Le murmure de la cendre, par LéaLune

La journée s’étira comme un rêve dont on ne parvient pas à sortir. Estelle gardait la carte de l’Étoile à portée de main, ses doigts effleurant sans cesse ses bords usés, comme pour s’ancrer à quelqu…




Chapitre 4: Madeleine, par Mello

— AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHHHHHH !!!!!!!!

Sous la coupole rose pailletée d’or, un long hurlement résonna. Les parois des métaux précieux semblèrent trembler sous l’écho, les planètes de pierres fines oscillèrent sur leur support. Le cri portait en lui tant de terreur que tous s’étaient figés. Interdits. Désemparés. Des regards se cherchèrent, des oreilles se tendirent.

La manifestation de toute cette angoisse s’arrêta aussi brutalement qu’elle avait commencé, mais les lieux demeurèrent immobiles durant de longues secondes encore. Bientôt, les respirations reprirent. Heurtées. Hésitantes. Un choc léger retentit dans le lunarium, et une silhouette encapée en sortit à vive allure avant de se précipiter dans un couloir, puis de revenir sur ses pas. De retour dans le lunarium, l’homme d’âge mûr fixa tour à tour tous les corridors qui partaient de la pièce pour s’abîmer dans toutes les directions. Sa main se porta à sa tête qu’il gratta dans un geste trahissant sa totale perplexité.

— C’est Madeleine qui a hurlé comme ça ?

Assise en tailleur dans un canapé vert clair, une jeune femme occupée à mélanger de l’eau et du vin dans un mug lui jeta un rapide coup d’œil, avant de reporter toute son attention sur son breuvage afin qu’il ne débordât pas.

— On dirait oui. Heureusement qu’on s’était tous mis d’accord sur la notion de calme et de respect des autres il y a cinq jours, sinon qu’est-ce que ça aurait donné ?

— Ton empathie est réellement touchante, Diane, ça fait du bien de voir combien tu te soucies des autres, puisque tu parles d’eux.

Les sourcils de la jeune femme se froncèrent. Elle cessa de verser des liquides dans son mug et reposa les bouteilles qu’elle avait dans les mains, claquant celle d’eau sur la table avant de déposer très doucement celle de vin.

— Je n’ai pas dit que je n’étais pas sensible aux soucis de Madeleine, juste qu’elle pouvait les exprimer plus calmement afin de ne troubler personne.

Un soupir ostensiblement fort se fit alors entendre derrière elle, et un homme attrapa la main du vieillard pour l’entraîner à sa suite sans perdre de temps.

— Perds pas ton temps avec la frigide, allons plutôt voir Mady !

Aussitôt, ils forcèrent le pas jusqu’à trotter comme deux soldats prêts au combat. Au grès des tournants et des chambranles de porte, ils récupèrent d’autres personnes avec eux, et ce fut bientôt une curieuse assemblée qui déboula dans la chambre de Madeleine.

Échevelée et tremblante, sa nudité a peine dissimulée par un drap, la blonde pleurait à grosses larmes sur l’épaule de celle qu’elle avait toujours considérée comme sa mère de cœur. Assise près d’elle sur le lit, Luna berçait sa consœur avec tendresse, caressant sa crinière humide de transpiration tout en lui murmurant des mots rassurants à l’oreille. D’un geste, elle désigna un coffret de bois qui reposait sur une table située juste sous la fenêtre, et le jeune homme qui s’en trouvait le plus près l’attrapa dans ses mains avant de jeter des regards interrogatifs en direction des autres. Muet de naissance, il n’avait d’autre choix que de communiquer par ses mimiques ou ses mouvements, mais tous lui répondirent d’un haussement d’épaules.

Non, personne ne savait ce qui se passait. Personne ne comprenait cette injonction non plus.

— Prends cette boîte et emmène-la dans le couloir, j’arrive tout de suite. Merci Mat.

Sa précision s’était accompagnée d’un sourire, puis elle déposa un baiser tendre sur la joue de la pauvre Madeleine. Ainsi protégée dans l’étreinte maternelle, la jeune femme se calmait lentement mais sûrement. Sa respiration redevenait régulière. Ses larmes se tarissaient.

— Ma chérie, je sors quelques instants pour m’occuper de régler le problème. Mais ne t’inquiète pas, je suis juste à côté et je reviens dans quelques minutes. Ça marche ?

Le visage trempé, la demoiselle hocha la tête avant de s’emmitoufler dans son drap, et Luna quitta la pièce avec toute la troupe interloquée. Par prudence, elle tira la porte derrière elle mais ne la referma pas, et elle prit la parole à mi-voix.

— Madeleine va bien, ne vous inquiétez pas, elle a simplement fait un horrible cauchemar.

— Quel genre de cauchemar ? Parce qu’elle a l’air vraiment secouée…

— Elle a rêvé qu’une puissante magie nous avait enfermés dans des cartes et que des gens passaient leur temps à nous tripoter, à nous jeter, à nous empiler… je… ses propos sont encore confus, je n’ai pas tout compris.

Un air d’inquiétude sincère se peignait chez chacun. Finalement venue à la suite des autres, Diane esquissa une moue dégoûtée. 

— Nous ‘’empiler’’ ? Nous ‘’tripoter’’ ? Et d’abord, c’est quoi des cartes ?!

— De ce que j’ai compris, des sortes d’artefacts puissants permettant de lire l’avenir.

— Oh…

Ce simple mot sortit de toutes les bouches, tandis que tout le monde mettait déjà son imagination en branle pour essayer de visualiser un tel artefact.

— Et c’est qui, ces ‘’gens’’ ? Des ennemis ?

— Non Janus, rassure-toi. Il n’y a ni ennemi ni danger, juste ça.

D’un signe du doigt, Luna désigna alors de coffret de bois, et Mat l’ouvrit avec précaution. À l’intérieur, des dizaines de figurines reposaient.

— C’est pas la dernière invention que Le Bateleur à offert à Mady ? Comment il appelle ça déjà… des humains, non ?

— Si, c’est ça. Et il lui a apparemment raconté que ces humains étaient des créatures réelles qui habitaient sur une planète appelée ‘’Terre’’ et qu’un jour, ils nous vaincraient et nous enfermeraient dans un ‘’Jeu de Tarot’’ pour nous soumettre et nous utiliser comme des objets.

Durant un instant, un ange passa sur l’assistance. Puis le jeune homme hocha vigoureusement la tête.

— Ok. Je vais lui péter la gueule, ça sera vite réglé !

— Non Chariot, arrête! La violence ne résout rien et…

— Je m’en fous ! J’en ai marre de Bateleur ! Quand il n’emmerde pas Monde, c’est pour faire chier Jugement ! Ermite ne nous rend même plus visite tellement il en a marre de lui, et maintenant il s’en prend à Étoile !

Dans leur coin, les Amoureux se mirent d’accord pour dire que Ermite avait de toute façon tendance à vivre comme un Ermite, pendant que Tempérance s’était suspendue au cou de Chariot pour le stopper dans sa quête vengeresse. Bientôt, il ne resta plus que Lune et Pape dans le couloir. Fatigués de cette famille un peu dysfonctionnelle sur les bords.