Une histoire de chance, par R.Th

“Et voici qu'arrive notre nouveau concurrent. Chers amis, accueillons le en l’applaudissant bien fort.”Une nuée de claquement et de cris m’accueille alors que je franchis le pas de la porte lumineuse…




Chapitre 2: Une histoire légère , par R.Th

Allez ouvre les yeux mon grand ! C’est l’heure de se réveiller. Prends une grand bouffée d’air et… Il y a un problème. Que fais-je dans l’eau ? Il faut que je respire, le temps d’ouvrir ma coquille. Mais ? J’ai deux coquilles ? C’est quoi ce bordel ? Il faut que j’ouvre les yeux. Où sont-ils ? Je n’en ai plus. J’ai deux valves à la place et je m’y accroche. Et l’eau ne me dérange pas. J’abdique, il semblerait que je sois une palourde. Mais pourquoi ? Ca fait longtemps que j’ai arrêté la fumette.

Dans ce qui me sert de tête, dans l’immonde glaviot qui constitue mon corps, j’entends un jingle publicitaire. “Nous vous remercions d’avoir choisi renouveau express et espérons vous revoir prochainement sur nos lignes de réincarnation. L’adaptation peut prendre du temps, merci d’adresser une prière à qui vous le souhaitez pour toute réclamation. La compagnie décline toute responsabilité si la réclamation reste sans suite.”.

Donc je suis mort. Et réincarné en palourde, ce n’est pas un cauchemar. Ils auraient pu au moins m’expliquer comment ça marche, parce que niveau modèle d’éducation parentale, pardon, mais la palourde n’en mène pas large. Même un tueur en série orphelin avait reçu plus d’aide à la naissance. La loi des palourdes, c’est apparemment de se dire qu’un oeuf a déjà été assez éduqué et doit aller vivre sa vie. Les lois du travail et des mineurs elles n’en ont jamais entendu parlé. Qu’à cela ne tienne. J’apprendrai tout seul, j’ai toujours été débrouillard.

D’abord testons nos muscles. Alors, celui là, ouvre ! Celui-là ferme les valves. L’eau entre par là. Hmmm. Et j’y trouve de quoi manger. C’est bon à savoir, mais comment on bouge ?

Et si j’ouvrais et fermais rapidement mes valves. Bof ! Pas top. En crachant de l’eau ? Merde, j’ai juste fait bouger les grains de sable.  Alors quoi ? Je vais rester là jusqu'à ce qu’un crabe me mange ?

Apparemment je ne les attire pas. Je suis encore trop petit. Personne ne veut de moi. Plus qu’à me faire pêcher pour repartir vite fait dans un autre corps. Mais pour ça il faut se faire remarquer.

La marée descend. Allez venez petits humains et petits oiseaux. Mangez-moi ! Mangez-moi ! Mangez-moi ! C'est le cri de la palourde qui veut se faire becqueter.

“Un aussi petite en surface, elle doit être malade. Laisse-la.”

Non, reviens. Je te jure que j’ai bon goût pour un molard de mer. Enfin, je crois. Il y a bien des gens qui en mangent.

Zut, ils sont partis et la marée remonte. Au moins il fait chaud. Ah. Des baigneurs. Je sens dans l’eau qu’ils ramènent plein de nutriments. Surtout dans ces courants chauds azotés que les algues adorent. Ce sera suffisant pour me construire. Mais il faut que j’aille plus haut.

Attends, c’est quoi ce muscle ? J’ai un pied ! Je peux sauter. Ouiiiiiiii ! Allez go. Un saut, des nutriments, dodo pour grandir. Finalement, la vie d’une palourde c’est un peu comme celle d’un jeune adulte humain : sauter, manger, dormir…

Les mois passent mais même si je grossis et que j’apprends à me servir de mes muscles, ni les humains, ni les crabes ne veulent de moi. Alors je me déplace comme je peux en cherchant un sens à ma vie.

Quand soudain, on m'extrait du sol. Oui, ça y est, je vais mourir, encore. C’est une mouette. Bien sur ! Pourquoi n’y ai-je pas pensé avant ? Elle m’emmène dans les airs et me lâche vers les rochers pour me briser. Vas-y rocher, fais moi mal, brise moi que j'en finisse avec ce corps de palourde.

J’ai toujours eu beaucoup de chance… Quelle était la probabilité que je tombe dans le verre de bière d’un jeune qui passait par là ?

L’avetange. L’atevaj. L’avnetaj. Le point positif, c’est que je n’ai jamais été aussi euphorique. La palourde vivant dans l’eau c’est rapide de prendre une mine. Tout le monde il est beau. Et d’ailleurs je le veux. À partir de maintenant je vais arrêter de m’apitoyer sur mon sort et je vais conquérir le monde. Je deviendrai la palourde la plus puissante de la Terre, plus crainte, une sorte de Paltila le hun. Mais d’abord, il faut que je quitte le rocher sur lequel le jeune m'a envoyé. Allez ! Top départ. Une, deux ! Une, deux !

Si je compte bien, il ne m’a fallu que six mois pour quitter mon rocher. Le monde, me voilà.