ? Mais vous êtes dingue ! Ce n’est pas possible, il y a une erreur ! Vu mon statut social, votre proposition tient du grotesque ! Je vais vous flanquer un procès aux fesses pour atteinte au droit à la réincarnation. Mon cabinet d’avocat va vous laminer !
« Et voilà, encore une qui s’estime lésée par le test… bon allez, ce soir je me sens d'humeur magnanime. En quoi madame voudrait-elle être revenir ? Tu as huit choix possibles : gobelin, farfadet, triton, nymphe, mort-vivant, mage, licorne ou palourde. Ah non, plus palourde. Tu as dix secondes pour te décider. Dix.. Neuf… Huit…
L’esprit de Camilla s’activa, écarta les options guignolesques proposées pour n’en garder que deux. Mage ou Nimphe ? Chacun avait ses avantages, l’un la magie, donc du pouvoir. Mais se réincarner en homme… pouah, dégoutant ! Les Nimphes, quant à elles, étaient de belles jeunes femmes, quasi immortelles, qui ne vieillissaient pas.
“… Trois… Deux…”
— Nymphe !
“Ok. Du coup, dryades, oréades, hydryades, ou ouranies ?”
— Heu, je ne sais pas, quel est la différence ?
“Oh, tu abuses un peu là ! Je n’ai pas que ça à faire ! Décide maintenant !”
Une image d'un derrick de ses entreprises en train de pomper le pétrole par fracturation hydraulique traversa ses pensées. Hydro, Hydryade, cela devait se rapporter à l’eau, non ? …
— Hydriade !
Une puissante lumière inonda Camilla. Elle sentit sa peau flétrie brûler, s’effriter en particules de cendres qu’une intense bourrasque surnaturelle dissipa. À la place, un épiderme lisse apparut, vierge de toute imperfection. Prise d’une joie indicible, Camilla palpa ses seins fermes, effleura ses hanches étroites, son ventre plat. Elle imagina son visage devenu une ode à la perfection. Un sourire s’étira sur ses lèvres. Elle avait fait le bon choix. Ne restait plus qu’à sentir la douce caresse de l’eau sur ce corps parfait et entamer sa nouvelle vie, une vie de séductions, de tentations. Elle se délectait déjà de sa future existence.
Le vent se fit cyclone. Il l’emporta vers sa prochaine demeure, demeure qu’elle ne pourrait jamais quitter, car les Dryades étaient liées à leur monde aquatique, lac, rivière ou fleuve. La force de la tornade se tarit. Elle se sentit descendre en douceur vers le sol, vers son domaine.
L’odeur nauséabonde envahit ses narines au moment où elle tombait. Elle ouvrit les yeux pour voir se rapprocher une mare de pétrole gluant dans laquelle elle s’enfonça avec un plouf retentissant.