Défi : Les Nouveaux Dieux Postulat de départ : Un dieu ne peut vivre qu’au travers des croyances de ses fidèles. Or la population est soit deven…
Les mains d'Eric tremblaient dans les poches de son long manteau noir. Sa vue était brouillée derrière ses lunettes sombres, elles-mêmes à moitié dissimulées par son chapeau que la pluie battait.
De loin, il observait, seul, la foule d'une vingtaine de personnes éplorées se recueillant autour d'un cercueil au-dessus duquel un prêtre murmurait les dernières prières. L'envie de les rejoindre, de les épauler dans cette épreuve, était l'une des choses les plus difficiles à laquelle il ait dû résister. N'être qu'un spectateur incapable de réconforter (d'être réconforté) était plus douloureux qu'un brasier le dévorant vivant.
Lorsque le cercueil contenant la regrettée (sa chair, son sang, sa précieuse petite-fille) disparut sous terre, il vacilla. Un bras solide l'attrapa avant que ses jambes tremblantes ne se dérobent sous son poids et l'aidèrent à demeurer debout.
Lorsque la terre commença à recouvrir sa descendante, une plainte qu'il ne sut retenir s'échappa de sa bouche. Heureusement, il était trop loin pour être entendu. Les doigts de son compagnon se resserrèrent doucement sur son épaule (chauds et puissants, mais d'une délicatesse inégalée).
Après ce qui parut être une éternité à Eric, les proches de la disparue partirent, en larmes, égarés, s'échangeant dans un souffle autant de courage qu'il était possible de trouver à cet instant. Ce n'est qu'un fois certain qu'il était seul qu'Eric osa approcher la tombe.
Une fois devant celle-ci, il agrippa la main de son compagnon d'une main. Il demeura longtemps sans bouger ni prononcer le moindre mot, à fixer la pierre tombale qui achevait de rendre réel ce qu'il pensait (espérait) n'être qu'un horrible, terrible cauchemar.
- Elle était la dernière, murmura-t-il enfin.
Sa voix porta à peine au-dessus du vent, pourtant, il fut entendu.
- Je suis seul, maintenant...
- Moi, je suis là.
- Pour combien de temps encore ?
Alors seulement il se tourna vers lui, croisant ses yeux d'un bleu aussi pur qu'un beau ciel d'été et aussi doux que ceux d'un fils aimant envers un père. Cette tendresse qu'Eric discerna sans mal l'apaisa. Un petit peu. Malgré la honte, tous les doutes qui l'assaillaient depuis la mort de son fils aîné (courbé, ridé, épuisé) lui échappèrent :
- Je suis le successeur de la protectrice des foyers et des familles. De la déesse qui liait ses frères et soeurs et toute l'Olympe ensemble. Et pourtant, je ne peux pas garder ma propre famille auprès de moi. Toi aussi tu vas disparaître, un jour.
Quelques mèches de cheveux dorés sortirent de la capuche du jeune homme et tombèrent devant son front lorsqu'il baissa la tête.
- Je suis désolé, souffla-t-il. Je ne veux pas rassembler les domaines d'Apollon.
- Je sais. Et je le respecte.
- J'aimerai pouvoir vivre éternellement avec toi. Vraiment. Mais rappelle-toi que nous ne sommes pas les seuls. Tu as déjà trouvé Poséidon !
Un rire amer secoua les épaules d'Eric.
- Je ne pense pas pouvoir faire grand chose avec cette bourrique. Je suis certain que, même après dix éternités, elle tentera toujours de me botter le train à coup de sabots à chacune de nos rencontres.
- C'est sa façon de montrer son amour.
Ils parvinrent à glousser faiblement.
- Tu en trouveras d'autres, souffla ensuite Fabian. Je le sais. Tu verras.
Oui. Après tout, Eric avait l'éternité pour retrouver les héritiers des dieux. Et, qui sait ? Peut-être rencontrera-t-il un jour un jeune immortel aux yeux pétillants qui fera vivre l'âme de Fabian chaque fois qu'il bandera son arc.
La pluie se mit à tomber en douceur, créant une mélodie mélancolique alors qu'Eric et Fabian restaient près de la tombe. Le désespoir était leur compagnon, lourd et pesant. Eric fixait la pierre tomb…