Metro and Twin, par AudreyLys

— Oui, comme tout le monde. — Dans quelle ville sommes-nous ? — Je vous demande pardon ? — Dans quelle ville nous situons-nous présentement ?— J’avais compris la question, mais je ne sais pas pourquo…




Chapitre 4: Mr and Mrs Durand, par Mello

Le silence s’installe dans la pièce, le psy laisse son patient lui annoncer quelle ville il bombarde dans son rêve. De son côté, Marc s’est redressé.

— C’est Nîmes… oui, je suis quasiment sûr que c’est Nîmes.

— Quasiment sûr ? Si vous deviez donner un pourcentage, quel serait-il ? 95 % ? 90 % ?

— Mmhh je dirais 99 %

Il fronce les sourcils, lève bientôt un doigt comme un génie ayant trouvé une réponse indispensable à l’humanité.

— Attendez… je visualise les arènes… oui c’est Nîmes, ça ne fait aucun doute !

— Qu’est-ce que cette ville vous évoque ?

— C’est là que j’habite avec ma femme.

— Pourquoi prendre rendez-vous à Montpellier alors que vous habitez à Nîmes ?

— Parce que vous êtes le seul psy de la région qui accepte encore des patients et qui ait des délais d’attente pas trop long.

— Je vois…

Le psy griffonne quelques mots sur son carnet.

— Comment s’appelle votre femme ?

— Emma.

— Comment se porte votre couple ?

— Plutôt bien. On a récemment déménagé, on a acheté un petit appartement dans nos moyens. Ses parents et les miens nous ont aidé.

— C’est important pour vous d’être propriétaire ?

— Bien sûr que oui. C’est quelque chose que je pourrez léguer à mes enfants quand j’en aurais, et puis c’est aussi une sorte d’investissement à long terme.

— Vous voulez des enfants ?

— Oui.

— Combien ?

— Alors là… j’ai toujours rêvé d’avoir une famille nombreuse, alors je dirais… trois… quatre… peut-être même cinq, soyons fou !

Marc sourit face à son trait d’esprit. Le psy continue à écrire.

— Cinq enfants dans un petit appartement, ça risque d’être compliqué, non ? Combien avez-vous de chambres ?

— Deux… De toutes façons quand on aura besoin de plus grand, on vendra l’appart’ pour se trouver une maison, sûrement en dehors de Nîmes, pour être tranquilles. Vous savez, c’est fini le temps où on achetait pour habiter là à vie, les gens déménagent beaucoup plus.

— Vous avez entièrement raison. Et votre femme ?

— Quoi, ma femme ?

— Est-ce qu’elle partage votre désir d’avoir une famille nombreuse ?

— Beeen… pour être franc, pas tellement. Enfin si, mais pas tout de suite. Elle est clerc de notaire, et elle bosse énormément pour devenir première clerc de l’étude où elle travaille. Elle parle aussi de reprendre ses études de droit pour être carrément notaire. Elle est vraiment très ambitieuse.

— Est-ce que cette ambition est un problème pour vous ?

— Absolument pas, je suis très admiratif, au contraire.

— Mais sa décision de ne pas avoir d’enfant, est-ce qu’elle vous frustre ?

— Non, bien sûr que non. C’est son corps, son choix… je respecte totalement.

— Vous respectez son choix, certes, mais comment réagiriez-vous si demain, elle vous apprenait qu’elle est enceinte ? Ou qu’elle souhaite l’être ?

— Je serais l’homme le plus heureux du monde !

L’homme a l’air effectivement si heureux qu’il s’est redressé, ses poings serrés dans un geste de joie.

— Je vois. Je comprends mieux…

— Qu’est-ce que vous comprenez ?

— Quel mode de contraception utilisez-vous ?

— Elle prend la pilule et je mets un préservatif. Emma veut vraiment être sûre qu’il n’y ait pas ‘’d’accident’’, vous comprenez ?

Même s’il ne voit pas le psy, Marc a mimé les guillemets avec ses doigts.

— Je vois.

— Vous pourriez arrêter avec vos ‘’je vois’’ ? J’avoue que ça m’agace un peu… qu’est-ce que vous ‘’voyez’’ au juste ?

— J’ai noté tout votre rêve, je vais donc vous le relire : « Je suis dans un avion, un bombardier. Il y a tout un équipage. Moi, ma mission, quand on sera sur l'objectif, ce sera d'amorcer la bombe. Une bombe atomique. J'appuie enfin sur le bouton, et un compte à rebours se déclenche. Je suis en pleine conscience. Je sais que je vais tuer des centaines de personnes. Mais j'ai reçu un ordre, et j'obéis à cet ordre. Je reviens à ma place, la trappe s'ouvre, et la bombe descend vers sa cible. Et quelques instants plus tard, il y a un soleil nucléaire. » C’est bien ça, monsieur Durand ?

— Oui, c’est bien ça.

— Alors ?

— Alors quoi ?

— Est-ce que vous n’établissez pas certains parallèles ?

— Raah on peut arrêter de jouer à ça ? Si vous avez compris quelque chose, contentez-vous de m’expliquer, parce que moi je vais devenir dingue à force de faire ce maudit cauchemar à la con !

— Ne vous énervez pas. Laissez-moi plutôt vous présenter la situation sous un angle nouveau : vous êtes à Nîmes, vous rentrez chez vous pour retrouver Emma. Après une bonne soirée, vous vous retrouvez au lit tous les deux. Vous vous faites coquin, commencez par quelques préliminaires, puis entamez une pénétration de votre femme. L’excitation vous gagne, de plus en plus, même si vous savez que c’est juste pour le plaisir puisque vous utilisez une double contraception. Et puis soudain, la jouissance arrive, vous éjaculez, et c’est l’orgasme.

— Euh…

C’est tellement incongru que Marc se retourne pour fixer le psy.

— Plaît-il ?

— Ça ne vous paraît pas plausible ?

— Non c’est juste que… la bombe, ce serait donc mon… enfin, vous voyez ?

— Votre éjaculation, oui.

— Et le soleil nucléaire ?

— Vos deux orgasmes.

— Et les centaines voire les milliers de personnes tuées ?

— Les spermatozoïdes dans votre préservatif, qui finiront à la poubelle sans même avoir eu la moindre chance de donner la vie.

— …

Marc continue à le fixer. Dubitatif. Paumé. Il se gratte la tête. Le psy regarde sa montre.

— Bien, nous arrivons à la fin de notre rendez-vous. Ce que je vous propose, c’est que vous preniez le temps de réfléchir un peu à tout ça, est-ce que ça vous va ? Comme ça dans dans trois semaines, nous pourrons en parler de manière plus profonde, si je puis me permettre.

— Euh… ok, oui, ok. Par contre, vous pensez que je vais avoir besoin d’encore beaucoup de séances ?

— Tout dépendra de vous, de l’évolution de votre pensée, de l’évolution de votre couple également.

— D’accord, d’accord. Et ben, à dans trois semaines alors ?

— À dans trois semaines monsieur Durand, et prenez bien soin de vous.