Chapitre 1: Traqué, par BanjiBanjo

Je sens mes muscles tendus comme jamais. Le souffle court, j’élance mes jambes aussi vite que je le peux pour trouver l’issue au plus tôt. Si on m’avait dit que je pouvais être aussi vif durant une course je ne suis pas sûr que j’y aurais cru, pourtant je suis en train de faire la meilleure performance de ma vie, si on peut dire.
 
Enfin, j’ai tout de même une motivation qui me fait pousser des ailes en ce moment. On peut même dire que je l’entends, ma motivation. Alors que mes pas vifs martèlent le sol, j’essaie de ne pas prêter attention aux siens, car j’ai trop peur de me rendre compte qu’ils résonnent de plus en plus fort à mesure qu'elle réduit la distance qui nous sépare.
 
Autant mes foulées sont désordonnées, changeant de rythme au gré des couloirs délabrés qui me semblent ne jamais prendre fin, autant les siennes semblent régulières, voire trop régulières, millimétrées telles que j’aurais imaginé celles de marathoniens ou de militaires surentraînés. Ses pas sont aussi feutrés que ceux d’un prédateur en chasse mais ils demeurent heureusement audibles.
 
Je n’ose pas me retourner pour estimer la distance qui nous sépare. La voir trop proche de moi pourrait me démoraliser dans le meilleur des scénarios, et dans le pire des cas un instant d’inattention pourrait me faire chuter et mettre un terme à cette course-poursuite ainsi qu’à ma vie par la même occasion.
 
Je me sens tellement bête à présent… Quels risques j’ai pris en venant seulement avec Ronan… Mais comment j’aurais pu deviner ? J’ai eu plus de chance car c’est lui qu’elle a vu en premier. Enfin, tout dépend de ce qui va se passer maintenant, car une mort rapide vaut sûrement mieux qu’une chasse à l’homme suivie du même programme. En tout cas, il n’y a aucune incertitude sur ce qui m’attend si je continue à me lamenter au lieu de me concentrer sur mon échappatoire.
 
L’éclairage est désastreux dans ce dédale. Et dire que je trouvais ça amusant à l’aller, me prenant pour un explorateur avec ma lampe torche… Maintenant qu’elle est déchargée et que la moindre zone d’ombre représente un potentiel objet ou cavité synonyme d’une chute fatale, la situation a un goût plus amer.
 
L'expression « lueur d'espoir » m'a rarement parue tant adaptée à une situation, mon objectif étant d'atteindre au plus vite la zone d'où je suis venu et d'où proviennent les seuls rayons de lumière qui éclairent tant bien que mal les couloirs. Je suis sidéré par sa capacité à évoluer dans cette pénombre, c'en est à croire qu'elle connaît chaque recoin du dédale, ou alors que ses yeux sont particulièrement accoutumés à l'obscurité. Se pourrait-il qu'elle aient une vision parfaite dans le noir ?
 
J'atteins à pas effrénés un long couloir que j'entreprends de traverser le plus vite possible. Mes muscles et mes articulations me semblent à présent si douloureux que je n'arrive presque plus à penser à rien d'autre, mais il faut que je reste concentré quoiqu'il arrive.
 
Si mes souvenirs sont bons il ne doit rester plus que quelques embranchements avant d'atteindre la sortie, mais une pensée irrépressible me vient à l'esprit : pourquoi l'extérieur l'empêcherait-elle de me régler mon compte ? Et si je n'avais pas le temps d'atteindre la jeep et de démarrer avant que ma poursuivante ne me rattrape ?
 
C'est à ce moment que j'aperçois une silhouette au fond du couloir, tout d'abord je panique en voyant l'individu me foncer dessus, faisant par la même occasion accélérer mon pouls de manière drastique... Mais je comprends rapidement que ce n'est en réalité que mon reflet à travers un miroir vétuste fixé au fond du couloir en ruines.
 
Dans un soulagement, je me rends compte qu'elle n'est plus derrière moi, ne l'apercevant pas dans le reflet. Heureusement, un sixième sens m'empêche de me relâcher et de ralentir la cadence à cet instant. Malgré la douleur et la fatigue, mon ouïe est toujours bien fonctionnelle et les pas feutrés se font toujours entendre derrière moi... Suis-je en train d'halluciner ?... La mort de Ronan est-elle en train de me faire sombrer dans la folie ? Elle ne peut pas avoir disparu ?!
 
J'arrive au même moment au bout du couloir et ce n'est qu'à cet instant que je comprends que le moindre ralentissement aurait été synonyme de mort. Arrivé à hauteur du miroir, je l'aperçois enfin sur la partie supérieure de la surface de verre. C'est au niveau du plafond que je la vois progresser à vive allure à ma poursuite.
 
Elle court aussi aisément au plafond que sur le sol à l'aide de de ses pattes velues. Je réprime une terrible envie de vomir alors que je ne peux m'empêcher d'observer l'immense corps de l'arachnide qui vient chercher son deuxième repas du jour.