Bakkaçabl, par Wargen

Je visais la pyramide de bille devant moi, imprimant quelques mouvements d'aller-retour, avant de me décider à lâcher mon projectile.   Zut !   Ma bille manqua …




Chapitre 3: Convocation, par Wargen

-Madame Ben Greisset, savez-vous pourquoi je vous ai convoquée ?
 
La directrice d'école regardait la maman assise devant elle. Cette dernière semblait nerveuse, les yeux baissés, et tripotait un paquet de cigarette. Elle voulut en prendre une et se ravisa au « Tt tt » de la directrice d'école.
 
-J'imagine que c'est encore à cause de Leto.
 
La directrice d'école la fixait de ces yeux inquisiteurs, et approuva d'un « hum » grave qui laissait sous-tendre une pointe d'exaspération.
 
-Et... qu'est-ce qu'il a fait, cette fois ?
 
Son interlocutrice laissa passer quelques secondes pendant lesquelles seul le bruit de l'horloge mécanique résonna.
 
-Rien.
 
La mère leva les yeux, soulagé mais circonspecte.
 
-Rien, mais il ne me semble pas déraisonnable de dire qu'il a été à l'origine de tout ce qui s'est passé aujourd'hui.
 
-C'est à dire ?
 
La directrice inspira un grand coup, et fit le décompte sur ces doigts :
 
-J'ai quatre enfants à l’hôpital, deux qui ont reçus du sable et un bout de bois dans un œil, une qui s'est cognée la tête par terre et a perdu connaissance après s'être fait percuter violemment, et son agresseur qui s'est fait rouer de coups de pied par une bande de dix CM2 enragés. J'ai cinq de ces dix CM2 qui ont du se faire soigner à l'infirmerie de l'école à cause de jets de cailloux. Le tireur était très doué. On a assisté à une bataille rangé de jets de billes et de calots, qui s'est heureusement terminé par seulement trois gamins et un instituteur à l'infirmerie et cinq impacts sur deux vitres. Une de mes institutrice a failli s'étouffer en avalant sa cigarette alors qu'elle cherchait à séparer deux de ces élèves qui se crêpaient le chignon en hurlant comme des poissonnières. Ce qui a d'ailleurs occasionné la venue de la police car un passant dans la rue à cru à une agression. Enfin, cru... c'en était une, mais pas comme il le pensait. Et pour couronner le tout, j'ai un gamin qui s'est enfuit pour échapper au reste de la bande de CM2 qui le poursuivait, et que l'on ne retrouve plus. Et je ne vous liste là que le plus grave, je passe sous silence les petits bobos et égratignures, les échanges verbaux normalement non tolérés ici et les pleurs en tout genre qui ont fait perdre une demi après-midi de classe à l'ensemble de l'école.
 
-Et... c'est grave, tout ça ?
 
-Au mieux, je risque ma place. Au pire, je finis en prison.
 
D'une main tremblante, la maman ouvrit le paquet de cigarette. La main précise et rapide de la directrice de l'école plongea dans le paquet pour un piquer une, qu'elle s'alluma avec un briquet apparu comme par magie. Elle alluma la cigarette de Mme Ben Greisset et les deux femmes aspirèrent un grand coup dans le silence.
 
-Et Leto, dans tout ça ?
 
La directrice la regarda d'un air insondable :
 
-Je vous rassure, il n'a rien. Il est resté paisible, petit enfant sage et innocent, assis dans son bac à sable, pendant tout ce déchaînement de violence. Il ne lui est rien arrivé. Tout bougeait, hurlait, sautait, lançait, s'agitait autour de lui, et il restait là à se délecter en silence de tout ce spectacle.
 
Les larmes montaient aux yeux de la maman :
 
-Mais... il y a un mais ?
 
La directrice tira un coup sur sa cigarette, et souffla la fumée par le nez :
 
-Vous savez très bien qu'il est à l'origine de tout ça.
 
La mère se mis à sangloter doucement :
 
-Je... je sais bien ! Mais... » sa voix se brisa, tandis que les sanglots coulaient maintenant à flots « ...je n'y arrive pas. Je n'y arrive pas avec ce... gamin.
 
-Je... » la directrice semblait mal à l'aise devant la tournure de la situation.
 
-Sa grande sœur, elle, elle est très bien, très serviable, très gentille. Son petit frère aussi. Il est poli, il est calme. Alors que lui... il a... il a quelque chose qui ne va pas. Je ne sais pas si c'est dans sa tête. Vous savez ? Comme si... vous savez... non, vous ne savez pas. Comme s'il était... il n'était pas... casher ? Comme s'il était trief ?
 
-Je...
 
La mère semblait maintenant lancée, les coudes sur la table et la tête dans ses mains :
 
-Avec sa petit bouille d'ange, on lui pardonnerait tout. Et il nous sourit, et on oublie tout. Il nous parle, il nous dit plein de chose, des choses belles. On a envie de lui faire des câlins. Puis il dit des choses moins belles. On le gronde, mais il fait sa petite bouille triste et on a peur d'avoir dit quelque chose qu'il ne fallait pas. Alors on redevient gentil. Et il en profite. Il dit d'autres choses. Et il nous fait croire des choses. Et on a envie d'y croire. Et... Et... Je... je ne sais pas. Je ne sais plus ce qu'il faut faire. Plus ce qu'il faut dire. Je ne sais pas quoi faire avec ce gamin...
 
Le flot s'étant interrompu, la directrice tenta de reprendre le contact :
 
-Et... monsieur ?
 
La mère releva la tête, les yeux rouges mais avec un air vindicatif. Elle cracha :
 
-Monsieur ! Qu'est ce que vous voulez que je fasse de son père ! Il n'est jamais là. Toujours en déplacement. Un coup à Israël, un coup aux États-Unis, puis en Russie. Il ne rentre que pour dire Shalom, me rappeler qu'il est mon mari, ce qu'il doit d'ailleurs faire ailleurs avec d'autres femmes qui ne sont pas sa femme, si vous voulez mon avis, avant de redécoller pour les « affaires ». C'est à peine s'il connaît ses enfants. Alors les éduquer ? Ce serait... ce serait...
 
Ne trouvant pas les mots, elle ralluma sa cigarette et inspira une bouffée, la tête ailleurs. La directrice hasarda :
 
-Madame Ben Greisset, et si jamais...
 
Elle laissa la phrase en suspens, espérant par là capter l'attention de son interlocutrice. Ce qui fonctionna :
 
-Oui, madame Corrino?
 
Madame Corrino termina sa cigarette, écrasa le mégot sur sa semelle et le lança dans sa poubelle.
 
-J'ai entendu parler d'un institut privé élitiste avec une formation scolaire très fortement axée sur les arts.
 
Madame Ben Greisset renifla :
 
-C'est bien, et alors ?
 
-C'est assez cher, pour ne pas dire très cher, mais je ne pense pas que ce soit un problème pour vous.
 
-Je ne vois toujours pas où vous voulez en venir.
 
-Leto est ce qu'il est. Mais il déborde, pour son âge, d'une pulsion créatrice immense. S'il a réussit à déclencher tout ce qui s'est passé aujourd'hui à l'école, c'est qu'il a un don pour créer des histoire, et entraîner les gens avec lui. Madame Ben Greisset, votre fils pourrait devenir un écrivain très talentueux s'il arrivait à conserver cette faculté de création, et à se canaliser. Et je pense que cet institut pourrait lui apporter cela.
 
-Vous pensez que ça pourrait le canaliser ?
 
-Oui, je le pense. Et sachez que l'institut se trouve très loin de la capitale.
 
Madame Ben Greisset lui lança un regard interrogateur.
 
-Et qu'ils s'occupent de tout là-bas pour les élèves. Nourris, logés, blanchis. Vous n'aurez plus à vous soucier de rien, vous récupérez vote fils pour les vacances scolaires, et vous soufflez entre temps.
 
Le regard interrogateur changea pour un regard intéressé.
 
-Et Leto peut intégrer l'institut dès à présent, vous n'êtes pas obligés d'attendre la fin de l'année scolaire.
 
Le regard intéressé devint convaincu, et un sourire apparut sur le visage de Madame Ben Greisset.




L'institut, par Bat.Jacl

Leto découvrit une pièce inconnue dont l'architecture saisissante lui coupait le souffle. Les arches élégantes se rejoignaient pour former un plafond orné de motifs…