Le long manteau rouge, par Lyn

Une vieille dame kidnappe deux enfants dans un espace public (centre-ville, rurale, il y a du monde, peut-être que la mère a vu mais la foule l’a empêchée de se déplacer ?).Sans transition, on est da…




Chapitre 2: II Petite initiée, par GinCor

Elle avait marché et marché, les yeux bandés. C'était ce que la mamie leur avait demandé de faire et le jeu en était devenu de plus en plus amusant. 


Maxime touillait la surface de son bol, faisant danser à leur tour les céréales colorées.


Elle avait dansé, cette nuit, dans son rêve. Une danse guidée par la mamie qui lui promettait de pouvoir faire, un jour, des choses merveilleuses. 


Au départ, elles étaient trois à se promener dans la maison de la vieille dame. Une d'elles avait décidé de partir, affirmant que ce qu'elles faisaient était inutile, insensé. 


Maxime, elle, y avait cru. Tout comme son autre amie qu'elle ne connaissait pas. Elle l'avait prise par la main pour tourner en rond, toujours aveugle, et elles avaient virevolté ensemble, des minutes entières.


Dehors, le soleil éclaboussait la pelouse et les arbustes du jardin. Les plus grands attendaient le bus sur le trottoir d'en face. Maxime était encore trop jeune pour les accompagner. Elle n'avait que dix ans et était toujours en école primaire. Elle allait donc à pied à l'école, au bout de la rue.


Sa mère la pria de cesser de jouer avec sa cuillère et lui demanda de finir son bol. 


Après quoi, elle lui tendit son sac à dos et lui ouvrit la porte de la maison. 


-- Passe une belle journée, ma puce et ne traîne pas après les cours, nous avons rendez-vous, dit-elle en caressant ses cheveux lisses d'une main protectrice.


-- Oui maman. 


Sa mère la regarda sortir et l'observa avec bienveillance.


-- Bonne journée, Maxime. 


Maxime, les mains serrées sur les sangles de son sac, se tourna vers le jardinier. 


Une pointe de curiosité se fraya un chemin, quelque part entre ses côtes, et elle s'approcha de lui. Elle se souvenait de sa voix, de son accent roucoulant.


Il était en salopette, une longue cisaille à haie dans les bras. 


-- Sylvain ? Vous étiez dans mon rêve ? 


L'homme eut un rire tranquille et s'accroupit vers elle, posant la pointe de son outil sur le gazon. 


-- Et je taillais des fleurs ? Dans ton rêve ? 


Il avait un sourire franc scotché aux lèvres. 


-- Non, vous étiez avec la grand-mère, celle qui veut nous donner des pouvoirs. J'étais avec l'autre petite fille. Nous dansions à toute vitesse. Vous avez tenu mes épaules pour que je reste debout, tout à la fin. J'avais le tournis.


Le sourire du jardinier restait là. Il ne s'effaçait pas, mais restait parfaitement figé.


Il ne répondit pas pendant un moment. Puis, il se pencha vers elle.


-- Tu parles de la sorcière ? 


-- Ce n'est pas une sorcière, elle est gentille. Elle nous a dit que l'on aurait des pouvoirs, de la force et que l'on ferait tout ce que l'on voudrait.


Il regarda ailleurs, puis arracha un brin d'herbe qu'il tendit à la fillette. Maxime le prit, tira dessus sans que l'homme se décide à le lâcher. 


Le végétal changea de couleur avant de noircir d'un bout à l'autre de la tige. 


-- C'est vous qui avez fait ça ? demanda-t-elle. 


-- Oui, assura-t-il. 


-- Comment ? 


-- La dame de ton rêve m'a donné des pouvoirs. 


-- Elle m'en donnera aussi si je la retrouve ? Dans mon rêve ? 


L'homme sembla regarder vers la porte d'entrée, derrière Maxime. 


Il se frotta les mains et détruisit le brin d'herbe mort.


-- Il faut que tu fasses plusieurs choses. Il faut que tu penses souvent à la vieille dame, à sa promesse. Il faut aussi que tu dormes l'esprit ouvert. Je ne peux pas te donner des pouvoirs, mais, si tu les veux absolument, elle finira par te les donner. Tu dois suivre ses indications. C'est ce que tu as fait cette nuit, en dansant, en t'abandonnant à ses directives. C'était son premier vœu. Si tu en accomplis trois, elle te fera un cadeau.


Le visage émerveillé, la petite fille trépignait sur place. 


Elle sautilla, remercia le jardinier et fit un large signe de main à sa mère qui la regardait, la mine radieuse. 


-- Au revoir ! fit-elle en passant le portail.


***


Madame Beaujerais s'avança à son tour sur le chemin pavé du jardin, en chausson, pour rallier la boîte aux lettres. 


Le jardinier regardait toujours la rue, surveillant l'enfant jusqu'à ce qu'elle disparaisse à l'angle. 


-- Je me demande ce qu'elle a bien pu vous raconter. Ce n'est pas son genre d'être aussi bavarde de bon matin. 


L'homme lui rendit sa bonne humeur en chassant sa remarque d'une main paresseuse. 


-- Les enfants ! annonça-t-il joyeusement. Une histoire incroyable. Elle m'a raconté qu'elle avait des superpouvoirs dans ses rêves. Cela me plairait bien de faire des rêves comme ça, plutôt que des rêves dans lesquels quelqu'un coupe mes lys à chaque fois que je les plante. 


La mère hocha la tête, faussement dépitée et toujours souriante, avant de retourner à l'intérieur. 


Sylvain, lui, laissa ses lèvres retomber, petit à petit. 


Il posa les yeux sur une des maisons voisines, celle devant laquelle était planté un épouvantail. Il se concentra sur les fenêtres jusqu'à discerner une ombre, encastrée entre les rideaux. 


Il la fixa, sans bouger, avec insistance. 


La silhouette recula dans son antre sans répondre à sa question silencieuse, confirmant tous ses doutes.