Ils courent, ils courent, par MadBlackHands

Elle crut plus d’une fois être sur le point de rendre l’intégralité de son déjeuner sur les baskets de ce pauvre Lucien. Sans trop savoir comment ni pourquoi, …




Chapitre 6: …les futés, dans les fourés..., par Wargen

Lucien pointa machinalement la faux dans la direction du gros matou. Qui lui répondit en faisant le dos rond et en sortant les griffes. Tout en gardant son sourire carnassier démesuré.
 
-T'es qui toi, sale bête ?
 
Lucien était obnubilé par ce sourire aberrant. Il lui semblait bien...
 
-Est-ce ainsi que l'on s'adresse à un inconnu, mon brave Lucien ?
 
Le chat reprit une position moins agressive, s'assit et donna deux coups de langue rapides sur une patte avant.
 
-Comment tu m'connais, l'chat ? Et t'es qui ?
 
-Quelqu'un d'assez futé pour vouloir garder sa tête sur son corps. C'est assez pratique pour continuer de pouvoir s'en servir, de sa tête !
 
L'énorme chat tigré se leva et vint se frotter contre le jean mouillé du Lucien.
 
-Eh, m'touche pas, sale bête, on...
 
-... n'a pas élevé les cochons ensemble ? Tu te répètes, mon brave Lucien. D'ailleurs, appeler la reine de Coeur « Jean-Pierre », tu en as du culot. Pas très futé de la futaie ?
 
-Eh, toi, je... tu...
 
Lucien s'arrêta tout seul, et se perdit dans son monde intérieur. Sous le sourire moqueur du chat bariolé qui le regardait en penchant la tête.
 
Pourquoi « Oui Jean-Pierre », d'ailleurs ? D'où est-ce que ça peut v'nir ? Ok, ça pète, mais pourquoi, bordel, Jean-Pierre ? J'connais même pas d'Jean-Pierre, en plus. Ça ne viendrait pas de l'autre, là ? T'es là ? Ou chais pas comment ? Comme une idée qu'elle m'aurait glissée dans la tête ? 'Fin, peu importe, balancer ça à une dingue pouponnée armée d'une faux et qui veut m'couper la tête... Pas très futé, comme il dit, le matou ! Mais c'est qui, d'ailleurs, c'matou qui parle ? On nage en plein délire, là !
 
-Delirium tremens ou pas, m'est avis que ça n'est pas bon de traîner par là.
 
Le chat fit sursauter Lucien. L'animal, dont l'apparence semblait devenir floue, regarda dans son dos, comme aux aguets.
 
-Bon, l'animal, arrêt ton char, t'es qui ? Ou t'es quoi ? Tu s'rais pas l'incarnation par mon subconscient des groupies des Chats Sauvages, par hasard ?
 
Le chat violet se retourna vers Lucien, l'air perplexe :
 
-Tout dépend des conséquences. A quoi est-ce que je m'expose si je réponds par l'affirmative ?
 
Lucien passa délicatement la lame de la faux sur la nuque du matou.
 
-Mââââoooo ! Je crois que je vais répondre par la négati...
 
Ses oreilles pivotèrent soudainement, sa tête suivant tout en s'abaissant doucement pour esquiver le fil de la lame :
 
-Je crois qu'ils sont à ta recherche. Ou plutôt à celle de ta belle, miaou est avis.
 
La faux fut brandie dans la direction vers laquelle s'était tournée le gros félin.
 
-Alice ? Attends, j'vais aller leur expliquer la vie, à ces...
 
-Alice ? Miaouuuuu ! » Le chat s'étira nerveusement, semblant perdre encore plus de substance « Cette minaude d'Alice ? Arrête de penser avec ta queue, et commence à le faire avec ta tête. » Le chat se tourna, montrant son derrière à Lucien, la queue dressée et frétillante. « C'est la Marcheuse qui importe. Alice, tout comme moi, n'est qu'un fantôme provisoire, une image passagère, dans sa quête. Dans VOTRE quête. Vu que tu es son écuyer.
 
Avant que Lucien n'ait eu le temps de répondre, le gros chat sauta et s'agrippa à un tronc. Il grimpa prestement sur une branche, de manière étonnante vu sa taille. Et disparut au yeux du jeune homme, ne laissant trainer derrière lui qu'une fugace image de sourire qui s'évanouit au bout de quelques secondes. C'était donc ça ! Stupide matou joufflu !
 
Et comme dernière trace de sa présence, il miaula une dernière sentence :
 
-Et d'ailleurs, écuyer, si tu veux la retrouver sans trop fouiner dans les fourrés comme un furet floué, tu devrais tendre l'oreille. Et la bonne. Miaou !
 
Un cri strident retentit. Et s'arrêta aussi soudainement qu'il était apparut. Comme coupé dans son élan et n'ayant pu aller au bout de sa partition.
 
 
 
Alice entraînait Leyla depuis un temps qui semblait indéterminé à cette dernière. Interminable ? Indéterminable ? Les branches basses leurs griffaient le visage tandis que la forêt s'épaississait. Alice tirait Leyla par le bras avec une force bien trop forte compte tenu de sa carrure. Elle lui arrachait le bras presqu'autant que Lucien lors de leur dégringolade de la butte.
 
Et au bout d'une douleur qui lui parut maintenant insupportable, elle arracha sa main de celle d'Alice et stoppa brusquement sa course, reprenant comme elle le pouvait son souffle les mains sur les cuisses.
 
Alice, qui ne semblait pas le moins du monde atteinte par la course folle qu'elles venaient d'engager, revint vers elle et se fit pressante :
 
-Marcheuse, il ne faut pas s'arrêter, ils pourraient nous rattraper !
 
-Alice... je suis essoufflée... j'ai un point de côté... et tu me fais mal au bras... en me tirant...
 
-Faite un effort, Marcheuse, nous ne sommes plus très loin. J'en suis sure ! Il faut continuer...
 
Leyla, les joues rougies par l'effort, se redressa suffisamment pour regarder Alice dans les yeux :
 
-Je ne bougerais pas d'ici... tant que je n'ai pas soufflé... Je ne suis pas aussi forte... que l'autre, là !
 
Leyla vit une expression difficilement compréhensible passer dans les yeux d'Alice.
 
-Lucien est courageux et a pris sur lui de nous protéger ! Il ne faut pas que son geste n'ait servit à rien. Vous ne pouvez pas lui faire cela !
 
Leyla souffla un grand coup, et se redressa totalement. Son visage était froncé et son attitude inamicale.
 
-De ce que je comprends, JE suis la Marcheuse. Lucien n'était que mon écuyer. C'est moi qui importe. C'est donc MOI qui décide, non ?
 
Les yeux d'Alice s'arrondirent de surprise :
 
-Oui... Non... Je... » Le voile revint dans ses yeux, la surprise se changeant en colère « Lucien est un preux écuyer, dévoué à sa tâche et à son rôle. Et il a d'ailleurs des qualités autres, j'en suis sure. Peut-être aurait-il pu faire un Marcheur de livre, lui aussi. Un VRAI Marcheur de livre !
 
-Pfff, c'est bas. Et nul, comme attaque. Si je me m'abuse, vos paroles n'étaient-elles pas » Leyla ferma les yeux, pour faire appel à sa mémoire : « La Marcheuse de livres est celle qui pourra tous nous sauver, voyageuse de contes et d’histoires ; il lui faut, bien sûr, un loyal écuyer pour assurer ses arrières, car se déplacer de récit en récit s’avère bien dangereux pour une âme aussi délicate. » Il me semble que les rôles sont clairement établis !
 
-Je n'avais énoncé ces demi-vérités que pour calmer ce fougueux étalon !
 
Leyla, les yeux toujours fermés :
- « Leyla, voyons, vous êtes ici pour combattre ce qui nous ronge depuis trop longtemps déjà ! Vous avez la capacité de parcourir tous les livres possibles et imaginables pour nous sauver ! Vous avez dû en être informée pourtant ! »
 
Elle rouvrit les yeux :
 
-Non seulement je n'ai été informée de rien, mais je dois faire avec une tâche qui m'incomberait alors que je ne l'ai pas demandée, et dans une situation rocambolesque. Catapultée dans un univers que j'espère être un songe, entourée de personnage de roman, et d'un rustre qui semble bien trop facilement faire tourner les têtes des jeunes demoiselles. D'ailleurs, cet « écuyer » me semble bien trop manipulable pour faire un bon Marcheur de livre, même si je n'ai aucune idée de ce que ce titre débile implique. Mettez-lui une petite blonde bien roulée devant les yeux, et hop, il oublie complètement sa tâche, le preux écuyer !
 
-Comment ? Vous... tu n'as pas le droit de dire tout cela !
 
Alice plongea sur Leyla pour la bousculer. Leyla la réceptionna pour atténuer le choc, reculant de deux mètres, et son dos vint percuter un tronc d'arbre. Elle envoya une gifle que la chevelure bouffante d'Alice amoindrit. Les deux femmes furent légèrement sonnées par cet élan de violence. Leyla regarda sa main, honteuse. Alice, passant de l’hébétement à la fureur, agrippa son adversaire des deux mains et, d'un mouvement brusque, l'envoya valdinguer sur le côté. Leyla lâcha un cri strident. Dans un mouvement ralenti, elle se sentit voler dans les airs et vit le sol spongieux et lézardé de racines se rapprocher dangereusement. Ses mains crispées, dressées devant sa tête, voulaient la protéger du choc frontal qui s’annonçait petit à petit.
 
Et, aussi soudainement qu'il était apparut lors de sa chute précédente alors qu'elle chevauchait Lucien, la fente verticale d'un noir absolu, aux frontières hésitantes et fluctuantes, s'ouvrit devant elle, promettant, elle le savait maintenant, de l'absorber pour l'envoyer vers un nouveau monde. Et juste avant que sa tête ne franchisse la frontière ténébreuse, froide et visqueuse, elle espéra que ce monde serait moins terrifiant que le précédent.




...dans de beaux draps..., par MadBlackHands

Un battement de cœur en moins. C’était ça. Il venait de louper un battement et le choc résonnait dans tout le reste de son corps, jusqu’à ses orteils. …