Antworten, par Heizan

Ce contact avec la réalité sembla un instant calmer son esprit agité. Un flot de pensée jaillit comme un éclair dans sa tête et provoqua une vague de douleur dans sa boîte crânienne. Il se vit dansan…




Chapitre 3: Rouge comme..., par Mello

Surpris, il tendit les doigts afin de s'emparer  du cachet gluant de bave. La sensation sur sa peau lui évoqua un paysage blanc, froid, vide. Fronçant les sourcils, il approcha sa trouvaille de ses yeux et l’étudia, comme s’il cherchait à s’assurer que c’était bien ses propres dents qui avaient laisser là leurs empreintes. Était-il seulement possible de s’assurer de l’identité d’une personne avec une si petite surface marquée ? Sans doute que non…


 

Avec précaution, il déposa le comprimé sur le rebord du lavabo, se jeta un nouveau coup d’œil, puis retourna encore une fois dans la chambre. À tâtons, il chercha un interrupteur sur les murs. En vain. Après quelques minutes, il se rabattit sur la lampe de chevet, l’alluma dans un clic sonore tandis que le bouton renâclait à demeurer en position, et retint son souffle. Malgré l’ampoule transparente et couverte de poussière, la lumière peignait la pièce d’un rouge sang agressif. L’espace d’un instant, il se sentit totalement désemparé. Perdu. Nerveux.


 

Qui était-il ? Où était-il ? Pourquoi avait-il l’entêtante impression de sentir en permanence le contact de ces bas résille noires sur ses jambes ? Ses jambes… À nouveau, cette partie de son corps suscita un malaise profond en lui, et il s’assit sur le lit toujours humide de transpiration afin de pouvoir les détailler avec davantage de soin. Avec maladresse, il glissa un ongle bordé de crasse sous un accroc et souleva lentement le collant. Millimètre par millimètre. Comme si tout son corps se tétanisait face au risque de… mais de quoi, justement ?!


 

Nouveau soupir. Nouvel agacement.


 

Le bruit des mailles se déchirant les unes après les autres emplit soudainement la chambre pour résonner entre chaque mur, se réverbérer sur le papier peint comme le staccato d’une volée de mitraillettes. La tension se propagea dans ses influx nerveux telle une vague, un gémissement s’échappa d’entre ses lèvres mordues à sang. Dans un sanglot, il arracha finalement le bas avec violence, le laissant pendre le long de sa jambe comme une mue de serpent. Le bout de ses doigts se posa sur sa malléole, entama une ronde autour de l’os saillant puis remonta le long du tibia, esquiva le genoux pour se glisser dans le creux poplité. Un frémissement le gagna. Un deuxième doigt aborda l’épiderme, puis un troisième, avant que la main n’entourât fermement la cuisse mince. Penché en avant, son corps faisait obstacle en l’éclairage écarlate, protégeant ainsi ses jambes de la teinte inquiétante. Inquiétantes comme ces marbrures – arc-en-ciel oscillant entre verdâtre et bleuâtre maladif – qui couvraient son corps. Ses deux jambes, ses hanches, le bas de son ventre et même le côté droit de sa cage thoracique.


 

Soupir. Étranglement. Sa salive dut forcer le passage de sa gorge trop sèche.

Il se redressa légèrement pour mieux respirer et ferma les yeux.


 

Une alarme hululait sans fin, broyait ses tympans.

Un amas de ferrailles glacées enserrait son corps, gelait sa peau.

Au loin, une jambe démembrée gisait au sol.

Sa main glissa le long de son corps, s’arracha sur le métal pour rejoindre sa cuisse, hésita longuement tandis qu’elle ne rencontra qu’un millier d’esquilles indescriptibles.

Son visage se plissa d’incompréhension.

Sa main s’écorcha en remontant.

Ses yeux contemplèrent sa paume maculée de minuscules fragments blancs. Blanc comme l’os éclaté, mis à nu, qui dardait à l’extrémité de cette jambe abandonnée.


 

Une alarme hulula. Pas une alarme, sa voix. Il hurlait. Comme un dément. Des sons abominables et des mots inarticulés. Mues par une panique intense, ses paupières s’ouvrirent avant de papillonner, ses yeux oscillèrent partout sans se poser nulle part. L’image rémanente d’un membre amputé s’accrochait à sa vision comme si une horrible guirlande de chair, de sang et d’os avait été fixée sur ses cils.


 

— Nein ! NEIN !! NEIIIIN !!! HÖR AUF DAMIT !!!!


 

Avec rage, ses doigts se pressèrent sur ses yeux clos, appuyant jusqu’à lui envoyer une myriade d’étoiles multicolores qui l’assommèrent. La nausée l’assaillit sous le coup de la douleur et du trop plein d’émotions. Son estomac se vida une nouvelle fois, la bile se répandit sur les lattes usées du vieux parquet. Il n’avait même pas essayé de se lever pour rejoindre la salle de bain. À la place, il toussa et expectora jusqu’à libérer enfin sa gorge de la boule d’angoisse qui s’y logeait, puis se laissa tomber en arrière. Son dos nu capta aussitôt l’humidité du drap, et il roula jusqu’au bout du lit pour mieux se laisser tomber à genoux par terre. Front posé contre le rebord du matelas, sa tête dodelina. Il sombrait. Lentement mais sûrement. Restait à savoir vers quoi…


 

Combien de temps resta-t-il ainsi prostré ?

Des secondes ?

Des minutes ?

Des heures ?


 

Quoi qu’il en soit, ce fut bientôt un sifflement constant qui ramena son attention à la réalité, et il balaya son visage d’une main pour en chasser les larmes. La saleté aussi, puisqu’une couche noirâtre s’imprima aussitôt sur sa main. Une odeur fantôme de fumée parvint à son odorat, mais il la chassa aussi sèchement que ces bribes de souvenirs qui cherchaient à l’assaillir. À la place, il se concentra tout entier sur ce son et rejoignit la salle d’eau.


 

Toujours posé sur le rebord du lavabo, le comprimé pulsait d’une vague lueur bleutée, vibrait jusqu’à produire une résonance sur la faïence. Il le saisit, le bruit cessa. Main grande ouverte, le cachet désormais positionné au centre de sa paume le chatouillait. Le chatouillait encore et encore. Jusqu’à vibrer plus fort, lui donnant l’impression qu’un minuscule marteau piqueur s’efforçait de transpercer sa main. Sa main… 


 

Hébété, il leva sa deuxième main au niveau de son regard.

Une longue tige poisseuse de sang empalait sa paume.

L’alarme hurlait toujours, concerto accompagné du fracas épouvantable du métal qui s’entrechoque.

Au loin, une silhouette se découpa soudain dans la fumée, une voix se fit entendre.

Dans des mots à la fois familiers et incompréhensibles.


 

Surpris, il sursauta.

Le comprima chuta et rebondit dans le carrelage constellé de taches, jusqu’à s’immobiliser dans un joint séparant deux carreaux. Le bruit ne revint pas. Ses jambes non plus. Avachi contre le chambranle de la porte séparant les deux pièces, il se rendit compte qu’en lieux et place de ses jambes se tenaient désormais deux colonnes de lavabo. De ces horribles lavabo si emblématiques des années 70.




Le cycle sans fin, par LéaLune

Il se redressa lentement, l’esprit engourdi par la fatigue et l’angoisse, son regard fixé sur le sol carrelé où le comprimé bleu avait roulé. Tout semblait avoir perdu de sa substance, comme si la ré…