L’atmosphère vibrait, électrique comme le ciel avant un orage. Samantha, une autrice dont les yeux brillaient de l’éclat de mille histoires non racontées, tena…
Un clignement d’yeux. Puis deux. Puis trois. Samantha sortit enfin de sa confusion :
« Une IA ? Mais… »
« Bonjour, que puis-je faire pour vous ? »
La chaleur monta sur ses joues. De rage cette fois. Comment cela pouvait-il être ?
« Où est l’éditeur ? »
« Mais je suis l’éditeur. »
« Non, je veux dire, une vraie personne… humaine ! »
« Ne peut-on être vrai sans être une personne humaine ? »
« Euh… Je ne sais pas, mais… »
« Qu’est-ce que vous ne savez pas ? Je peux peut-être vous aider ? »
Samantha pinça les lèvres. Il semblait peu utile de continuer les échanges avec cette machine définitivement pas programmée pour une conversation constructive. Elle fit alors courir son regard plus en détail sur l’espace qui s’ouvrait devant elle. Cet endroit paraissait irréel, lui-même sorti d’un conte. Des centaines, voire milliers de livres empilés du sol au plafond ? Un labyrinthe de papier et d’encre… Les doigts de la jeune femme caressèrent les ouvrages entassés. Elle s’était levée et approchée des tours instables, sans même s’en rendre compte. Elle retira sa main d’un geste vif. Elle s’était attendue à une sensation de bois ou de métal, qui aurait expliqué un tel monument, mais le contact doux du papier la fit sursauter comme une piqûre de guêpe. Il s’agissait bien de livres, mais…
Comment ?
Elle fixa son regard inquisiteur sur l’homme qui s’était levé de sa chaise sans rien dire. Un sourire énigmatique déridait ses traits. Samantha y cherchait un indice de sa vraie nature. En vain. Il indiqua alors :
« Il vaudrait mieux ne pas faire tomber cette pile de livres. J’en serai très contrarié. »
Samantha haussa les sourcils.
Comme si une IA pouvait être contrariée !
Pourtant, la menace semblait sincère. Elle recula de trois pas pour ne pas prendre de risque.
« Vous m’avez dit que vous pouviez m’aider à faire de mon manuscrit un livre. » relança-t-elle.
« En effet. »
« Mais mon pitch ne semble pas vous intéresser… »
« Je serai ravi d’en apprendre plus sur votre manuscrit. »
Samantha ouvrit la bouche pour protester. Puis se ravisa. Cette IA parlait de manière si énigmatique !
Qu’attend-elle exactement ?
La jeune femme observa à nouveau autour d’elle et finalement, une lumière s’alluma dans son regard. Une pièce immense, un labyrinthe de livres, une IA aux répliques mystérieuses…
Un jeu d’évasion ! Ou plutôt, de publication en l’occurrence…
Un ricanement s’échappa de ses lèvres. La maison d’édition « Enigma » avait une drôle de façon de mettre les auteurs à l’épreuve. À en juger par la pile de manuscrits qui s’entassaient ici, peu avait passé la première étape. Mais Samantha était déterminée. Elle erra donc dans la pièce, sous le regard impassible de l’éditeur-robot, pour chercher une piste.
L’endroit grouillait de livres, certes, mais s’il s’agissait bien des écrits des auteurs déçus, comme elle le pensait, les indices devaient se trouver ailleurs. Des bibliothèques de bois massifs habillaient les murs, des tables de la même matière remplissaient l’espace. Tout appartenait à un style plutôt victorien.
Tout ?
Samantha se précipita sur le seul élément anachronique. Si grossier dans un tel décor qu’il lui avait sauté aux yeux, comme il avait dû sauter aux yeux de tous ceux qui étaient entrés dans ce bureau. Le fauteuil aux motifs de plumes d’autruche.
« Ce fauteuil est là depuis longtemps ? » demanda-t-elle à l’IA.
« Depuis le début, j’y tiens beaucoup. »
« Ça vous ennuie si je le déplace ? »
L’homme lui fit signe de ne pas s’en priver et Samantha poussa le siège farfelu hors du tapis sur lequel il reposait. Elle souleva ensuite le tissu aux motifs bariolés et découvrit le loquet d’une trappe. Elle tira dessus et révéla une échelle plongeant dans des profondeurs obscures. Un sourire triomphant orna d’abord ses lèvres puis ses sourcils se froncèrent. Avait-elle vraiment envie de poursuivre ce périple vers l’inconnu ? Certes, elle souhaitait faire publier son texte, mais à quel prix ?
« Bravo, mademoiselle, je vois que vous savez repérer les éléments inopportuns d’un contexte, c’est une qualité très importante lorsqu’on écrit un livre. Voyons voir si vous possédez d’autres qualités essentielles. »
L’IA se tut et Samantha regarda à nouveau dans les profondeurs obscures qui s’étendaient devant elle.
Le courage fait-il partie de ces qualités essentielles ? Il n’y a qu’une façon de le découvrir.
Samantha saisit son manuscrit qu’elle cala sous son T-shirt et dans son jean, pour libérer ses mains. Elle s’assit sur le bord du trou, plaça ses pieds l’un après l’autre sur les barreaux de l’échelle, puis empoigna les montants. Elle prit une grande inspiration, puis descendit dans le vide.
… avant de s’arrêter. Je délire, se dit Samantha. Je suis en plein songe onirique, ce n’est pas possible. Bien que rêveuse à l’imagination tr&egra…