Le doute s'installe, par sadnfear

Ma conversation avec Emilie fut des plus déroutantes. Après avoir mis dehors Margarette et les autres, je m’efforçai de mettre la jeune fille à l’aise. Puis je déroulai le protocole que j’avais inven…




Chapitre 7: Le début d'une piste, par sadnfear

Sarah et moi nous séparâmes après avoir convenu de nous retrouver le soir auprès d’Emilie.  L’hypothèse que j’avais avancée l’avait mise fort mal à l’aise, mais mon petit doigt me chuchotait qu’elle ne m’avait pas tout dit. Le fait qu’elle ait accepté sans réserve de mener l’enquête sur Revons m’avait paru assez suspicieux. Et pourquoi s’était-elle inscrite à une séance de rêve?

Je retournai donc dans l’immeuble et saluait mes deux hôtesses, toujours aussi souriantes. Je me sentis encore une fois enveloppé par leur regard doux et protecteur. Elles semblaient  travailler cote à cote mais je ne les avais pas encore vues discuter entre elles. Etait-ce une illusion?

Je pris l’ascenseur vers l’étage où j’avais laissé Margaret et Marla. Je les vis au détour d’un couloir en train de chuchoter entre elles. En me voyant, elles interrompirent leur discussion mystérieuse et me sourirent, avant de me poser plein de questions sur Sarah. Je ne leur dis, bien sûr, rien au sujet de notre accord ni que j’avais des soupçons et je me contentai de leur débiter des banalités qui semblaient leur suffir.   Margaret me remit un badge qui donnait un accès illimité à tous les étages, même celui de Stanley, mais pas au fameux vingtième. Le vigile veillait au grain. Sur quoi exactement, je ne le savais pas.

 Margaret s’en alla me laissant seul avec Marla. Je lui dis qu’il me fallait un endroit pour réfléchir et échafauder mes hypothèses. Il me fallait aussi accéder au dossier complet de la séance d’Emilie. Elle me proposa d’utiliser son bureau pendant qu’elle serait au laboratoire. Elle ne reviendrait qu’en fin de journée. Avant de partir, Marla avait discrètement pris ma main et avait écrit sur sa paume, au feutre, quelque chiffres. Elle me confia aussi la clé qui permet de déverrouiller son ordinateur. Un signe de confiance plus que convaincant. Où bien, cherchait-elle à me mettre dans sa poche et à éloigner toute soupçon la concernant? Ces marchands de rêve sont redoutables.

Le bureau se trouvait au Sixième étage tout au fond du couloir. Je m’installai sur la chaise confortable et me mis en face de l’ordinateur. J’ouvris le dossier de la famille Watson ou ce qui semblait l’être.  Je parcourut les paramètres client et ne décelai, à ma grande déception, aucune anomalie. C’était bien Emilie qui était enregistrée avec toutes ses caractéristiques personnelles. Le personnel avait bien tout reparamétré après l’appel de Sarah, mais quand? Avant la séance ou après pour effacer les indices. Le suivi des modifications n’était pas horodaté, malheureusement. Etrangement plutôt.

Toujours convaincu de tenir quelque chose, je continuai à éplucher les enregistrements de la séance. Les tracés de l’activité cérébrale de la petite ne montraient rien qui puisse susciter la curiosité. Les courbes décrivaient le déroulement ordinaire d’un rêve des plus paisibles. J’allais fermer le dernier fichier quand quelque chose attira mon attention. Regardant de plus près l’axe des ordonnées, je constatai que les courbes étaient écrêtées. C’est une vieille astuce utilisée passez souvent dans les rapports, les articles, la presse ou en bourse pour faire dire aux chiffres autre choses que ce qu’ils représentent réellement. Ne pas commencer un axe depuis le zéro, permettrait sans « mentir » d’accentuer une courbe par exemple. D’autant plus que le cerveau ne s’intéresse qu’aux évolutions relatives dans la courbe et n’est pas nécessairement intéressé par la position par rapport au zéro.  En réinitialisant les graphiques en modifiant les caractéristiques des axes, je pus découvrir un point minimum beaucoup plus bas que la moyenne, une singularité, caractéristique d’une action brève, profonde et ciblée qui échapperait à la vigilance du cerveau, surtout lors d’un rêve quand tout tourne à grande vitesse. 

Serait-ce une incrustation subliminale? Ça ne se faisait plus depuis des décennies! D’ailleurs, le pouvoir d’une telle technique n’avait jamais été prouvé scientifiquement, parole d’expert. En plus, c’était complément illégal. Des lois promulguées plusieurs décennies auparavant, l’interdisaient. Quelqu'un avait-il amélioré la technique? Fort probable. Le pouvoir de cet anti-casque pourrait-être beaucoup plus puissant que ce je pensais. 

L’intervention se serait passée exactement à la minute vingt-deux de la phase de sommeil paradoxal. Pourquoi ce chiffre m’est-il familier? Je regardai la paume de ma main  et je sursautai aussitôt. C’était ce qu’avait griffonné Marla tout à l’heure. Voulait-elle me donner un indice? Si ça avait été le cas, pourquoi ne me l’avait-elle pas dit directement? Apparemment, elle savait beaucoup de choses. Peut-être avait-elle découvert la manipulation cérébrale comme moi? Après tout, elle semblait super douée. Avait-elle peur ou était elle méfiante comme moi. Mystère. Il fallait que je lui parle, mais à l’abri des regards.

Alors que j’étais en plein dans mes réflexions, un appel vidéo apparut sur l’écran de l’ordinateur. Il venait d’Eliot.