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Chapitre 1: La Constellation De L’Esprit, par mackabr01

Chapitre 1 

Le réveil sonne à six heures, mais Alya ne l'entend jamais vraiment. Les jours se ressemblent tous, enfermés dans une monotonie grise que l'on appelle la vie. Mais pour elle, ce n’est pas la réalité. La réalité, c’est ce qui se passe la nuit dans ses rêves et le jour dans ses rêveries. Du moins, c’est ce qu’elle croit.

Alya, une petite fille de onze ans, a compris très jeune que la vie était un tissu de banalités. Dès l’enfance, elle avait appris à se dissocier du monde, à fuir vers un espace que personne d'autre ne pouvait atteindre. Dès le matin, quand elle enfilait son uniforme scolaire, elle ne voyait pas la morne réalité de la salle de classe qui l'attendait. À la place, elle se projetait dans une aventure épique, où elle était la capitaine d'un vaisseau flottant dans un ciel violet, entouré de constellations scintillantes, chaque étoile : un rêve qu’elle pourrait saisir et ramener avec elle.

Elle s’échappait dans ce monde où les lois de la gravité n’avaient pas d’emprise, où chaque pensée devenait une image, une sensation, un vécu. Ses journées se déroulaient dans des rêveries éthérées, où les murs ternes de la salle de classe se fondaient en des paysages d’or et d’argent. Elle pouvait sentir l'air chaud d'une mer inconnue, sentir les vagues battre contre sa peau sans quitter sa chaise d'écolière.

Dans ses rêves, Alya trouvait un refuge contre un quotidien qu’elle préférait oublier. Chez elle, le silence pesait lourd. Son père, épuisé par des journées de travail sans fin a tendances alcooliques et à la main lourde, était devenu une ombre. Une ombre au visage de poings. Sa mère, disparue trop tôt, restait une silhouette floue dans sa mémoire. Ces blessures invisibles rendaient le monde réel insupportable, si bien qu’elle s’y aventurait à peine.

La nuit, quand elle fermait les yeux, le sommeil l’aspirait dans des univers plus grands que sa petite chambre. Chaque rêve devenait une échappatoire, une expérience vivante de ses pensées et de ses désirs les plus profonds. Elle se retrouvait dans des forêts luxuriantes, ou sur des montagnes enneigées, courant à travers des champs d’herbe dorée. Dans ce monde onirique, elle n'était jamais seule. Des créatures imaginaires, parfois amicales, parfois mystiques, l'accompagnaient toujours. Elles comprenaient ses peurs, ses peines, et transformaient ces émotions en épopées grandioses.

Son désir ardent de retrouver sa mère se manifestait souvent sous la forme d'une quête. Elle la voyait, toujours à distance, une figure bienveillante qui la regardait de loin, mais qu'elle ne pouvait jamais vraiment atteindre. Chaque nuit, elle espérait pouvoir la rejoindre, mais la lumière blanche qui entourait sa mère disparaissait à chaque fois qu’elle s’en approchait. Ces rêves là devenaient pour elle un objectif, un projet : un jour, elle serait assez rapide pour atteindre cette silhouette lointaine.

Le jour où elle décida de ne plus retourner à l'école, sa décision ne surprit personne. Mais dans sa tête, ce n’était pas un acte de rébellion. Elle avait déjà quitté le monde des autres depuis longtemps. La réalité, pour elle, était devenue une simple abstraction, un concept qu’elle observait de loin mais auquel elle ne se soumettait plus. L'école, les professeurs, les devoirs; tout cela n'était qu'un décor fade face à l'immensité de son imagination.

Dans les moments d'abstraction, elle trouvait une paix que le monde réel ne pouvait lui offrir. Loin des contraintes du quotidien, elle laissait son esprit vagabonder librement. C’était là que ses rêves devenaient des fantasmes, des idées éloignées du concret. Elle voyait des paysages impossibles, des villes suspendues dans le ciel, des océans infinis qui se déroulaient sous ses pieds où il elle pouvait marcher dessus. Dans ces moments, Alya devenait une sorte de déesse dans son propre univers, maître absolu de son imagination débridée.

Parfois, elle avait des visions d’un monde parfait où tous ses désirs étaient réalisés. Elle s’imaginait construire une immense bibliothèque remplie de livres contenant ses rêves les plus fous. Elle pourrait feuilleter ses fantasmes comme on parcourt un roman, chaque page une aventure nouvelle. Cet endroit n'était pas une simple évasion, mais un objectif : elle voulait bâtir un espace qui reflétait ses aspirations, ses idées inaccessibles dans le monde réel
 

Et il y avait ce garçon… qui traînait souvent dans la rue de sa magie. Un visage angélique. Il s’appelait Caëlan et lui, était bien réel, mais elle ne le savait pas. C’était le seul qui essayait de la comprendre et essayait désespérément, sans relâche, jour après jour, de la ramener au réel à ses côtés. Il était tombé amoureux de la fille aux souffles de rêves 

Un jour, elle se perdit totalement dans un rêve éveillé. Ce matin-là, les bruits de la rue ne parvinrent pas à la ramener dans le présent. Alya se tenait sur une falaise, le vent soufflant dans ses cheveux, le monde entier était étalé devant elle comme une peinture en mouvement. Elle pouvait sentir chaque détail, chaque coup de vent maladroit, chaque rayon de soleil sur sa peau. C’était une sensation si réelle qu'elle oublia que ce n'était qu'une évasion mentale, une abstraction dans laquelle elle s'était volontairement plongée pour fuir sa douleur.

La sensation de flottement devenait de plus en plus intense. La frontière entre ses rêves et la réalité s'effaçait. La falaise, le vent, la mer infinie… tout semblait si tangible. À ce moment précis, elle savait qu'elle avait franchi une limite, qu'elle était allée plus loin que jamais dans ses rêves.

Elle s’approcha du bord, où le monde réel s'effaçait totalement. Il n’y avait plus de différence entre le ciel et la terre, plus de limites, plus de contraintes, ni contraires. En bas, l’océan brillait d’une lumière irréelle. Elle étendit les bras, prête à plonger dans ce nouvel univers. Elle sentit son cœur se libérer d’un poids immense. Elle était enfin arrivée dans cet espace qu’elle avait toujours cherché, ce lieu où elle serait libre, où sa mère l’attendait, où tous ses rêves se matérialisaient.

Elle fit un pas de plus. Elle entendit un murmure à son oreille :

« Alya, tu t’assois au bord des silences,  

Tes pensées s’envolent en brume d’absence.  

Sous tes paupières, un monde inventé,  

Où le ciel murmure des mots oubliés.  


 

Tu tisses des rêves en fils d’azur,  

Des éclats d'étoiles, des formes si pures.  

Dans l’éther mouvant, tu glisses, légère,  

Cherchant l’écho d’un mirage éphémère.  


 

Et dans tes rêveries, le temps se suspend,

L’imaginaire domine une réalité barbante.

Alya devient l’ombre d’un souffle errant.

Assaillie de visions ahurissantes. »

« C’est ce garçon !! » pensa-elle. Mais ce n’était malencontreusement que l’essence de la vie qui la quittait.

Quand ils la retrouvèrent, Alya était immobile, étendue sur son lit. Ses yeux étaient fermés, un léger sourire se dessinait sur ses lèvres. Elle s'était finalement laissée emporter par ce rêve trop parfait, trop vaste pour être contenu dans la simple réalité.

Elle était partie pour de bon, enfin réunie avec le monde qu'elle avait imaginé depuis tant d’années. Pour Alya, la vie réelle s’était dissipée comme une ombre, et le rêve l'avait consumée, l'enveloppant dans un dernier souffle aux couleurs d’une lame de rasoir.

Elle avait fait le choix de ne plus jamais en revenir, de ces paysages mystérieux et mythiques.

L’obscurité était profonde, mais Alya n’en avait pas peur. Elle flottait, légère comme une plume, portée par un souffle invisible. Elle ne savait pas combien de temps s’était écoulé depuis… depuis quand, exactement ? Sa dernière pensée claire avait été un plongeon dans cet univers qu’elle avait tant imaginé, cette falaise bordant l’inconnu. Avait-elle sauté ? Était-elle tombée ? Le garçon !! Tout cela semblait loin, comme un rêve lointain qu’on oublie au moment même où on se réveille.

Mais elle n’était pas réveillée. Pas vraiment.

Les contours de ce nouveau monde étaient flous, mais plus tangibles que tout ce qu’elle avait connu dans sa vie. Elle pouvait sentir l’air contre sa peau, lourd et dense, presque palpable. La lumière était douce, vaporeuse, sans origine claire. Pourtant, rien ne semblait réel. Tout était comme voilé par une brume opaque, entre rêve et réalité.

Alya ne se sentait ni légère ni lourde. Elle se contentait d’exister, flottant dans cet espace étrange, à la recherche d'une réponse. Comment était-elle arrivée là ? Était-ce un lieu de paix, cet endroit qu’elle avait souvent imaginé dans ses rêveries d'enfant ? Ce monde flou, baigné de chaleur, pouvait-il être cette paix éternelle dont elle avait tant entendu parler ? Elle n'en était pas sûre. Il y avait quelque chose d’autre, une présence cachée dans cet environnement indistinct, comme une ombre qui planait en arrière-plan, insaisissable.

Puis, d'un coup, tout bascula.

La brume se dissipa brutalement, et le monde autour d'elle devint d'une clarté terrifiante. La chaleur douce et rassurante qu'elle ressentait se transforma en une brûlure insupportable. L’air qu’elle croyait caresser sa peau n’était que du feu. Ses poumons se serrèrent, et la souffrance qu’elle pensait avoir laissée derrière elle dans le monde des vivants revenait en force, plus intense que jamais.

Tout autour d’elle, des cris perçaient l’atmosphère, des hurlements de douleur qui semblaient provenir de toutes directions. Alya baissa les yeux et vit des hommes enchaînés, leurs corps tordus dans des positions grotesques. Ils semblaient piégés dans un tourment sans fin, luttant contre quelque chose qu’elle ne pouvait comprendre. Des chaînes, des créatures étranges, des bruits métalliques remplissaient l’air de sons stridents, résonnant dans l'immensité de ce lieu étrange.

Elle comprit soudain : ce n’était pas le lieu qu’elle avait imaginé. Ce n’était même pas le rêve d’un monde parfait. Non. C’était autre chose. Et ici, elle ne pouvait pas rêver.

Une créature imposante s’approcha d’elle, ses yeux flamboyant d’une lumière étrange. Sans un mot, il la saisit fermement par le bras, ses doigts se refermant autour d’elle avec une force écrasante. La douleur, si vive, fit jaillir un cri de ses lèvres, et un peu de sang de ses bras. Ce n’était plus un rêve. Tout cela était réel, terriblement réel.

La créature l'emmena vers un grand mur de pierre rouge. Les flammes dansaient tout autour d’eux, et l’air brûlait à chaque respiration. Il l’attacha au mur avec des chaînes froides, glaciales, qui serraient sa peau de manière oppressante. Ses membres étaient tirés si fort qu'elle sentit ses muscles se tendre sous la pression. Elle voulut crier, mais sa gorge sembla se nouer sous l'intensité de la situation.

Devant elle, une étrange projection apparut soudain dans l'air. Une sorte de fenêtre flottante, translucide, mais étrangement familière. L’image s’anima, et une scène se dévoila. Une pièce sombre. Un enfant de trois ou quatre ans qui pleure. Alya regardait, confuse. Puis, une femme apparut à l’écran.

C’était sa mère. Son cœur se serra dans sa poitrine.

La femme, fatiguée, au visage marqué par les années, regardait l’enfant avec une expression de désarroi et avait l’air remplie d’une haine incommensurablement. Les cris de l’enfant résonnaient, perçants, intenses. La mère semblait à bout, perdue dans son propre tourment. Alya sentait une angoisse monter en elle, mais elle ne pouvait détourner les yeux.

Sa mère criait de détresse, de haine, désespérée face aux pleurs incessants du jeune enfant. Elle exprimait son impuissance face à la situation, montrant des signes d’extrême fatigue et de découragement. Dans sa douleur, elle se laissa submerger, et tout à coup, elle disparut par dessus la rambarde du balcon, laissant Alya seule face à l’image de l’enfant qui s’était arrêté de pleurer.

Alya sentit son cœur s’effondrer.

Cet enfant… C’était elle.

La scène se rejouait en boucle devant ses yeux, inlassablement. L’enfant pleurait. La mère, accablée par ses propres démons, disparaissait à chaque fois au-dessus du sol et des barrières de la vie authentiques et véritables. Encore et encore. Alya ne pouvait qu’observer, prisonnière de cette boucle infernale. Les larmes coulèrent le long de ses joues. Elle séchèrent automatiquement, dû à la chaleur ambiante.

Un murmure congelé siffla à son oreille. La créature se pencha vers elle et, dans un ricanement sinistre, chuchota :

« Tu as toute l’éternité pour te regarder tuer ta mère, et ressentir ce sentiment qui t’a gagné à ce moment : la paix. Je crie au matricide ! »

Alya comprit. Ce n’était pas juste un cauchemar. Ce n’était pas simplement un mauvais rêve, elle n’aurait jamais pu inventer de tels macabres affronts; vision de pure désolation. C’était son tourment. Elle était condamnée à voir cette scène, à revivre cette douleur, ce rejet silencieux qui n’avait jamais trouvé de réponse.

Elle essaya de fermer les yeux, de fuir, mais les chaînes la maintenaient fermement et ses yeux se réouvraient instantanément, machinalement. Elle ne pouvait qu’observer, prisonnière de cette boucle sans fin. Les larmes coulaient sur son visage marqué par la douleur, elles séchaient sans même avoir ruisselé sur sa joue, la gorge nouée d’une tristesse insurmontable. 

Dans ce vide sans fin, un seul mot s'échappa de ses lèvres, un cri muet qui résonna dans les flammes.

« Maman… »