⚠️ Avis à la population ⚠️ • Un sujet zombifié au stade 1 (phase initiale) ne ressent plus la douleur. Il présente des troubles d’élocution (bégayement, ou recherche de mot). • Un sujet zom…
Je crois que c’est le douzième jour depuis qu’on s’est installés dans la cave des voisins. Je sais, je devrais être plus attentif au décompte des jours, mais, franchement, moi, ça me démoralise.
Lola me dit que je ne suis pas sérieux. Même là, qu’elle est pliée en deux sur le canapé, je suis sûr qu’elle remplit studieusement son devoir de citoyenne en consignant son petit rapport quotidien.
Bref.
En tout ça, je sais que ça fait plus d’une semaine qu’on vit en collocation chez les voisins. Les enfants – moi, mon frère Brice, Lola et son frère Loïc – on crèche dans la cave et nos parents dans le garage.
Et au milieu de tout ça, il y a Baudruche.
Normalement, une semaine il vit au garage avec les parents, et une semaine il vit avec nous dans la cave. Il est le seul lien que nous ayons avec l’extérieur, puisque ce sont les adultes qui se chargent de nous ravitailler. On s’écrit mais on ne se voit plus, ils ne se permettent que de poser les sachets de course devant la porte.
« Ne sortez qu’en cas d’urgence, même s’il n’y a pas de personnes zombifiées vous pourriez tomber sur quelqu’un de mal intentionné ».
Sauf que Baudruche est une urgence, puisqu’il mange pour deux, et doit bien expulser tout ce qu’il ingurgite à un moment donné.
Le problème c’est que, cette semaine, Lola a ses règles, donc elle arrive à peine à bouger, et c’est hors de question de demander aux deux petits d’à peine vingt-cinq kilos tout mouillés de maîtriser un berger des Pyrénées à la force de leurs petits bras. Enfin, c’était ce que je me disais avant de réaliser qu’en fait, Baudruche passe le deux-tiers de la sortie à s’arrêter pour renifler les arbres, les murs, les coins de murs, les poubelles, les plaques d’égout, les trottoirs, les gouttières de trottoirs et les poteaux.
Je n’aime pas devoir tirer sur sa laisse. Il n’a pas l’air de trouver ça douloureux, il ne grogne même pas, mais je ne peux m’empêcher de penser que ça doit être désagréable et frustrant pour lui d’autant plus qu’il ne comprend pas la situation.
Je m’apprêtais à l’entraîner quand sifflement subtile montait à mes oreilles. Évidemment, je l’avais félicité à grand renfort de gros câlins. J’allais ensuite me mettre en route pour la maison avant d’être arrêté par une notification sur mon smartphone m’annonçait qu’un stade 4 avait été repéré, déambulant à moins de cinq kilomètres de ma position actuelle.
Autrement dit, je devais me barrer fissa.
Quand on entre en alerte rouge, les services militaires sont dépêchés en vitesse sur la zone concernée. Même si ça peut prendre un peu plus de temps dans les trous perdus comme ici, ils partiront du principe que tout individu qui ne s’est pas caché alors qu’un zombie est à proximité est possiblement infecté. À une époque, ils se contentaient d’embarquer les gens. Maintenant vous êtes abattus sur-le-champ, sans aucune sommation.
Je crois que Baudruche avait compris le clivage qui s’était opéré en moi car il n’avait pas rechigné lorsque je m’étais mis en route.
Ma maison étant trop loin de ma position actuelle, j’avais dû me rabattre sur un restaurant aux fenêtres cassés, souvent le meilleur endroit pour se cacher en cas d’alerte rouge. Ce sont les premiers commerces qui ont fermés quand la zombification a commencé, donc les bâtiments sont assurément déserts et déjà pillés donc faciles à investir. Ailleurs, les probabilités de croiser un propriétaire motivé à protéger son commerce ou sa maison sont trop élevées. Dans le pire des cas, ils peuvent même signaler aux autorités la présence d’un fuyard en plus du stade 4 en liberté, histoire que les forces armées sachent exactement combien de cibles doivent être neutralisées.
J’avais aidé Baudruche à entrer dans le restaurant sans se faire mal pour ensuite trouver une cabine de toilette.
Au moment où j’écris ceci, je suis assis sur la cuvette, Baudruche à mes pieds.
La bouteille d’eau dans mon sac à dos, au milieu des sacs à caca, est à moitié vide.
Je me demande s’il fait nuit.
Je tends l'oreille, guettant le moindre bruit susceptible de trahir la présence d'un zombie. Le silence règne, seulement perturbé par le souffle régulier de Baudruche à mes pieds. Dans ce nouvel envi…