L’élève , par Paillette

Elle se réveille. Depuis combien de temps est-elle inconsciente ? Armenn entrouvre ses yeux. Toutsemble brumeux, la jeune femme ne distingue qu’un grand arbre florissant. Il est superbe,…




Chapitre 3: L'homme, par Coeurfracassé

Un jour, alors que la Guide s’affaire près de son propre Arbre, Armenn décide de gravir le sien, et parvient à poser sa paume sur la branche la plus haute. Son cœur s’affole, ses muscles se tendent. Elle laisse échapper un cri, tente de retirer sa main, mais celle-ci reste aimantée au rameau. Les mésanges ont arrêté de piailler.


Armenn a pénétré dans l’inconscient d’un homme.


Un homme qu’elle ne voulait jamais revoir.


L’homme qui l’a menée à se jeter de la fenêtre.


Aussitôt cette pensée formulée, l’instinct vengeur qu’elle a enfoui reprend ses droits. Oubliés, les avertissements de sa Guide. Armenn a accès à l’inconscient de l’homme et elle compte bien en profiter. Le tuer comme il l’a fait. Sans aucun scrupule.


La jeune femme conserve son lien avec l’homme et cherche au tréfond de son âme ce qui pourra l’ébranler. Non, pas simplement l’ébranler. Le choquer au point qu’il ne désire même plus vivre. La Henna prend la forme d’une falaise, si haute qu’Armenn n’en voit pas la fin. La roche rassemble des teintes ocre et grise, ponctuées çà et là de taches rouges. Un rouge identique à celui du sang humain. La chute est à pic. Armenn rompt le contact avec son Arbre mais garde le contrôle de la Henna dans l’esprit de l’homme. Elle veut se venger personnellement.


La jeune femme pénètre dans son rêve. A ses côtés, à la lisière de la falaise, se trouve l’homme. Il observe les alentours, captivé, lorsque son regard tombe sur Armenn. Aussitôt, son visage change de couleur jusqu’à devenir de marbre. La jeune femme, euphorique, esquisse un sourire diabolique. La vengeance est un plat qui se mange froid.


Armenn s’approche lentement de son bourreau. Elle savoure chaque instant de terreur intense qu’elle décèle dans les yeux de l’homme. Chaque pas la rapproche un peu plus de lui. Bientôt, la jeune femme peut frôler son épaule. Ses lèvres s’étirent pour former un rictus carnassier. Armenn lui adresse un clin d’œil avant de le pousser dans le vide de la Henna.


-          Armeeeeeeeeenn !!!


Son cri se perd dans sa chute. Le contact est brutalement rompu ; elle sait instinctivement que l’homme s’est réveillé en sursaut, ruisselant de sueur.


–  


Il soulève Kélio et le traîne vers la fenêtre, puis le pose sur le rebord, la tête dans le vide.


-          Quelle belle fenêtre, tu ne trouves pas ? demande-t-il.


-          Remonte-moi, s’il te plaît.


Malgré sa politesse, et surtout l’effort qu’elle lui a demandé, la réponse est sans appel :


-          Je crois pas, non.


L’homme le pousse encore plus dans le vide ; Kélio n’est maintenu plus que par ses pieds.


-          Maintenant ton heure a sonné ! Voilà pourquoi il ne faut pas me chercher !


Sur ces paroles, l’assassin le lâche dans le vide.  


–  


-          Armenn ! entend-elle d’un ton furieux. Que faisais-tu, dévergoigneuse ! Qu’as-tu fait ? Cet homme... Tu as manqué à tes devoirs de Gardienne ! Je te faisais confiance ! Tu as tout ruiné. Tout ! Comprends-tu seulement ce que ça signifie ? Cet homme sera changé à jamais.


-          Il ne se souviendra même pas de ce rêve. Et puis combien de personnes sur Terre font des cauchemars ? Et pourtant, ce n’est pas la fin du monde !!! riposte Armenn, dont la fureur monte en flèche.


-          C’est le subconscient de l’homme qui sera changé à jamais. Et un surplus de mauvais rêves peut causer une dépression chronique. Et tous les autres Gardiens qui ont expérimenté ce manque au règlement ont tous - je dis bien tous - disparu. Dans ce monde de l’inconscient, Armenn, chaque erreur est sévèrement punie. Car nous n’y avons pas droit.


-          Et comment s’y prend-on pour tuer des êtres immortels, exactement ?


Aslinn hésite avant de répondre, mais est finalement emportée par sa colère.


-          La Henna !!! C’est autant un moyen de répandre le bien qu’une arme redoutable ! Cette brume peut te tuer de bien des façons, si ton assassin possède assez d’imagination ! Il faut juste la manip...


La Guide s’arrête brusquement de parler mais il est déjà trop tard. Elle comprend sa destinée avant même qu’Armenn la choisisse. Aslinn voit la Henna onduler et se transformer ; un corps vaporeux apparaît alors. Sa chair se disloque en lambeaux, se confondant avec les pans de sa tunique. Deux jambes squelettiques en ressortent, pourtant ses pieds n’effleurent pas le sol. Des pinces cadavériques remplacent ses bras, et cette créature des ténèbres observe son environnement de ses deux têtes triangulaires. Une aura maléfique se dégage d’elle, et Armenn voit sa Guide reculer d’un pas.


La terreur se peint sur son visage, et Aslinn recule pas après pas. La bête se recroqueville sur elle-même, prête à attaquer. Un bouclier de Henna apparaît entre ses mains peu avant que le monstre n’attaque. Un combat silencieux s’ensuit. L’armure dont Aslinn s’est entourée encaisse les coups et se reforme immédiatement, pourtant la jeune fille remarque peu à peu que sa Guide faiblit.


-          Tu ne pourras jamais me vaincre, Armenn ! Tu ne possèdes pas assez d’expérience !


La jeune Gardienne ne prête pas attention à ces paroles et se concentre. Toute la rage, la rancœur qu’elle a enfouies lors de son arrivée dans ce monde ressurgissent, décuplées. La créature gagne en puissance, alimentée par Armenn, et prend le dessus sur sa Guide. Aussitôt, les lambeaux de tunique s’enroulent autour de sa gorge et l’enserrent. Aslinn devient alors transparente ; son regard se voile. Quelques instants avant de disparaître complètement, la Guide chuchote :


-          J’étais comme toi, Armenn. Je suis désolée de ne pas t’avoir sauvée. Mais « Il y a le possible, cette fenêtre du rêve ouverte sur le réel. », a dit Victor Hugo.


Puis Aslinn s’évapore comme si elle n’avait jamais existé.


Armenn reprend alors contact avec la réalité. Avec l’horreur qu’elle vient d’accomplir. La Gardienne a tué sa Guide. Sans même s’en rendre compte. Guidée par sa colère incontrôlable, la jeune femme a créé un monstre à deux têtes à l’aide de la Henna. Cette brume qu’elle a su maîtriser mieux que sa professeure. Armenn ignorait qu’elle est capable de tant de cruauté. Qu’elle peut ôter la vie de quelqu’un sans remord.


Pourtant la jeune femme regrette amèrement son geste. Emportée par ses sentiments fougueux, elle a supprimé l’âme d’une innocente… A cause d’une seule personne ; cet homme qui l’a violée à de nombreuses reprises. Le revoir une seule fois et tout son équilibre vole en éclats.


Des larmes brûlantes ruissellent sur ses joues. A travers ses larmes, Armenn aperçoit son Arbre argenté, et, à ses côtés, une silhouette floue recroquevillée sur elle-même.


–  


Le cri de Kélio se perd dans la nuit. Il ferme les yeux et pense aux bons moments passés avec sa mère, ainsi qu’à toutes les choses qu’il aurait dû lui dire.


Il se prépare à sentir le sol.


Un grand frisson traverse tout son corps, puis plus rien.


-          Voilà ce qu’est la mort ? pense-t-il.


Puis Kélio ouvre les yeux et voit une femme à genoux qui pleure à côté d’un arbre, un bel arbre aux feuilles argentées. Cependant, des feuilles commencent à tomber à son pied. Le brouillard tout autour lui fait tourner la tête et Kélio s’évanouit.


–  


Un mouvement rappelle l’existence de la silhouette à Armenn. Celle-ci s’approche et son regard vitreux se pose sur un jeune homme d’une vingtaine d’années.


-       Où suis-je ? marmonne-t-il.


Ses yeux se posent sur une splendide femme qui lui souffle :


-       Dans un cauchemar.


Sous le choc, Kélio se lève trop vite et vacille ; des points noirs dansent devant lui. Des mains moites le soutiennent et l’allongent contre un corps chaud. Cette étreinte lui rappelle la sécurité des bras de sa mère, pourtant des gouttes d’eau salée viennent s’écraser sur son front.


Malgré ses sanglots, elle sent une brûlure sur son poignet. Sa main vient se nicher sur la source de la douleur.


Kélio perçoit un mouvement dans son dos, relève la tête et remarque dans son regard un éclat de douleur.


-       Tout va bien ?


-       Oui, oui, dit-elle, la voix tremblante.


Kélio tourne la tête et son regard se pose sur l’arbre duquel tombent une dizaine de feuilles argentées. Celles-ci viennent compléter le tapis qui s’est formé au pied du tronc.


-       Quel est cet arbre ? demande-t-il en se détachant d’Armenn.


La jeune femme se remet debout et enjoint à Kélio de faire de même. Etrangement, celui-ci lui rappelle un jeune homme dont elle avait créé le rêve.


-       C’est toi. Le reflet de tes émotions. Enfin, c’est nous. Notre Arbre.


-       Je comprends pas. Ça n’a pas de sens.


-       Tu saisiras un jour. J’ai pris du temps aussi.


La situation échappe entièrement à Kélio. Tout est flou, comme tout ce qui l’entoure. Pourtant une chose reste claire : il faut absolument qu’il parvienne à rentrer chez lui.


-       Et comment on rentre chez soi ?


-       Le seul moyen de sortir d’ici est de devenir Guide et de former un Gardien.


Armenn lui explique alors tout ce qu’Aslinn lui a enseigné avant que son élève ne rencontre l’homme dans un rêve. Elle omet toutefois que la mort reste la seule porte de sortie.


-       Donc attends… Nous sommes dans un monde inconscient où des Gardiens créent les rêves des humains grâce à la brume…


-       La Henna, le coupe-t-elle machinalement.


-       Grâce à la Henna. Je dois devenir Guide pour rentrer chez moi. Mais si l’Arbre nous reflète, pourquoi perd-il des feuilles ?


Son regard assassin lui transperce l’âme et un frisson parcourt tout son corps. Visiblement furieuse, Armenn tourne les talons, tandis que Kélio l’observe s’éloigner. Etonné, il se hâte pour la rattraper. Une feuille morte lui tombe sur la tête. Cet Arbre ne peut être vivant, alors pourquoi dépérit-il ? Cette question demeure encore sans réponse.


Par quoi faut-il commencer ? Comment endosser cette responsabilité sans Aslinn ? Et comment être sûre que son élève ne se retournera pas contre elle ? Tellement d’incertitudes et de doutes… Et même si la Guide a pénétré l’inconscient de Kélio, elle ne le connaît pas réellement.


-       A ton tour.




Le nouveau chemin, par Paillette

Kélio apprend vite, motivé par cette promesse de revoir sa mère. La Henna devient de plus en plusmalléable au creux de sa main. Cela ressemble à une valse mêl…