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Je m’appelle Clémentine. J’ai 28 ans depuis bientôt trois ans, mais je le vis bien. Je suis célibataire, sans attaches, sans contraintes, mis à part un poisson rouge qui répond, quand ça lui chante, au nom de Bubulle. Oui, je sais, ce n’est pas très original. Bubulle est sympa. Il n’est pas très ennuyeux et est capable de rester tranquillement à faire des ronds dans son bassin chaque fois que je pars en week-end. Je crois que ça doit être le troisième, ou peut-être même le quatrième Bubulle depuis que j’ai emménagé dans cet appartement, rue Mercière, le dernier 29 février, soit il y a trois ans, presque quatre. Le premier est mort parce que j’ai bêtement vaporisé du produit anti-fourmis au-dessus de son bocal. Dix minutes plus tard, il faisait du surplace de profil… Le deuxième est décédé dans des circonstances indéterminées, mais je soupçonne ma mère d’avoir remis de l’eau chaude après avoir nettoyé l’aquarium. Mais sans preuve, je ne peux rien dire de plus… Je les ai enterrés l’un après l’autre, dans une petite boîte d’allumettes, dans le massif d’hortensias de Mme Violette, la concierge.
Je suis réceptionniste dans une concession automobile. J’accueille les clients avec un immense sourire, leur demande pourquoi ils sont là, leur propose d’aller se servir un café (Nespresso, what else ?) et de s’installer dans le salon visiteurs, pendant que je préviens leur interlocuteur. Grande marque oblige, je dois me conformer aux attentes de mon patron. J’enfile systématiquement un chemisier blanc, une veste de tailleur bleu marine et un foulard. Je me maquille légèrement et mes cheveux sont tirés en arrière. Ah et bien sûr une manucure absolument parfaite, baby boomer rose pâle, rien de très voyant. Je ne porte quasiment pas de bijoux, si ce n’est la bague de ma grand-mère et un sautoir de perles. Ça, c’est la partie visible de l’iceberg. Dessous, généralement, j’opte au mieux pour un jean, les jours où je sais que je vais devoir bouger, sinon, c’est survêtement confortable et baskets défraîchies, mais pratiques quand je suis dans la concession.
Physiquement, je suis plutôt grande, enfin je crois. J’ai quelques formes, pas forcément où ça devrait (comprendre, je ressemble un peu à une bouteille d’Orangina). Je suis brune, avec des yeux clairs. Je suis plutôt quelconque, même si, comme dirait mon meilleur ami « tu es une fausse moche, Clem, quand t’es maquillée, t’es quand même pas mal ». Ça fait toujours plaisir…
Bon, et je vous dois un aveu. Non, je n’ai pas mauvais caractère. Je ne suis pas non plus hystérique ou hyper anxieuse et j’ai le sourire facile. Ce qu’il faut que vous sachiez à mon sujet, c’est que je suis plutôt maladroite. Mais genre, vraiment. Miss Catastrophe, c’est moi. Dès qu’il y a une planche qui dépasse d’une fenêtre, je me cogne. Si un pot de peinture doit tomber du troisième étage, vous pouvez être sûr que ce sera sur ma voiture, même si je suis à dix mètres, sur la chaussée. Et aujourd’hui, c’est une journée comme ça… De celle où rien ne va. De celle qui nécessite de passer une demi-heure enfermée dans les toilettes à faire un ravalement de façade pour masquer le nième bleu… Celle où Alban vient au garage.
Alban, c’est tout mon contraire. Déjà parce qu’il est client de la concession. Le genre overbooké. Celui qui n’a de temps pour rien et surtout pas pour attendre. Mais qui vous le dit gentiment, avec une petite excuse dans l’intonation, celle qui suit le « vous pensez que ça va être long ? ». Celui qui s’installe sur un des fauteuils en cuir, sort son PC pour commencer à travailler, répondre à quelques mails, lire un dossier ou deux, pas plus de deux cents pages, n’exagérons rien… Il passe des coups de fil en anglais, en espagnol et en chinois (enfin je crois). Je pense que c’est un homme d’affaires. Dans quel domaine ? Je n’en ai aucune idée. Il est beau gosse, me fait toujours un petit clin d’œil quand il me sourit. Sa fossette me fait fondre sur ma chaise. Ses yeux bruns sont hypnotiques. Et son parfum, à se damner. Je me sens toute chose, quand je vois qu’il est inscrit au planning des rendez-vous. Et avec sept voitures de notre marque, il vient assez régulièrement.
— Bonjour Clémentine, vous allez bien ? me demande-t-il avoir une voix profonde qui met le feu à ma petite culotte.
— Bonjour Monsieur Adelson. Toujours, quand vous venez, vous savez bien, minaudé-je bien malgré moi.
Il sourit.
— Je vous laisse prendre un café, je préviens Grégory de votre arrivée, gloussé-je.
C’est là qu’il me lance son fameux petit clin d’œil, celui qui finit de me liquéfier. Si je ne portais pas ces fichues baskets, je serais partie en courant dans les toilettes m’asperger d’eau froide. Et c’est encore pire quand il s’approche du comptoir après avoir glissé la main dans la poche intérieure de son costume hors de prix, et qu’il dépose sur le verre devant moi un petit morceau de papier épais.
— Je ne fais jamais ça d’habitude, mais… murmure-t-il en griffonnant quelque chose avant de me tendre le carton. Tenez, voici ma ligne directe. Appelez-moi…
Je crois que mon cœur vient de louper un battement. Il me donne son numéro ? Sérieux ? Nan mais waou ! Je pourrais crier à travers la concession si je n’étais pas certaine qu’on me prendrait pour une folle et qu’on me ferait interner séance tenant. Il continue comme si de rien :
— Quand ma voiture sera prête.
WHAT ???
Douche froide. J’ai l’impression d’être sur des montagnes russes qui viennent de m’emmener six pieds sous terre. Non mais regarde-toi, pauvre cruche ! Tu crois vraiment que tu as ce qu’il faut pour attirer l’attention d’un mec comme lui ? me crie ma conscience. Quelle garce !
Ma journée se poursuit comme un film catastrophe tendance gags en rafales. Rien de va ! Depuis la trace de café sur mon chemisier blanc jusqu’aux retards pris par l’ate…