Une vie contre trois fois rien, par Bat.Jacl

Dès l’instant où je prononce ma phrase, je me sens stupide. Est-ce qu’il peut ? — Est-ce que vous pouvez ? Il sourit, ce qui est assez difficile &…




Chapitre 4: Où est le loup?, par Wargen

L’extravagance du rêve atteint son acmé et il explose au moment où le réveil se met à hurler sur la table de nuit. Et aussi brutalement qu'une lumière s'allume lorsque l'on appuie sur un interrupteur, tout le sens du songe disparaît de mon esprit, comme aspiré dans le néant. Je savais avoir vécu quelque chose d'immense et de beau, quelque chose qui transcende notre morne existence. Mais tout n'était maintenant que brume opaque et lointaine, idées floues et incohérentes. Seul semblait encore planer dans la chambre, comme imprimé en filigrane dans un nuage de gaz invisible, ma stupide demande à Monsieur Sourire. Ainsi que ces exigences. Et la menace inconsciente d'un compte à rebours indéfini.
 
Je me lève avec un début de migraine. Pas que la nuit n'ait pas été bonne. Loin de là, depuis que Monsieur Sourire était là. Mais il me semble que... Quelque chose m’échappe. Quelque chose dont il a été question hier soir.
 
Sortant de la chambre en me frottant les yeux, je vois Chloé qui ferme la porte de la sienne et me sourit de sa petite face d'ange. Je lui ébouriffe sa tignasse emmêlée et la colle contre moi.
 
« Il est hors de question que je fasse quoi que ce soit à ma sœur !! »
 
Maman nous a déjà préparé le petit-déjeuné, et j'écoute Chloé expliquer, toute excitée, tous les animaux qu'elle veut aller voir avec sa copine Leyla. Maman me rappelle la sortie au zoo que sa maîtresse a organisée pour aujourd'hui. Ah, qu'il est loin le temps de l'école maternelle et de l’insouciance ! Je fais la moue, maussade, en pensant aux Lois de la théorie de Newton sur le mouvement des corps, et au partiel du jour. Aux objets qui tombent à la même vitesse sans frottement de l'air. Quelque soit leur taille et leur poids. Qu'il s'agisse d'une plume ou d'une boule de bowling. D'un cheveu ou d'un mètre-cube de mercure brut.
 
« Ne soit pas stupide ! Un fragment, c’est tout ou n’importe quoi : un cheveu ou un ongle fera très bien l’affaire ! » Un frisson parcourt mon échine.
 
Je ramasse mes affaires, fait une bise à Chloé et Maman et sort me rendre à l'arrêt de bus. Une nouvelle journée longue et monotone débute.
 
Mon téléphone portable vibre dans ma poche. Un SMS de Maman.
 
« Richard a une réunion de chantier aujourd'hui et ne va pas pouvoir passer récupérer Chloé à la garderie. Est-ce que tu peux y aller en sortant des cours ? Je te remercie. Xoxo. Maman. »
 
« Ok, pas de pb. Bsx »
 
Richard. Je ne l'avais jamais trop aimé. Oui, Maman avait le droit de retrouver un nouveau chéri après la mort de Papa. Mais elle aurait pu choisir mieux. Distant, sévère et presque toujours en déplacement. Je suis sûr qu'il avait une liaison avec quelqu'un d'autre. Maman ne le méritait pas. Chloé non plus. Son père n'était pratiquement jamais là pour elle. Son père...
 
L'évidence me cloue sur place. Le chauffeur de bus est obligé de me sortir de mes esprits pour que j'évite de louper la descente.
 
Son père. Chloé et moi n'étions que demi-frère et demi-sœur, avec la même mère.
 
« En deuxième offrande, qui n’en ait pas vraiment une, pour ressusciter ton père, j’aurai besoin d’un morceau de chacun de ses enfants. »
 
Chacun de ses enfants. Ça ne pouvait donc pas être Chloé, vu qu'elle était née après sa mort, et que son père était Richard. A moins que... Non, c'était trop tordu.
 
-Ça va, Jérôme ?
 
Je me tourne en sursautant.
 
-T'es pas dans ton assiette, toi, lol !
 
Jeanne pouffe de rire, tandis qu'Isabelle et Sophie chuchotent et tentent de cacher leur sourire en mettant la main devant leur bouche.
 
-T'as failli foncer dans le grillage, gros nigaud, ptdr !
 
-Oui, bon, ça va, je suis pas trop réveillé, tenté-je de me justifier maladroitement.
 
A l'entrée dans les grilles du lycée, j'essaye d'oublier cette information. Qui me parasite et me perturbe évidemment toute la journée. A ne plus me rappeler de ces foutues Loi de Newton.
 
Devant les grilles de la garderie, je regarde Chloé avancer dans ma direction en sautillant. En étant attentif, je ne peux que me rendre à l'évidence que nous ne partageons pas les deux mêmes parents : elle, aux cheveux blonds et lisses, à la figure pâle et anguleuse et aux yeux bleu ; moi, aux cheveux châtains ondulés, aux yeux marrons et à la peau dorée.
 
Sa réunion de chantier ayant duré plus longtemps de prévu, Richard est resté dormir sur place. Ou chez sa maitresse. Maman est épuisé après sa longue journée à l'hôpital, elle revient de la chambre de Chloé après son histoire et s'effondre dans le canapé devant la télé allumée.
L'instant me semble le plus approprié, mais j'ai peur de me lancer. Les formes à la télé sont vives et découpées à la serpe. Mes mains s'emmêlent l'une dans l'autre. Ma bouche s'ouvre et se ferme plusieurs fois avant qu'un son ne daigne sortir.
 
-Mamaaan...
 
Quelques secondes s'écoulent. Je pense qu'elle ne m'a pas entendu. Au moment où je perds espoir et commence à me tourner pour partir dans ma chambre, je l'entends soupirer :
 
-Oui mon chéri, qu'est ce qu'il y a ?
 
Comme je ne réponds pas, elle se tourne vers moi, légèrement inquiète :
 
-Mon chéri, tout va bien ?
 
Je viens m’asseoir à côté d'elle.
 
-Maman, j'ai... est-ce que je peux te poser une question ?
 
Elle me regarde, une ride verticale entre les yeux.
 
-Mais oui mon petit. Qu'est-ce qu'il y a ?
 
-Maman... Je ne suis pas ton petit, je suis plus grand que toi.
 
-Je le vois bien, mais tu resteras mon petit pour toujours. Alors, qu'est-ce qu'il y a ?
 
-Je... est-ce que j'ai un frère ou une sœur ?
 
Son expression semble légèrement se détendre malgré le contenu de ma phrase.
 
-Mais que t'es idiot, tu m'a fait peur ! Et Chloé, c'est du poulet ?
 
Elle me tord le nez en rigolant.
 
-Non, je veux dire, à part Chloé. Avec Pa... papa. Est-ce que vous avez eu un autre enfant ?
 
Son sourire se fige, tandis que les traits de son visage se crispent.




Le secret, par Bat.Jacl

Dès cet instant, je perçois derrière ses traits un secret enfoui. L’atmosphère de la pièce devient lourde, chargée de non-dits. — Non, murm…