Sylvie se gratta la tête : elle étouffait sous ses cheveux. Pourtant, elle les avait lavés pas plus tard qu’hier, mais rien à faire. La faute à la touffeu…
Et maintenant je fais quoi ?
— Hey… ? fit-elle, espérant une réponse de la petite. Hé oh, t’es où ?
Sylvie s’aventura hasardeusement autour de l’arbre, dans l’espoir de retrouver la fillette ou un quelconque indice sur la marche à suivre.
— C’est pas très poli de s’en aller en pleine conversation !
« Conversation ! »
« … versation ! »
« ... tion ! »
« … tion… ! »
« … tion… »
…
Seuls les échos de sa propre voix lui parvinrent.
Depuis quand était-ce si silencieux ? Une minute plus tôt, elle entendait encore le gazouillis des oiseaux ! Quoique, pouvait-elle vraiment affirmer que la forêt soit totalement silencieuse ? Elle percevait comme un vrombissement autour d'elle, un bruit sourd et ténu. De petits gravillons cliquetaient subtilement à ses pieds. Bientôt il lui sembla que l’air vibrait. Il fait chaud.
La brise environnante avait beau jouer avec ses cheveux emmêlés, l’atmosphère lui apparaissait moite, de plus en plus étouffante. Il fait super chaud.
Le vent suffoquant faisait claquer ses vêtements. J’ai trop chaud.
Une bourrasque la poussait avec une puissante telle que la jeune femme peinait à rester sur place. Je vais m’envoler, là !
Sylvie se cacha derrière l’arbre, espérant que, malgré son allure frêle comparativement à la flore locale, sa large circonférence fasse rempart à la rafale brûlante. Elle se blottit entre ses racines, écrasa son flanc contre le tronc, ses ongles plantés dans l’écorce. Ce paravent improvisé avait beau lui épargner le gros de la déferlante, Sylvie souffrait du manque d’oxygène, avalé par le souffle ardent. C’est quand que ça s’arrête ! Il fallait que ça s’arrête. Ça ne pouvait être qu’un cauchemar, un deux ceux d’où on se réveille au moment de mourir.
***
Quand Sylvie rouvrit les yeux, elle crut, et voulut, retrouver la moiteur de son appartement citadin et tressaillit lorsqu’elle tomba nez à nez avec les prunelles étincelantes de la fille de tout à l’heure. Toi !
— Ouf ! Il ne t’a pas emportée.
La jeune femme pesta, désenchantée en retrouvant la moiteur de la sylve et de son pyjama détrempé de sueur.
— De quoi tu parles ? maugréa-t-elle. Et c’est quoi ces histoires !
— Le Soupir.
L’enfant recula, laissant tout le loisir à Sylvie de contempler chaque arbre, chaque buisson, chaque rocher, tout versant de toute chose ayant fait front aux affres de la vague recouvert d’une couche de pellicule d’un blanc sale, gris.
— Le Soupir ?
— Une vague qui arrive sans prévenir. Toujours un peu plus haute à chaque fois.
Sylvie avisa la cime des arbres géants encore verdoyante, sûrement là où la petite s’était perchée pour échapper à la vague, puis celui qui l’avait abritée, pratiquement enseveli.
La jeune femme aurait volontiers objecté qu’elle ne voyait pas le rapport entre le phénomène et sa dénomination, quand un son sec la fit sursauter.
Tactactactac !
En levant le nez au ciel, elle observa un oiseau coloré au bec effilé martelant un tronc d’arbre.
Tactactactac.
Le bruit lui sembla alors moins puissant à présent. Sans doute l’avait-il été en comparaison à l’absence de bruit pendant cet instant de suspens.
Du silence... Genre comme un soupir au solfège ?