Chapitre 1: Ruée vers l'or, par Lyn

— Un « dragon », mais bien sûr.

— Écoute ma chérie, je vais venir chez toi et tout t’expliquer. Ne le quitte pas des yeux. Tu peux toujours l’aider à nettoyer du surplus de fluide qui l’empêche de déployer correctement ses ailes. Un peu comme le ferait sa mère.

— Hein ?

— Laisse-moi une heure et n’hésite pas à rappeler au moindre problème.

— Mam… !

Bip. Bip. Bip.

Raccroché.

La jeune femme soupira et s’accroupit malaisément pour constater que le regard jaune de la créature brillait toujours dans l’obscurité et la poussière, immobile.

Elle attendit.

Un.

Deux.

Trois.

…

Dix.

Elle voulait bien ne pas le quitter les yeux sauf qu’il avait l’air peu disposé à se montrer et elle ne s’imaginait pas le faire sortir de force. Quand bien même Morty pouvait s’avérer être une arme de destruction massive, en insistant bien sur le massive au vu de ses cinq kilos tout ronds, dans ses accès de folie furieuse, il ne pouvait, en aucun cas, risquer de lui cramer la tronche.

— Hé… Tu ne veux pas sortir ?

Difficile de savoir s’il était bien là-dessus, un peu comme les lézards se cachant naturellement sous les pierres ou dans les petits interstices des murailles.

— Ou alors t’as peur ?

Elle doutait fortement qu’il soit fréquent que de petits dragons viennent au monde dans des quarante mètres carrés accueillis par une maman humaine et un papa chat. Quoiqu’à la reflexion, aucun être vivant ne pouvait se préparer à son lieu de naissance.

Peut-être pourrait-elle l’appâter et gagner sa confiance avec de la nourriture ? D’accord, mais quoi ? Elle doutait que les croquettes de Morty fassent l’affaire… elle allait lancer une recherche Google pour se renseigner sur le régime alimentaire des reptiles, quand une fulgurance lui traversa l’esprit. Il lui semblait que dans les livres qu’elle lisait, plus jeune, il y avait souvent mention de dragons gardiens de fabuleux trésors, endormis sur des tas d’or…

Forte de cette première intuition, elle s’en alla chercher son porte-monnaie. Elle doutait qu’il y ait vraiment de l’or, mais un nouveau-né ne ferait peut-être pas la différence.

— Petit, petit, petit… viens voir les jolies pièces…

Ni sa main tendue, ni le cliquetis des pièces ne sembla l’intéresser, alors elle abandonna l’idée.

Le temps qu’elle range sa monnaie, c’était son portable qui avait disparu, tout juste si elle put le voir être emporté sous la bibliothèque avant d’être happé par l’obscurité.

— Ah non, tu me rends ça !

Aplatie au sol, Amelia tenta de glisser son bras sous le meuble pour récupérer l'appareil, au lieu de ça, ses doigts frôlèrent la peau chaude, écailleuse et poisseuse du nouveau-né. Un sursaut de dégoût saisit la jeune femme qui se cogna dans un petit « aïe » avant de se relever.

— Allez rends-le-moi, il n’y a rien de bon pour toi, et moi j’en ai besoin…

Encore que, sans connaître les détails, elle avait déjà entendu parler de magasins extrayant les matériaux précieux contenus dans les smartphones pour en faire des bijoux. Donc il devait probablement y avoir de l’or. Sans doute avait-il remarqué qu’elle avait tendance à prendre et déposer son téléphone et avait décelé un moment d’inattention pour s’en emparer.

— Tu ne vas pas le manger, hein ?

Elle se pencha à nouveau. Cette fois, elle ne voyait plus les yeux jaunes. Autrement dit, soit ses paupières étaient closes, soit il lui faisait dos ; il n’était plus aux aguets. Aucun bruit ne laissait sous-entendre qu’il décortiquait l’appareil. La lumière de l’écran allumé filtrait à peine car il semblerait que la jeune créature se soit allongée dessus, enroulée sur elle-même.

Amelia avait donc le loisir de s’asseoir ici, le temps qu’il daigne sortir de lui-même ou que sa grand-mère n’arrive.

Sauf que Morty n’était disposé à tolérer aucune de ces options tant qu’il n’aurait pas mangé.

— Oui, oui, soupira Amelia alors que le chat se vengeait sur la porte adjacente à la cuisine.

Elle quitta leur nouveau colocataire, à regret.

Une fois sa féline Majesté dûment nourrie, la jeune fille concéda qu’elle n’était plus à quelques secondes près, qu’elle n’entendait aucun signe de mouvement et que, bien qu’elle n’ait absolument pas faim, il fallait qu’elle boive au moins. Dans l’idéal de l’eau, beaucoup d’eau lui disait-on, après une soirée arrosée. De l’eau d’accord, mais après un café. Aucune journée ne valait la peine d’être vécue si elle ne commençait pas par un café.

Tactactactac.

De griffes sur le plancher.

Tactactactac.

Un rythme beaucoup trop soutenu pour la démarche pataude de Morty qui, de toute façon, était trop occupé à s’empiffrer.

Tac tac tac.

Tac.

Tac.

— Oh… Tu t’es décidé à sortir… !